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Au terme de son voyage apostolique au Luxembourg et en Belgique du 26 au 29 septembre derniers, le pape François a surpris en annonçant son souhait de voir l’ancien roi des Belges Baudouin béatifié par l’Église catholique. Les observateurs s’étaient étonnés de ce nouveau déplacement entre le grand voyage en Asie et la conclusion du synode sur la synodalité. L’une des explications était manifestement là.
Comme François, Baudouin n’avait pas de numéro accolé à son nom de règne, accentuant encore son caractère unique. Roi très aimé de son peuple, souffrant intimement de n’avoir pu avoir d’enfant avec son épouse la reine Fabiola avec laquelle il partageait une foi profonde, Baudouin ne pouvait pas, en conscience, sanctionner la loi qui, en 1990, devait dépénaliser l’avortement en Belgique. Usant d’une possibilité offerte par la Constitution belge, il s’était alors retiré quelques heures de sa fonction royale, le 4 avril, afin de ne pas être associé à cette décision. À l’époque, même si une majorité de la population était favorable à la nouvelle législation, le geste du roi avait été salué pour le courage qu’elle exprimait de la part d’un homme connu pour sa réserve naturelle.
Nul doute que le pape François ne veuille voir le roi Baudouin élevé à la gloire des autels pour cette attitude courageuse, signifiant par là son propre refus, qui n’est que le rappel de l’enseignement constant de l’Église sur l’avortement. Déjà, dès le premier jour de son voyage au Luxembourg, il s’était désolé, certes avec humour mais aussi fermeté, sur la dénatalité colossale de cette partie de l’Europe. Les interlocuteurs du Pape ont moyennement apprécié, d’autant que le Pape a exprimé son souhait, ce qui n’est manifestement pas un hasard, le jour dit du "droit à l’avortement" en Belgique. La classe politique et les autorités universitaires se sont montrées, dans leur ensemble, très hostiles à la position du Souverain Pontife, pas pour son souhait de béatification qui relève de sa responsabilité, mais pour son ingérence dans la législation d'un État laïque et par ailleurs fortement déchristianisé.
Le contrepied de la société
Alors que cela n’était pas prévu au programme, François est allé se recueillir dans la crypte de l'église paroissiale de Laeken, en présence du roi Philippe et de la reine Mathilde. L’actuel souverain belge, dont on sait également la foi sincère, s’est inscrit dans les pas de son anté-prédécesseur, en précisant le caractère privé de la démarche du Saint-Père, afin de ne pas froisser l’opinion de son royaume fortement déchristianisé. De fait, le Pape a pris le contrepied de la société belge et assurément dérouté ceux qui le saluaient jusqu’ici pour son progressisme. Mais, pour François, l’immigré et l’enfant à naître c’est tout un, un être fragile que la société doit accueillir avec générosité.
Même s’il s’agit d’une volonté papale, la béatification du roi Baudouin n’est pas acquise. Elle demandera du temps, et en l’occurrence, beaucoup de temps, car il est vraisemblable que l’Église locale ne se précipitera pas pour faire avancer le dossier qui n’aboutira certainement pas avant la fin du pontificat de François. Pourtant, on se souvient de la phrase énigmatique du cardinal Godfried Daneels, archevêque de Malines-Bruxelles de 1979 à 2010, lors de la messe de funérailles du roi Baudouin le 7 août 1993 : "Un jour viendra où toute la dimension du secret du Roi sera révélée au monde." Or, seul un procès en béatification de l’ancien souverain donnerait la possibilité de dévoiler ce secret.
Les saints du Plat Pays
Cela permettrait aussi à l’ancien monarque de rejoindre la cohorte, où il aurait effectivement toute sa place, des grandes figures de sainteté nées ou ayant rempli leur apostolat dans le Plat Pays : qu’il s’agisse de saint Ursmer de Lobbes (644-713), évangélisateur de la Flandre et du Hainaut, de saint Damien de Molokaï (1840-1889), inlassable défenseur des lépreux ou bien encore du bienheureux Édouard Poppe (1890-1924), apôtre de l’eucharistie et de la mission. Tous avaient leur secret qui n’est peut-être pas si mystérieux : leur amour de Dieu et de leur prochain.