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Il est huit heures. Paris s’éveille. Seuls les réverbères et les lumières des cafés illuminent les quais, signes timides de l’embrasement qui se prépare. Paris est humide, un peu groggy des festivités de la veille. De rares passants se hâtent sous la pluie, semblant ignorer la résurrection qui se trame de l’autre côté du fleuve. La belle Dame, encore endormie entre les bras de la Seine, semble ne pas se douter que dans quelques heures elle retrouvera sa fonction sacrée. La veille, drapée dans sa dignité fraîchement recouvrée, Notre-Dame a vu défiler les grands de ce monde. Aujourd'hui, elle accueille le Christ, éclatante et solennelle.
À 10h30, la cérémonie commence avec la longue procession des bannières représentant les 106 paroisses de Paris, suivie de 170 évêques de France et du monde entier. La messe est présidée par l’archevêque de Paris, Mgr Laurent Ulrich, en présence du président de la République Emmanuel Macron et de son épouse. C’est non sans émotion que l’archevêque accueille les quelque 3.000 personnes invitées à participer à la messe inaugurale : "Frères et sœurs, c’est le Christ lui-même, avec la Vierge Marie sa mère, qui vous accueille en ce matin dans cette cathédrale Notre-Dame de Paris, relevée après le tragique incendie de la nuit du 15 avril 2019", lance Mgr Laurent Ulrich.
"Ce matin, la peine du 15 avril 2019 est effacée."
Ce dernier bénit ensuite l’eau pour le rite de l’aspersion : fidèles, autel et ambon sont copieusement aspergés, en signe de purification. Les lectures de la messe sont les mêmes que celles lues dans toutes les églises catholiques du monde en ce deuxième dimanche de l’Avent. Lors de son homélie, Mgr Ulrich exprime sa joie face à la résurrection de Notre-Dame, tout en soulignant l’espérance qui a point dès la nuit de l’incendie, à travers les chants qui se sont élevés spontanément à l’adresse de Notre-Dame : "Ce matin, la peine du 15 avril 2019 est effacée", affirme-t-il d'une voix solennelle. "D’une certaine manière, et même si la sidération causée par l’incendie a pu être durable, la peine était déjà dominée quand la prière montait depuis les quais de Seine et de centaines de millions de cœurs dans le monde entier. La prière était déjà le signe d’une espérance encore étonnée d’elle-même, mais bien réelle." Il évoque également l’autel sur le point d’être consacré : "C’est le Christ même que nous mettons ici au centre de notre eucharistie, au centre de notre assemblée ; saint John-Henry Newman désignait l’autel comme ce centre vers lequel convergent tous nos regards, nos regards de croyants", souligne-t-il.
La consécration de l’autel, moment phare de la messe inaugurale
Parce qu’il rend visible l’événement le plus fou de toute l’histoire de l’humanité – le don du Christ sur la Croix –, l’autel est le lieu le plus important de l’église. Et c’est à l’archevêque de Paris qu’est revenu aujourd’hui le privilège de consacrer le nouvel autel de sa cathédrale, avant de pouvoir y célébrer l’eucharistie. "Que cet autel soit pour nous le symbole du Christ, car c’est de son côté transpercé qu’il laissa couler l’eau et le sang, source des sacrements de l’Église", dit la prière de dédicace. L’autel représente le Christ lui-même. "L’autel, c’est le Christ", résume saint Cyrille de Jérusalem, proclamé docteur de l’Église par le pape Léon XIII. Voilà pourquoi nous pouvons dire aujourd’hui que Notre-Dame, revêtant sa fonction sacrée, a accueilli le Christ. Plus précisément, l’autel est le symbole du Christ qui a souffert la Passion. Cinq croix dorées sont d’ailleurs gravées sur la table et représentent les cinq plaies du Christ.
La consécration de l’autel est marquée par des symboles forts, à commencer par la déposition des reliques des saints à l’intérieur de l’autel. Les reliques de cinq saints, dont l’histoire est liée à l’Église de Paris, sont ainsi scellées dans le nouvel autel de Notre-Dame : sainte Marie Eugénie Milleret, sainte Madeleine Sophie Barat, sainte Catherine Labouré, saint Charles de Foucauld et le bienheureux Vladimir Ghika. Mgr Ulrich récite ensuite la prière de dédicace, avant d’oindre l’autel de saint chrême, signifiant par-là que l’autel est totalement et uniquement dédié à la célébration de la messe. L’archevêque verse de l’huile aux quatre angles de l’autel et en son centre, et l’étale avec la main pour la faire pénétrer dans la matière.
Vient ensuite le rite de l’encensement, pendant lequel cinq brûle-parfums sont déposés sur l’autel. L’encens s’élève, signe de la prière qui monte vers Dieu. Enfin, l’autel est recouvert d’une nappe blanche. Des bougies, disposées à côté de l’autel, sont allumées pour signifier la lumière du Christ. La liturgie eucharistique qui suit est magnifiée par des chants majestueux, magistralement interprétés par les chœurs de la Maîtrise Notre-Dame de Paris, accompagnés au grand orgue par Olivier Latry, Vincent Dubois, Thierry Escaich et Thibault Fajoles.
Une messe attentive aux plus faibles
La particularité de cette messe inaugurale tient à l’accueil qu’elle réserve aux plus vulnérables. Quatorze associations dédiées aux personnes porteuses de handicap sont présentes (l'OCH, ABO, Voir ensemble, Le Tremplin, Foi et Lumière...), regroupant pas moins de 70 personnes, handicapés et accompagnants (elles étaient 30 la veille), placées parmi les premiers rangs. Une attention qui tenait à cœur à Mgr Ulrich. "Mgr Ulrich a insisté pour que des personnes handicapées soient présentes et visibles", confie à Aleteia Isabelle Dieudonné, déléguée épiscopale pour les personnes handicapées au diocèse de Paris. "Ce n’était pas évident d’organiser leur venue (accès, QR code…) mais quelle joie d’avoir pu les emmener !", s’exclame-t-elle.
Une joie partagée par Anne et Cyprien, paroissiens de l’Immaculée Conception, dans le 12e arrondissement de la capitale, qui sont venus avec leur dernière fille, Philippine, 13 ans, porteuse de trisomie 21 et souffrant d’une cardiopathie. "Assister à cette messe inaugurale est un signe magnifique pour nous car c’est de Notre-Dame que nous sommes partis, ma fille et moi, en 2019, pour marcher jusqu’à Saint Jacques de Compostelle !", explique Cyprien. Depuis, père et fille parcourent chaque année un tronçon pour rallier Saint Jacques, à l’aide d’un chariot dans lequel peut se reposer Philippine. Ils sont arrivés à Léon l’été dernier et comptent bien rejoindre leur destination le 25 juillet prochain, pour la fête de l’Apôtre. "La naissance de Philippine a chamboulé notre vie, et notre vision de la vie ! Elle nous aide à voir les choses différemment, c’est un projet que j’avais depuis longtemps, et j’ai décidé de prendre le temps de savourer les petites victoires", confie ce père de famille.
Des scouts au service
Quelques scouts, fidèles à la promesse, se sont mis au service le temps de la messe et des préparatifs. Théophane, routier au clan saint Jean Bosco chez les Scouts d’Europe, est l’un d’entre eux. Porteur de bannière la veille en tant que responsable du service de l’autel dans sa paroisse parisienne, il est présent dimanche en uniforme pour prêter main forte à l’équipe d’organisation. "Nous étions chargés d’un premier filtrage des invités, nous avons accueilli les prêtres et les évêques, les avons abrités avec un parapluie, nous avons relayé les porte-drapeaux qui fatiguaient pendant la cérémonie et fait la quête aussi !" Une expérience hors du commun pour ce jeune Parisien engagé, heureux d’être présent à la renaissance de Notre-Dame.
À la sortie de la messe, nous croisons le recteur de la cathédrale, Mgr Ribadeau-Dumas, qui exprime cet enthousiasme et cette joie perçus pendant la cérémonie : "Le bourdon, le son de la cathédrale, c’est le signe que la cathédrale revit !". Ce qui le frappe, c’est combien la cathédrale est un lieu de paix. Ce qu’il espère ? Que cet esprit de paix, si présent à l’intérieur de la cathédrale de Paris, puisse régner aussi à l’extérieur.