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Deux ans après les attentats, les chrétiens du Sri Lanka n’oublient pas

Une série d'attentats perpétrés dans des églises en pleine messe de Pâques et des hôtels de luxe a frappé le Sri Lanka dimanche 21 avril 2019.

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Agnès Pinard Legry - publié le 20/04/21
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Il y a deux ans, le 21 avril 2019, jour de Pâques, plusieurs attentats simultanés, dont trois visant des églises, faisaient 250 morts et 500 blessés au Sri Lanka. Si l’Église a pardonné, elle n’oublie pas et réclame justice.

Le matin de Pâques 2019 restera à jamais dans la mémoire du peuple sri lankais. Une série d’attentats-suicides visant trois églises et trois hôtels de luxe a coûté la vie, le 21 avril 2019, à plus de 250 personnes et en a blessé plus de 500. À Colombo, la capitale du pays, l’église Saint-Antoine et trois hôtels de luxe situés en front de mer sont frappés par des attaques presque simultanées à partir de 8h30 du matin. Au même moment, des bombes explosent dans l’église Saint-Sébastien à Negombo, sur la côte ouest du pays, et dans une autre de Batticaloa, sur la côte est. Les chrétiens, réunis à l’église pour fêter la résurrection du Christ, font alors soudain face à un déchaînement de violence. Jour de joie pour les fidèles, Pâques devient brusquement un jour de désolation où des corps déchiquetés se devinent sous les gravats des édifices.

L’île d’Asie du Sud n’avait pas connu un tel déchaînement de violence depuis la fin de la guerre civile dix ans auparavant. Quelques minutes plus tard, l’État islamique, encore une fois, revendique les attentats. Rapidement le monde découvre les premières images et le Saint-Père, dans sa bénédiction Urbi et Orbi, exprime sa douleur en apprenant ces "graves attentats". Le cardinal Malcolm Ranjith, archevêque de Colombo, exprime aussitôt ses condoléances pour toutes les victimes et invite à prier pour son pays tragiquement meurtri.  Partout dans le monde, en ce jour de la Résurrection du Christ, des dizaines de diocèses s'unissent par la prière pour les victimes de ces attentats.

Le soir même des attentats, le président sri-lankais, Maithripala Sirisena, instaure un couvre-feu de 12h et un état d’urgence est décrété dans tout le pays. Les offices liturgiques sont tout simplement suspendus. Ils ne reprendront que quatre semaines plus tard, le 13 mai 2019, sous haute surveillance.

L’émotion passée, les interrogations se bousculent. Et la colère monte. La presse révèle dans les jours qui suivent que le chef de la police nationale, Pujuth Jayasundara, avait émis une alerte dix jours auparavant concernant un mouvement islamiste, le NTJ (National Thowheeth Jama’ath), qui aurait projeté "des attentats suicide contre des églises importantes" ainsi que l’ambassade d’Inde à Colombo. Pour mémoire, environ 1,2 million de catholiques vivent au Sri Lanka (majoritairement bouddhiste), soit 7% de la population. Une alerte restée lettre morte. L'enquête a révélé depuis que le président de l'époque, Maithripala Sirisena, ainsi que des responsables du renseignement avaient bel et bien reçu des informations précises de l’Inde sur l’attaque 17 jours plus tôt mais n’ont pas agi. "Cela faisait plusieurs mois que la minorité chrétienne était menacée au Sri Lanka, comme elle l’est aussi dans le nord de l’Inde", expliquait à Aleteia Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient. "Pour autant, des mesures de sécurité n’avaient pas été retenues".

Nous leur avons pardonné et nous avons eu pitié d’eux. Nous ne les avons pas haïs et nous ne leur avons pas rendu la violence.

Les semaines passant, la vie reprend néanmoins progressivement son cours… jusqu’à la pandémie de Covid-19. C’est donc confiné que le Sri-Lanka commémore le premier anniversaire des attentats de Pâques. Le cardinal Ranjit prononce à cette occasion une homélie émouvante, retransmise en direct à la télévision. "L’année dernière, des jeunes malavisés nous ont attaqués. Nous, en tant qu’humains, aurions pu donner une réponse humaine et égoïste". Mais c’est en chrétiens qu’ils ont répondu. "Nous avons médité les enseignements du Christ et nous les avons aimés [ndlr : les attaquants], nous leur avons pardonné et nous avons eu pitié d’eux. Nous ne les avons pas haïs et nous ne leur avons pas rendu la violence". Qui dit pardon ne dit néanmoins pas oubli ou absence de justice. Et confinement ou pas, le cardinal Ranjith ne mâche pas ses mots à l’égard du gouvernement. Il réclame que justice soit faite. "Nous n’hésiterons pas à descendre dans la rue pour sauvegarder les droits de notre peuple" a-t-il affirmé, émettant de sérieux doutes sur l’enquête lancée pour retrouver les commanditaires des attentats et comprendre pourquoi ces derniers n'ont pas été évités. "La procédure semble désormais privée de transparence. Certains éléments devant émerger sont cachés", a encore dénoncé l'archevêque de Colombo.

Cette année, un premier hommage a été rendu le jour de Pâques, c’est-à-dire le dimanche 4 avril. Le cardinal Ranjith a allumé des bougies à l’église Saint-Antoine où 56 personnes avaient péri et les fidèles, tous de noir vêtus, ont observé deux minutes de silence à 8h45, heure à laquelle le premier des sept poseurs de bombe avait agi. Plus de 12.500 policiers armés appuyés par l’armée ont été déployés, par crainte de nouvelles attaques, aux abords de près de 2.000 églises 

"La culpabilité du président Sirisena a été identifiée dans le rapport de la commission", a rappelé le cardinal lors d’une conférence de presse devant l’église Saint-Antoine lors de cet hommage. "Je demande au président Gotabaya Rajapaksa (actuel président de la République, ndlr) et à son gouvernement pourquoi ils traînent les pieds sans le poursuivre en justice". "Nous descendrons dans la rue si aucune mesure n'est prise d'ici le 21 avril", a ajouté le haut prélat.

Tous les Sri-lankais ont souffert après cette attaque.

En deux ans, plus de 200 personnes ont été arrêtées en relation avec les attentats, mais personne n’a encore été inculpé. En janvier, le ministère américain de la Justice avait inculpé trois Sri-Lankais accusés de soutenir le terrorisme, pour leur participation à ces attaques revendiquées par l’EI au Sri Lanka. Plus récemment, début avril, le ministre de la Sécurité publique, Sarath Weerasekera a déclaré lors d’une conférence de presse que "Naufer Moulavi était le cerveau des attentats de Pâques". L’islamiste, actuellement en détention, aurait été assisté par une autre personne identifiée, Hajjul Akbar. 32 autres suspects sont actuellement accusés de meurtre et de complot en vue d’un meurtre et 75 autres suspects sont en détention. Mais le flou demeure : sont-ils vraiment les cerveaux des attentats ou s’agit-il d’une manipulation politique pour calmer l’opinion publique ? "Nous devons établir qui était réellement derrière les attaques", a martelé le cardinal Ranjit. "Cela ne concerne pas uniquement les catholiques. Tous les Sri-lankais ont souffert après cette attaque".

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