Quand Notre-Dame de Paris va rouvrir ses portes, les 7 et 8 décembre, ce ne sont pas seulement les prêtres, les fidèles et les visiteurs qui vont retrouver une magnifique cathédrale. Cinq saints entreront aussi dans la nef immaculée. Ou, plutôt, leurs reliques. Dans chaque autel, s'il est fixe, l'Église insère sous la table un petit "sépulcre". Dans cette boîte scellée, des restes de personnes qui ont vécu non selon les critères du monde mais d'après l'Évangile, offrant le témoignage d'une vie donnée. À la manière du Christ, dont le sacrifice est actualisé à chaque eucharistie. Pour cette raison, les reliques de l'autel rappellent la source et la finalité de toute vie chrétienne et du sacrement de la charité. Elles manifestent aussi la prière de l'Église triomphante dans la communion des saints.
Pour le nouvel autel de Notre-Dame, ce sont cinq témoins qui ont été choisis. Cinq, comme les plaies du Christ. Et comme les cinq croix de consécration de la table et d'offrande d'encens lors de la dédicace. Cinq personnalités qui ont marqué la vie du diocèse de Paris. Trois femmes et deux hommes qui montrent cinq manières de répondre à l'appel du Père, preuve que toute vocation est infiniment personnelle.
Madeleine-Sophie Barat
Il y a d'abord sainte Madeleine-Sophie Barat (1779-1865), éducatrice et fondatrice des Dames du Sacré-Cœur, qui reçurent leurs constitutions, d’inspiration jésuite en 1815. Vouée aux filles de l’aristocratie et de la bourgeoisie, la Bourguignonne voulait "épanouir et libérer les âmes" grâce à l’instruction, alors qu’elle-même avait subi l’autoritarisme de son frère aîné. La congrégation eut sa maison-mère à Paris, dans l’actuel musée Rodin. Depuis 2009, son corps repose, visible, dans la chapelle du Sacré-Cœur de l’église Saint-François-Xavier en face du lycée Duruy qui fut une école des Dames jusqu’à 1904.
Marie-Eugénie Milleret
Une autre éducatrice aura ses reliques dans la cathédrale du diocèse de Paris : sainte Marie-Eugénie Milleret (1817-1898), canonisée en 2007. Lorraine de bonne famille, elle connaît la séparation de ses parents et la solitude, en même temps que les facilités mondaines, avant d’entendre le père Lacordaire lors d’une conférence de Carême. À Notre-Dame, justement, en 1836. En même temps que Dieu, elle trouve sa vocation, l’éducation des jeunes filles, notamment celles des milieux favorisés, souvent matérialistes. "Servante des pauvres", elle est l'amie du père Emmanuel d’Alzon. L’un et l’autre s’encouragent dans la fondation des Religieuses de l’Assomption pour elle, des Augustins et des Oblates de l’Assomption pour lui.
Catherine Labouré
Troisième femme à voir ses restes habiter Notre-Dame : Catherine Labouré (1806-1876). D’origine modeste, Catherine prend soin des autres dès ses douze ans. Après la mort de sa mère et l’entrée en religion de sa grande sœur, la voilà maîtresse de maison. Venue à Paris comme servante, découvrant la misère qui y règne, elle devient Fille de la Charité en 1830 malgré les inquiétudes paternelles. Alors qu’elle est en formation dans la maison-mère de la rue du Bac, elle a une première vision de la Mère de Dieu le 18 juillet puis une autre le 27 novembre 1830. Notre-Dame est entourée de la phrase "Ô Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous", et demande de frapper une médaille (la fameuse "médaille miraculeuse") pour que tous osent demander l’intercession de la Vierge. Discrète et humble elle meurt après quarante-cinq ans au service des pauvres de l’hospice d’Enghien, laissant le récit de ses visions dont elle ne s’était ouverte qu’à son père spirituel. Son corps est désormais dans la chapelle de la rue du Bac.
Charles de Foucauld
Pour les hommes, les reliques de l’autel de Notre-Dame seront celles de deux prêtres. L’un est bien connu. Charles de Foucauld (1858-1916), Strasbourgeois d’origine, s’est converti dans l’église Saint-Augustin, à Paris, lors d’un entretien avec l’abbé Huvelin qui se transforme en confession. Abandonnant sa vie licencieuse et luxueuse, soucieux de vivre caché comme Jésus à Nazareth, il sera le "frère universel" de Tamanrasset, apôtre du Christ au milieu de l’Atlas. Il a été canonisé en 2022 par le pape François.
Vladimir Ghika
Vladimir Ghika (1873-1954), quant à lui, fut prêtre du diocèse de Paris, ordonné à l’âge de 50 ans. Roumain et orthodoxe, devenu catholique à vingt-neuf ans, l’homme est connu pour son souci de l’unité des chrétiens, précurseur de l’œcuménisme. Autorisé à célébrer dans les rites latins et byzantins, il est l’ami des intellectuels Jacques Maritain et Paul Claudel, et habite dans le même temps dans un bidonville de Villejuif. Diplomate pour le Saint-Siège, il retourne à Bucarest pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est là qu’il est arrêté en 1952 à cause de ses liens avec le Vatican. Torturé, il meurt deux ans plus tard et est déclaré bienheureux en 2013.