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Le pontificat de François, onze ans pour faire sortir les catholiques de leur “zone de confort”

Voyage du pape François en Irak, à Mossoul. 7 mars 2021.

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Cyprien Viet - publié le 12/03/23 - mis à jour le 13/03/24
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Retour sur onze années mouvementées du pontificat de François (2013 - 2024) qui a fait sortir l’Église catholique de son ancrage européen et occidental.

Le pontificat de l’Argentin Jorge Mario Bergoglio, élu le 13 mars 2013 sous le nom de François, secoue l’Église et, selon les points de vue, la réveille, ou la fait tanguer. En juillet 2013, les premiers pas hors de Rome seront pour Lampedusa, île italienne perdue au large de la Tunisie et première porte d’entrée en Europe pour des milliers de migrants africains. La défense des migrants sera un axe central de son pontificat, quitte à créer des incompréhensions parmi les catholiques européens. Mais à travers ses appels, ce sont aussi les droits des migrants chrétiens qu’il défend, notamment dans les pays du Golfe où des communautés chrétiennes autrefois peu visibles, essentiellement formées de travailleurs venus d’Inde et des Philippines, sortiront des "catacombes" à l’occasion des visites de François à Abou Dhabi (2019) et à Bahreïn (2022).

Pape de la main tendue, François, fort de son expérience de Buenos Aires, multiplie les déplacements internationaux  à coloration œcuménique et interreligieuse, y compris dans des pays où la minorité catholique est infime, comme en Bulgarie, en Macédoine du Nord ou encore au Kazakhstan. Ses nombreuses rencontres avec le grand-imam d’Al-Azhar, et son sommet avec le patriarche de Moscou à Cuba en 2016, constituent des images fortes de son pontificat. Ses voyages en Irak, au Soudan du Sud ou encore en Centrafrique, considérés a priori comme impossibles, ont montré le courage physique du Pape et son attention à des populations traumatisées par les guerres et les persécutions.

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Le pape François bénissant un enfant lors de son voyage au Soudan du Sud, février 2023.

Les difficultés, toutefois, ne manquent pas. L’enlisement des relations avec la Chine, malgré l’accord de 2018 sur les nominations d'évêques, demeure un point contesté de ce pontificat. La relative discrétion du Pape sur l’offensive russe en Ukraine - la diplomatie pontificale cherchant à garder des contacts avec la Russie -, a considérablement fragilisé l’image du Pape en Ukraine mais aussi dans d’autres pays d’Europe centrale comme la Pologne, un pays pourtant traditionnellement très papiste. 

L’aura initiale du Pape en Amérique latine, son continent d’origine, s’est beaucoup affaiblie après sa visite de 2018 au Chili, durant laquelle il avait réagi avec froideur face aux critiques des victimes d’abus, avant de reconnaître s'être trompé. François a ensuite cherché à développer une approche plus cohérente dans la lutte contre les abus au niveau mondial, notamment avec le sommet des présidents de conférence épiscopale organisé en 2019 au Vatican, mais les évolutions demandées peinent à se concrétiser.

La sainteté ordinaire

Sous son impulsion, la vie de l'Église a été marquée par plusieurs concepts clés : la joie et la fraternité universelle, thème récurrents de nombreux documents et discours ; la miséricorde, qui a donné lieu à une Année sainte en 2016 ; la sainteté ordinaire, objet de l’exhortation Gaudete et exsultate en 2018 ; ou encore la synodalité, explorée comme une méthode de discernement collégial autour de thèmes précis (la famille, les jeunes, l’Amazonie) avant le processus actuel, lancé en 2021, censé fixer de nouvelles méthodes de gouvernement pour l’Église. Le pape François veut ainsi continuer à mettre en œuvre le concile Vatican II.

L'encyclique phare de ce pontificat, Laudato si’, a mis l’écologie intégrale au centre du catholicisme, reliant la défense de l’environnement à la protection de la dignité des plus pauvres. Le Pape a par ailleurs amorti le choc de la pandémie de Covid-19, à partir de 2020, en tenant fermement la barque de Pierre dans cette période de crise, délivrant dans ses homélies un message d’espérance à des millions de catholiques confinés et inquiets. 

En pleine pandémie, seul, place Saint-Pierre, le pape François a béni le monde le 27 mars 2020.

Certains arbitrages ont suscité des graves frictions internes : les limitations apportées à la célébration de la messe pré-conciliaire, la mise en place de contrôles très stricts sur l’usage des finances, les réformes de la communication ou encore celle de la justice vaticane ont valu au Pape de nombreux ennemis. 

Fixer son regard sur Jésus

Le procès actuel du cardinal Becciu et d’anciens responsables de la secrétairerie d’État met en lumière les dysfonctionnements structurels du Vatican, face auxquels le pape semble faire preuve de fermeté mais aussi d’une forme d’impuissance. Les obsèques de Benoît XVI, le 5 janvier 2023, ont par ailleurs remis en lumière des clivages qui semblaient avoir été esquivés du vivant du pape émérite, dans un récit officiel de continuité entre les deux pontifes.

Onze ans après son élection, c’est un pape physiquement marqué par son âge de 87 ans, souvent contraint à utiliser son fauteuil roulant et à limiter ses activités, qui continue à se présenter au monde. Mais dans sa vulnérabilité assumée et dans une forme d’effacement, François invite avant tout les chrétiens à ne pas fixer leur regard sur lui, mais sur Jésus, maître de la vie et de l’histoire au-delà des secousses et des contradictions de ces temps d’instabilité et de tempête. 

En mages, la touchante rencontre entre le pape François et des enfants du monde entier pour la paix :

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