Pour qu'Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l'avenir d'Aleteia deviendra aussi le vôtre.
*don déductible de l'impôt sur le revenu
Il y a des clins d’œil parfois inattendus. C’est ce que je me disais l’autre jour à Paris, en cherchant désespérément à regagner la gare du Nord et par elle les plaines de Flandres… Une première ligne de métro dont le quai était à ce point empli de monde qu’on ne pouvait plus y accéder. Autre tentative via le RER, avec un changement où une voix sans âme annonce placidement que le prochain train passera dans 45 minutes. Dehors, les taxis en grève brûlent des pneus et rendent chimérique tout autre scénario. Il faut donc attendre, au milieu de semblables qui ne cessent de se multiplier. Les yeux fixés sur le mur en face de moi, j’y contemple une affiche sur laquelle est écrite une phrase en très gros caractères, sur un fond noir, sentencieuse : "Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements" (C. Darwin). L’ironie de la situation nous fait sourire avec quelques pauvres bougres qui comme moi râlaient intérieurement quelques instants plus tôt.
Prendre des risques
La question se pose : faut-il pour survivre s’adapter à la médiocrité du moment ? Certains pourraient être tentés par une forme d’attentisme : "Laissons passer un peu de temps, patience, les choses vont évoluer…" D’autres leur répondront qu’"on ne peut pas attendre 107 ans" ! Injonction d’autant plus à la mode qu’elle se réfère à la durée des travaux de construction de la cathédrale parisienne (1163-1270).
Selon le caractère, selon les enjeux, le dialogue peut vite devenir assourdissant. Qu’il faille accueillir le réel semble de bon sens. Qu’il faille s’y soumettre sans discuter est chose folle. L’adaptation dont parle Charles Darwin dans la citation du métropolitain est tout sauf passive, elle est inventive, prise de risque, imaginative. C’est bien pour cela que l’humain parvient à survivre à bien des cataclysmes et que nous surmontons nos crises. Quand nous n’avons pas peur de nous projeter hors des cadres sociaux imposés, même les plus apparemment intangibles.
Pour le salut du monde
Dans les festivités de la réouverture de Notre-Dame de Paris, l’Église gagnera à ne pas faire preuve de trop d’autosatisfaction : dans un pays en crise profonde, à l’heure où les indices de pauvreté explosent et obligent de plus en plus de familles à compter leurs centimes, tous se réjouissent pourtant profondément de cet acte inouï dont une nation tout entière peut être fière. Mais cette joie partagée ne donne pas quitus, elle oblige. Elle nous oblige, nous, chrétiens, à travailler avec autant de zèle et de moyens à des actions au service de nos frères, à imaginer, oser entreprendre des initiatives nouvelles qui manifestent notre espérance et notre foi : "C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que le monde vous reconnaîtra pour mes disciples."
Notre-Dame ne peut pas devenir l’objet transitionnel d’une catholicité en mal de reconnaissance, où la forteresse du haut de laquelle nous regardons, lassés, le monde des autres. Elle n’est pas non plus destinée à devenir le lieu de repli de nos angoisses existentielles. Elle ne remplira sa vocation que si le peuple de Dieu en ressort plus désireux d’agir pour le salut du monde, c’est-à-dire le salut des corps et des âmes. Une fois les défilés, parades et processions achevés, il sera grand temps de redoubler d’énergie pour ne pas simplement nous réjouir de ce qui est. Mais pour, nous y adossant, oser rêver et bâtir ce qui pourrait advenir.