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Le Pape en Corse, sous le signe de la paix

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Jean-Baptiste Noé - publié le 19/12/24
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Le géopoliticien Jean-Baptiste Noé revient sur la venue du Pape en Corse le 15 décembre qui a permis d’illustrer l’importance de la piété populaire, mais aussi le rôle social du christianisme dans l’édification des sociétés et des cultures méditerranéennes.

L’image a de quoi faire sourire, ou intriguer. Le lieu de la messe qu'a célébré le pape François en Corse le 15 décembre, avec l’autel en forme de barque et dédié à Stella Maris, encadré par deux aigles impériaux, surmonté d’une statue de Napoléon, qui domine la place du Casone. C’est qu’à Ajaccio, la mémoire de l’Empereur est vive. Et qu’en Corse, politique et foi catholique font bon ménage. Sur l’île, personne ne s’offusque que les maires participent à des processions, que des croix soient dressées dans l’espace public, que les chants profanes et religieux se mêlent. Témoin le chant final de la messe, le Dio vi salvi Regina, hymne officiel de la Corse depuis 1735. Quant à la tête de saint Maurice, chrétien copte martyrisé avec la légion thébaine, elle a été officiellement adoptée en 1980 comme symbole de la Corse, par décision de la collectivité de Corse. Faisant ainsi de la Corse la seule région de France à disposer d’un saint de l’Église catholique comme emblème. La visite du Pape à Ajaccio aura ainsi permis de démontrer deux choses : la foi peut être vécue dans une piété populaire riche et partagée et la laïcité peut être autre chose qu’une logique de combat obtuse. 

"A Pace"

L’Église corse a placé ce voyage historique sous le signe de la paix, reprenant l’expression populaire largement usitée : "A Pace", pour l’inscrire au fronton du baldaquin qui protégeait l’autel. Dans la lumière de la nuit ajaccienne, c’est cette mention qui se détachait et non plus la statue d’un Napoléon qui ne fut franchement pas un prince de la paix. En Corse, invoquer la paix n’est pas anodin tant cette terre qui a gagné dès l’Antiquité le surnom d'île de Beauté est aussi une île où le sang coule. Des raids des Barbaresques et des Maures qui ont ensanglanté les villages, provoquant pillages et esclaves, à la vendetta, aux bandits réfugiés dans le maquis et aux gangs criminels, la Corse est loin d’être une terre de paix. Les films Borgo (2023) et Le Royaume (2024), très réalistes dans leur compréhension des phénomènes sociaux, en sont deux exemples récents. 

Certains Corses auraient aimé que le Pape dise un mot sur les réseaux criminels, qu’il combat régulièrement en Sicile et à Naples, à la suite de Jean Paul II. Il n’en fut rien ici, non pas parce que ce n’était pas le sujet, mais parce qu’un affrontement direct n’était pas opportun. À la place d’un discours qui braque, raidit et finalement n’aboutit à rien, l’Église corse et le Pape ont insisté sur l’essentiel : le Christ, qui est le véritable apôtre de la paix. A Pace pouvait ainsi être lu de deux façons : expression d’une coutume populaire, comme salutation habituelle, et programme humain et politique pour ceux qui suivent le Christ, qui lui seul apporte la paix. C’était ainsi montrer le point d’accord entre la piété populaire, l’évangélisation et les bienfaits du christianisme, qui n’est pas que folklore et processions populaires. 

Piété populaire

Le prétexte de la venue du Pape était bien celui-ci : un colloque sur la piété populaire en Méditerranée, cet espace maritime et géographique qui est l’une des grandes passions de François. Ce faisant, ce colloque a illustré l’importance des pratiques religieuses, processions, bravades, chants, fêtes, qui ancrent la foi catholique dans un espace et une histoire, ce qui contribue à former une culture et à incarner le christianisme dans des pratiques quotidiennes. Ce colloque est un magnifique retournement de l’histoire tant la piété populaire fut parfois moquée, voire combattue dans les années 1960-1970, où elle fut regardée comme un folklore d’un autre âge, dépassé et inadapté à la modernité. 

La Corse en est un bon exemple, où des évêques venus du continent voulurent supprimer les confréries, qui peinaient aussi à renouveler leurs membres et à s’adapter aux temps nouveaux. Aujourd'hui, ces confréries sont rajeunies, elles se recréent sur l’île et retrouvent leur raison d’être, qui consiste à la fois à participer à la vie cultuelle de leur paroisse et à la vie sociale de leur quartier. Là aussi, pour apporter la paix et pour bâtir une nouvelle civilisation.

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