Sans être adepte de l’ésotérisme numérologique, la tradition chrétienne attache aux chiffres un certain symbolisme qui n’a d’intérêt que s’il sert le mystère de la foi. Le trois est divin et trinitaire, le quatre est le chiffre de l’humanité, le sept est signe de plénitude et le quarante est autant le désert de l’Exode que la pénitence du Christ avant son baptême. Mais, qu'en est-il du nombre douze, souvent invoqué dans les Écritures ? Mathématiquement, douze s’obtient en multipliant le trois et le quatre. Symboliquement, voilà donc une alliance entre Dieu et l’humanité.
Plus précisément, le douze renvoie à l’élection et donc au peuple de Dieu. Jacob, après sa lutte nocturne qui le rend boiteux, est renommé Israël, "Dieu combat", parce que le Seigneur l’accompagne toujours et partout. Comme il accompagne ses douze fils. Le peuple choisi par Dieu se rattache dès lors à ces douze enfants, qui constituent les matrices des douze tribus d’Israël (cf. Gn 35, 22). Alliance et élection, donc, mais aussi totalité. Malgré la disparition du royaume du nord (Israël), avec ses dix tribus, puis la chute de celui du sud (Juda), le peuple se pense à travers les douze tribus. Et tourne son regard vers la fin des temps, qui réunira pour toujours les descendants de Jacob. Saint Paul ne dit-il pas lui-même devant les juges romains : "Je mets mon espérance en la promesse faite par Dieu à nos pères, promesse dont nos douze tribus espèrent l’accomplissement, elles qui rendent un culte à Dieu jour et nuit avec persévérance". (Ac 26, 6-7)
Quand le Christ choisit parmi ses disciples douze hommes, désignés comme les apôtres par la Tradition, il signifie ainsi que sa venue accomplit l’attente du peuple élu. Désormais, toute l’humanité est appelée à vivre de la Révélation d’abord accordée aux douze tribus qui se réalise par le Mystère pascal. Ils sont les fondations de l’Église, nouvel Israël de Dieu, qui ne se substitue pas à la première Alliance puisque Dieu n’oublie pas ses promesses, mais lui donne une extension nouvelle. L’évangéliste Marc narre deux multiplications des pains : la première, adressée à Israël, laisse douze paniers de restes ; la seconde sept, pour le monde païen. Puis, dès la Pentecôte, les disciples sont cent-vingt, dix fois douze. Dans l’Apocalypse, où le nombre douze est omniprésent, il est aussi multiplié pour désigner la multitude des élus appelés à vivre en Dieu : au jour de la manifestation du Seigneur, 144.000 personnes sont marquées du sceau, 12.000 de chaque tribu d’Israël (cf. Ap 7).
Signe de la Jérusalem céleste
Si dans l’évangile (cf. Mt 19, 28 ou Lc 22, 30) les Douze sont appelés à siéger sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël, saint Jean donne la vision d’une Jérusalem nouvelle (cf. Ap 21, 12-14) avec douze portes sur lesquelles sont inscrits les noms des douze tribus des fils d’Israël, et dont les assises sont les douze apôtres de l’Agneau. Les colonnes de l'Église, dira-t-on, reprises dans le rite de la dédicace puisque les églises sont consacrées par douze croix ointes et illuminées sur douze piliers de l’édifice. L’église de pierre est alors la figure de l’Église de pierres vivantes, comme la Jérusalem terrestre est le signe de la Jérusalem céleste.
Figure de l’Église, Marie elle-même est affublée de douze étoiles dans la vision johannique du chapitre 12 de l’Apocalypse. La chose se retrouve dans l’iconographie, mais également, par coïncidence, sur le drapeau européen. Le croisement des deux symboles a donné le vitrail de l’abside de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Offert par les fondateurs du Conseil de l’Europe, il semble que l’Europe est remise entre les mains de la mère de Dieu, priée comme mère de l’Église le lundi après la Pentecôte.