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L’effervescence qui avait gagné depuis un mois l’île de Beauté s’est transformée, le temps d’une magnifique journée ensoleillée, en un grand mouvement de communion populaire. Le pape François, arrivé dans la matinée à Ajaccio a touché le cœur des Corses, qui étaient venus de toute l’île pour assister à cet événement “historique” et “extraordinaire”, deux mots revenant dans toutes les bouches.
Acclamés dans les rues où se seraient massés près de 120.000 personnes, selon les estimations de la presse locale, le pape François a d’abord visité un site paléo-chrétien du Ve siècle, vestige de l’époque à laquelle son prédécesseur Grégoire le Grand encourageait l’évangélisation de l’île de Beauté. Cette première visite a donné lieu à une image très touchante, quand le pontife a échangé quelques mots avec Jeanne Mari, 108 ans, la laissant les yeux baignés de larmes. "Je ne pensais pas que je vivrais ça un jour", a-t-elle confié, montrant le chapelet que le Pape lui avait offert. Après cette brève étape, le pape François s’est rendu au Palais des congrès pour prononcer le grand discours de clôture du Colloque sur la religiosité populaire en Méditerranée organisé par le diocèse. C’est cet événement qui avait décidé le Pape à effectuer ce déplacement inattendu en Corse, un signe de son attention toute particulière pour cette forme d’expression de la foi.
La Corse, “exemple vertueux” d’une “saine laïcité”
Sur cette terre où la foi s’exprime sans complexe et avec fierté dans l’espace public, le pontife a délivré un vif plaidoyer pour une "saine laïcité" et pour une plus grande proximité des responsables politiques et religieux avec le peuple. Il a insisté sur le fait que la foi implique toujours un "engagement" du chrétien et donc un "témoignage". S’appuyant sur la pensée de son prédécesseur, Benoît XVI, le pape François a mis en avant une "saine laïcité", c’est-à-dire la possibilité de "libérer la croyance du poids de la politique et d’enrichir la politique par les apports de la croyance, en maintenant la nécessaire distance, la claire distinction et l’indispensable collaboration entre les deux ". Il a affirmé que la Corse est un "exemple vertueux en Europe " ce continent où il constate que "la question de Dieu semble s’estomper". “C’était un discours très fort”, a confié Jean-Charles Adami, un des pionniers du retour des confréries en Corse dans les années 1990. "Ici, les Corses aiment cette foi qui rassemble", explique pour sa part Marie-Laure, une Ajaccienne qui se réjouit de voir le Pape dans sa ville.
L’amour d’un peuple pour sa Madonuccia
Dans son discours, le pape François a aussi salué l’importance d’une religiosité populaire pour toucher le cœur des gens, et joignant le geste à la parole, il s’est ensuite rendu sur la place Foch pour honorer la patronne de la Cité, la “Madonuccia”. Devant la Vierge si chère à tous les Ajacciens, il s’est recueilli un temps au son de l’hymne “ô Vierge de Miséricorde” qui rappelle comment la Madone sauva jadis la cité de la peste. "La Madonuccia, c’est notre mère à tous, celle de tous les Corses", a expliqué Antoine, confrère à Calvi, particulièrement touché par ce geste du Pape. Accompagné pendant toute la journée par le cardinal François Bustillo, évêque des lieux, le pape François s’est ensuite rendu dans sa cathédrale, où il a développé devant le clergé corse une réflexion sur la vie du prêtre.
Le Pape a parlé à nos cœurs.
En 2021, le Pape avait repéré le cardinal Bustillo, alors simple prêtre à Lourdes, après avoir lu son livre sur cette question (La vocation du prêtre face aux crises : La fidélité créatrice) qu’il avait offert aux prêtres de son diocèse de Rome en 2022. "Plus un prêtre, une religieuse, un religieux se donne, se dépense, travaille pour le Royaume de Dieu, plus il est nécessaire qu’il prenne aussi soin de lui-même. Un prêtre, une sœur, un diacre qui se néglige lui-même finira aussi par négliger ceux qui lui sont confiés", a insisté le pontife. Après cette matinée bien remplie, le pape François s’est retiré dans l’archevêché pour un temps de repos et pour le repas que lui avaient concocté deux restaurateurs de l’île. Le menu, habituellement confidentiel, a fuité dans Corse Matin : agneau braisé aux légumes et gâteaux de châtaigne.
Une messe triomphale au Casone
La suite de la journée s’est déroulée au Casone, lieu de la messe où se trouvaient une foule de moins de 5.000 personnes, près de 7.000 autres suivant la messe en direct grâce à un écran géant disposé sur la place Miot, en contrebas. Sous la statue de l’empereur, le Pape avait été précédé par une magnifique procession de toutes les confréries de l’île, camail de fête sur les épaules, mais sur par la Madonuccia, qui a fendu la foule au son des “Evviva, Maria!” (Vive Marie!). "On doit beaucoup au cardinal Bustillo qui a dépoussiéré l'image de l'Église ici. Il y a un vrai regain de l'Église catholique, cela se ressent dans les villages, dans les processions, dans les paroisses à Ajaccio aussi ! Et la dévotion populaire est toujours restée forte ici", ont confié Sissi et Audrey, touchées par la venue du pontife.
Le cardinal d’origine basque, très applaudi par la population et chaleureusement félicité par le Pape, a d’ailleurs célébré la prière eucharistique d’une messe priante et animée par de vibrantes polyphonies corses. Pendant toute la journée le pape François avait béni des bébés et offert des confiseries à des enfants, et il s’en est réjoui lors de son homélie. "Je n’ai jamais vu autant d’enfants", a-t-il déclaré, allant même jusqu’à comparer la vitalité de la jeunesse corse à celle du Timor oriental, pays qu’il a visité en septembre dernier. "Faites des enfants, ce sera votre joie, votre consolation pour le futur", a exhorté le Pape.
"La joie chrétienne n’est en aucun cas insouciante, superficielle ou de carnaval. […] La venue du Seigneur nous apporte le salut : elle est donc un motif de réjouissance", a-t-il assuré par la suite. Sortant encore de son texte, il a demandé aux croyants d’ôter tout "maquillage" pour arriver à Noël "en vérité" devant Dieu. "Le Pape a parlé à nos cœurs", s’est réjoui Lucienne, venue de Bastia pour assister à cette messe. "Et il nous a rassemblé, pendant un instant, on a même oublié que les temps sont difficiles", explique-t-elle, assurant rentrer chez elle "avec une grande espérance pour la Corse". Une émotion qui, à la fin de la messe, s’est conclue par un émouvant Dio Vi Salvi Regina, chant à la Vierge polyphonique considéré par beaucoup comme l’hymne de la Corse.
Alors que le pape François se rendait à l’aéroport pour rencontrer Emmanuel Macron, seule étape protocolaire du déplacement, les Corses ont poursuivi la fête sur le Casone, où un grand concert était organisé. "Nous nous souviendrons longtemps de cette journée”, assure François, de Bonifacio, “dans les livres d’histoire, ce sera le jour où le Pape est venu en Corse".