Alain Rodier, du Centre français de recherche sur le renseignement, analyse au micro de Radio Vatican la nouvelle phase entamée par les djihadistes de l'EI dans le terrorisme islamique.
L’actuel modus operandi de l’Etat islamique (EI) a quelque chose d’inédit si on le compare à celui de son « rival » Al-Qaïda. La décapitation du français Hervé Gourdel par l’EI, le quatrième depuis James Foley au mois d’août, démontre entre autres que le but poursuivi par les djihadistes dans la prise d’otage n’est plus vraiment le même.
Les Soldats du Califat (Jund Al-Khilafa) qui ont exécuté Hervé Gourdel en Algérie – juste après l’appel de l’EI à engager des représailles à l’encontre des ressortissants des pays de la coalition internationale – sont en effet une dissidence d’AQMI (Al-Qaida au Maghreb Islamique), qui a décidé de rejoindre l’EI cet été : « On les connaît depuis l’été 2014, remarque Alain Rodier, directeur de recherche auprès du Centre français de recherche sur le renseignement, au micro de Radio Vatican. Mais [les Soldats du Califat] sont présents dans les forêts de Boumerdès et de Tizi Ouzou depuis de très longues années, il ne s’agit pas d’une nouvelle unité. C’est vraiment une unité qui a basculé. »
Il semblerait en effet que la nouvelle réalité imposée par l’EI pousse les divers groupes islamistes à reconsidérer leur allégeance à Al-Qaïda. Dans ce cas précis, outre la galvanisation que peut susciter l’idée d’un califat à l’échelle mondiale, ce choix de ralliement suivrait avant tout des intérêts économiques : ces djihadistes algériens espèrent très probablement obtenir des subsides de l’Etat islamique, plus généreusement financé qu’Al-Qaïda. Le groupe, jusqu’alors inconnu du reste du monde, a fait sienne la nouvelle stratégie communicationnelle de Daech. « Jusqu’à maintenant, poursuit Alain Rodier, quand des otages étaient décédés en détention, c’était généralement, et malheureusement, de mort naturelle, parce que l’objectif des terroristes est de tirer un maximum de ces otages : faire libérer des prisonniers, obtenir des rançons, etc. Nous sommes désormais entrés dans une nouvelle phase, une phase de propagande, qui s’est hélas cristallisée dans l’exemple des [quatre] martyrs qui ont été décapités par l’EI : l’image est présente dans tous les esprits ».
Pour François-Bernard Huyghe, directeur de recherches à l’IRIS, le choix de la décapitation systématique est révélateur du « sens symbolique » que les djihadistes du Califat tentent d’attribuer à leurs crimes : « Dans leur esprit, l’otage s’apparente à l’agneau du sacrifice. C’est une exécution, un acte de justice. Nous sommes les criminels, et l’otage est condamné au nom d’une sentence. Donc il doit être décapité ».