Après un mois de manifestations ininterrompues, qu’ont obtenu les étudiants ? Déjà un profond changement des relations entre le gouvernement central à Pékin et la « région administrative spéciale » de l’île.
Le plus grand mouvement de contestation qu’ait jamais connu Hongkong est-il condamné à céder face à Pékin ? Qu’ont obtenu les étudiants, qui ce mardi soir encore, 28 octobre, se sont réunis par milliers afin de marquer un mois de manifestation ininterrompue et d’observer 87 secondes de silence en souvenir des 87 salves de gaz lacrymogène tirées par les policiers le 28 septembre dernier ? C’est ce que tente d’analyser Willy Lam (1), dont le texte ci-dessous a été mis en ligne en langue anglaise le 23 octobre dernier sur le site de la Jamestown Foundation, think-tank basé aux Etats-Unis.
La traduction –qui sera publiée en deux parties – est de la rédaction d’Eglises d’Asie.
Hongkong après la Révolution – Première partie
par Willy Lam
Les manifestations pour la démocratie qui se poursuivent encore à Hongkong – connues aujourd’hui sous le nom de « mouvement Occupy Central » ou de « Révolution des parapluies » ont d’ores et déjà changé profondément les relations entre le gouvernement central à Pékin et la Région administrative spéciale (RAS) [de Hongkong].
Pour la première fois depuis la rétrocession de Hongkong à la Chine en 1997, des centaines de milliers d’habitants sont descendus dans la rue pour faire entendre leur opposition à la mainmise de Pékin sur le système politique de la RAS. Bien plus significatif encore, cette manifestation du « pouvoir du peuple », aussi inattendue que véhémente, a forcé Pékin à reconnaître les limites de « l’exception chinoise », celle qui part du principe que le parti communiste chinois avait le droit d’ignorer les valeurs universelles et que les pays étrangers n’avaient pas à s’immiscer dans les affaires intérieures du pays.
Des dizaines de personnalités de Chine continentale ont exprimé leur soutien aux militants de Hongkong tandis que des médias et des hommes politiques étrangers ont appelé le gouvernement de Xi Jinping à répondre aux demandes des manifestants étudiants de la SAR. Si les autorités chinoises sous la férule du président Xi décident d’écraser la rébellion à Hongkong et sur le continent, elles révèleront alors clairement au monde la voie politique que le président chinois entend suivre pour poursuivre sa rapide ascension en tant que superpuissance.
Pour un autre système politique à Hongkong
Le principal défi que les militants de Hongkong – dont la majorité est formée d’étudiants et de lycéens -, pose à Pékin peut être mieux compris à la lumière des changements politiques qui ont concerné la SAR. A première vue, la campagne menée par les étudiants d’Occupy Central est une protestation contre la décision unilatérale et autoritaire prise en août dernier par le Congrès national du peuple au sujet du processus d’élection du chef de l’exécutif à Hongkong, système qui doit être effectif en 2017 (Xinhua, 31 août 2014).
Alors que ce processus électoral était présenté comme une élection au suffrage universel sur la base du système « une personne, une voix », Pékin avait en réalité mis en place un comité de sélection (Nomination Committee) comprenant 1 200 représentants principalement pro-Pékin, chargé de choisir les candidats. Avant de pouvoir se présenter en tant que candidat à l’exécutif, les politiciens doivent ainsi tout d’abord obtenir à plus de 50 % l’appui des membres de ce comité électoral. Selon l’avocat pro-démocrate et ancien président du Barreau de Hongkong, Alan Leong, « il s’agit d’un système électoral de style nord-coréen », ce qui est à l’opposé des promesses de « haute autonomie » qui avaient été faites [par Pékin] à Hongkong. (Singtao Daily [Hong Kong], 2 sept 2014 ; Associated Press, 31 août 2014).