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"C’est bien simple, je reçois en moyenne un mail tous les deux jours avec une nouvelle demande." Au diocèse de Lille, le service catéchuménat n’a jamais été autant sollicité pour des demandes de sacrements. Cette année, 188 catéchumènes adultes vont y recevoir le baptême lors de la Vigile pascale ainsi que 460 collégiens et lycéens. L’année dernière, ils étaient 164 adultes et 292 jeunes. À Toulouse, le curé de la cathédrale, le père Simon d’Artigue, a pris l’habitude de lancer un appel à la fin de chaque messe pour inviter les nouveaux à venir le voir à la sortie. "Résultat, entre le mercredi des Cendres et le dimanche, cinq nouvelles personnes nous ont rejoints", abonde Claudine Fabre, l’une des accompagnatrices dans la paroisse. Une hausse que l’on constate dans la quasi-totalité des diocèses : 100 à Nancy (contre 64 en 2024), 94 à Quimper (contre 65), 670 à Paris (contre 522), 40 à Nevers (contre 24)… Alors que la Conférence des évêques de France (CEF) doit présenter ce 10 avril les chiffres officiels du nombre de catéchumènes en France en 2025, tout porte à croire que la hausse sera encore cette année de l'ordre de 30% avec un rajeunissement de l’âge des catéchumènes entre 20 et 35 ans. Entre 10 et 15% des catéchumènes sont de culture musulmanes. Pour mémoire, en 2024 ils étaient déjà 7.135 adultes (en augmentation de 31% sur un an) et 5.025 adolescents (en hausse estimée à 50%).
"Ce "boom" du catéchuménat est un des rares points communs à tous les diocèses de France", reconnaît volontiers auprès d’Aleteia Mgr Bruno Valentin, évêque de Carcassonne et de Narbonne, qui va baptiser une cinquantaine d’adultes lors de la nuit de Pâques, un chiffre en hausse depuis deux ans. "C’est très intéressant car cela relativise les explications d’ordre sociologique. Par exemple, l’Aude est un département rural plutôt modeste. Et pourtant, on observe le même phénomène dans des populations étudiantes et aisées à Toulouse. Il y a peu de points communs entre les diocèses, et pourtant, le même phénomène spirituel est en cours." Et l’évêque de poursuivre : "Est-ce une amorce de quelque chose de profond ? Ou un feu de paille ? Impossible à dire aujourd’hui. Mais il se passe quelque chose."
Mise en place de fraternités
Face à cet afflux, les diocèses et les paroisses s’organisent. "Une fois le contact établi, je les oriente vers leur paroisse, qui les accueille, leur présente les parcours etc", décrit Anne-Laure de La Roncière, la responsable catéchuménat du diocèse de Lille. "L’initiative part vraiment de la paroisse." Autrefois centré sur les doyennés, l’accompagnement des catéchumènes est désormais assuré directement par les paroisses. Ce mouvement, initié il y a une dizaine d’années, permet aux paroisses d’être première ligne pour accueillir les demandes. Cela rend le catéchuménat plus visible. Cette orientation a été impulsée par Mgr Le Boulch dès son arrivée. L’objectif : proposer une initiation chrétienne vécue dans une fraternité. Les parcours se vivent ainsi en petits groupes de 8 à 10 personnes : un responsable de groupe, trois à quatre catéchumènes en cours d’initiation (pour un, deux ou les trois sacrements), et deux à trois autres paroissiens. L’initiation chrétienne se vit ainsi dans cette cellule fraternelle, considérée comme "l’ADN du chrétien" : vivre sa foi, c’est se soutenir les uns les autres. "La prière et la fraternité sont des boosters de conversion", poursuit la responsable. "Le témoignage concret des autres membres aide chacun à comprendre ce que signifie suivre le Christ. Être chrétien prend des visages très différents. Cette diversité permet aux nouveaux venus de trouver plus facilement leur propre chemin."
Les demandes arrivant non-stop, on ne peut pas leur dire 'le prochain groupe est dans trois mois'.
Ces parcours en fraternité, comme cela se fait déjà à Lyon depuis plusieurs années, c’est aussi ce que développe le diocèse de Grenoble pour faire face aux demandes continues. "Les demandes arrivant non-stop, on ne peut pas leur dire "le prochain groupe est dans trois mois". Nous sommes en train de mettre en place des cycles de formation continue afin de permettre aux catéchumènes de rejoindre un groupe à tout moment", détaille Barbara Skowronek, la responsable catéchuménat du diocèse de Grenoble. Ces petites fraternités animées par un responsable se retrouvent pour des catéchèses mensuelles communes et se doublent également d’accompagnement individuel. "À chaque moment, chaque personne peut rejoindre un groupe, une fraternité, selon leur niveau. Certaines paroisses comme à Bourgoing, Vienne ou Saint-Marcellin sont en mode experimentum pour les fraternités", poursuit la responsable. "Pour le moment l’échange entre le diocèse et les paroisses fonctionne bien, mais c’est encore un peu laborieux entre les paroisses qui communiquent plus difficilement." Des groupes WhatsApp, des rencontres, des temps d’échange… Des formats variés qui répondent à deux nécessités : former et témoigner.
La foi, d'abord une "recherche personnelle"
Mais qui sont ces catéchumènes ? une enquête réalisée conjointement par Aleteia et Famille chrétienne auprès de près de 900 catéchumènes montrer que 44% des catéchumènes ont moins de 25 ans et les trois quarts moins de 35 ans. La foi chrétienne, ils l’ont avant tout découverte dans le cadre d'une "recherche personnelle" pour 40% d’entre eux, par la famille pour 23% et le cercle amical pour 14%. Et pour 78% des répondants, les réseaux sociaux ont joué un rôle dans la découverte et l’approfondissement de la foi. "Beaucoup ont d’abord fait des recherches sur les réseaux sociaux ou Internet avant de venir", convient Anne-Laure de La Roncière. "Il y a dix ou quinze ans, les catéchumènes avaient une image abîmée de l’Église et avaient besoin d’être réconciliés avec elle dans un esprit 'cocooning'. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.
Les catéchumènes cherchent à comprendre et à mettre des mots sur ce qu’ils ont vécu, souvent grâce à Internet. À un moment donné, ils frappent à la porte de l’Église.
Ceux qui s’engagent cherchent du sens, sont prêts à davantage de radicalité. Ils sont aussi très demandeurs de contenu : ils veulent comprendre, connaître la foi." Alors, bien sûr il y a la découverte de la foi chrétienne. Mais de là à demander le baptême ? Cet élément déclencheur, pour plus de 40%, a été "une expérience spirituelle" forte. "Chacun de nos catéchumènes évoque d’abord une expérience spirituelle réelle avec Dieu, avec le Christ", abonde Barbara Skowronek. "Ensuite, ils cherchent à comprendre et à mettre des mots sur ce qu’ils ont vécu, souvent grâce à Internet. À un moment donné, ils frappent à la porte de l’Église. Mais la plupart cheminent déjà depuis deux à trois ans avant de demander à recevoir le baptême !"
Et Barbara Skowronek de souligner : "On essaye de les faire passer d’une démarche individuelle, d’une expérience très forte avec le Seigneur, à une démarche ecclésiale, ils font partie d’une famille maintenant." Cette expérience forte, bouleversante avec le Seigneur c’est par exemple ce dont témoigne Laurine, 30 ans, qui va recevoir le baptême dans le diocèse de Nîmes cette année. Il y a trois ans, un matin au réveil, elle qui n’est jamais allée à l’église demande à son conjoint de l’accompagner. "Je ne savais pas trop comment faire et il m’a simplement répondu : ‘Avec plaisir’". C’était la messe des familles. "Je me souviens que sur ce banc d’église j’ai beaucoup pleuré. Il y avait tant de gens accueillants, tant d’amour autour de nous… Je me suis sentie à ma place", confie-t-elle à Aleteia. "Jésus frappait patiemment et régulièrement à la porte, mais je ne lui ouvrais jamais", raconte quant à lui Sébastien, 51 ans. "Je marchais, et je suis rentré dans une petite église près de chez moi. Ce jour-là, j’ai pris la décision d’ouvrir la porte, de franchir le pas et de me faire baptiser."
Avant d’entrer en catéchuménat, 38% des répondants ont indiqué déjà aller à la messe régulièrement. C’est le cas de Jean, 20 ans. S’il a découvert la foi il y a trois ans, il a attendu quelques mois avant d’entrer en catéchuménat. "Notamment pour être sûr que ma foi ne soit pas "temporaire"", explique-t-il. "Cependant, j'ai continué les discussions sur la foi avec mon nouvel entourage, tout en prenant l'habitude d'assister à la messe tous les dimanches." C’est aussi le cas d’Eva, catéchumène du diocèse de Fréjus-Toulon qui n’est pas tout de suite entrée dans un parcours et qui a préféré assister aux messes dominicales seule, tout en approfondissant la foi de son côté. "Je voulais comprendre pourquoi je me sentais si bien dans l'Église, découvrir l'histoire de la chrétienté. J’avais besoin de m’ancrer dans ma foi avant d’entreprendre une quelconque démarche", assure-t-elle à Aleteia.
"Il y a quelques années, faire venir les catéchumènes à la messe était difficile", reconnaît volontiers Anne-Laure de La Roncière. "Aujourd’hui, beaucoup y vont seuls. Certains, à l’occasion d’obsèques, de baptêmes, y ont trouvé un apaisement. La liturgie devient un lieu qui attire. Elle plaît, car elle est belle, habitée par la présence de Dieu, marquée par le transcendant. Cela explique le retour en force de la liturgie classique, verticale, avec encens et solennité."
Le travail de l'Esprit saint
"Ce qui me marque à chaque fois, c’est qu’il y a autant d’histoires que de catéchumènes. Tous demandent la même chose, ils ont la même attente – le baptême – mais leurs chemins sont profondément personnels et originaux", poursuit Mgr Bruno Valentin. Difficile selon lui de déterminer les causes de ce phénomène. "D’un point de vue micro, ce phénomène échappe complètement aux analyses : aucun catéchumène n’est venu à la suite d’une campagne de communication, ni invité par un évêque ou un prêtre. Il n’y a pas eu de porte-à-porte, pas de stratégie d’évangélisation ciblée", poursuit-il. "Certains se sont même "accrochés" pour venir dans l’Église : plusieurs m’ont raconté qu’ils sont venus à la messe et qu’on ne leur a pas parlé, qu’ils sont entrés plusieurs fois dans des églises avant de pouvoir échanger avec un prêtre etc." Il y a bien sûr des "tendances" poursuit l’évêque. "Certains évoquent la quête de sens, d’autres la question de l’identité. Mais ces questionnements sont plutôt des déclencheurs, des motifs de mise en route, sans être les causes profondes. Cela relève avant tout de l’Esprit saint."
Nous ne sommes plus dans une Église de transmission familiale, mais dans une Église catéchuménale. Ce que les familles n’ont pas transmis, c’est désormais à la communauté chrétienne de le faire.
La hausse considérable du nombre de catéchumènes ces dernières années, motif de joie pour l’Église, est aussi un appel et une responsabilité. "Nous n’avons pas eu de responsabilité "en amont" dans leur conversion, c’est le Seigneur qui a agi en leur cœur. Mais nous devons nous mobiliser en aval", poursuit Mgr Bruno Valentin. "Le risque pour les paroisses est de ne pas prendre la mesure de ce changement. Elles sont pourtant des « maternités de l’Église", des lieux où naissent de nouveaux chrétiens », assure la responsable de catéchuménat du diocèse de Lille. "Comme le dit notre évêque, nous ne sommes plus dans une Église de transmission familiale, mais dans une Église catéchuménale. Ce que les familles n’ont pas transmis, c’est désormais à la communauté chrétienne de le faire. Les paroisses doivent avoir confiance dans leur capacité à engendrer la vie nouvelle en Christ. Le catéchuménat doit devenir central dans la vie paroissiale."
Un enjeu également au cœur de la réflexion du service catéchuménat de Grenoble. "Nous devons les intégrer rapidement dans la vie de l’église. On travaille dessus depuis un an et demi. Il faut être audacieux, proposer d’aller à la messe ensemble, de prendre un verre après… Nous demandons également aux néophytes de s’investir à leur tour dans l’accompagnement des catéchumènes." À Toulouse, pour "faciliter" cette intégration, le père Simon d’Artigue propose de confier chaque catéchumène à un paroissien qui sera un peu son ‘Barnabé’, comme saint Paul. "Son rôle va être d’être très fraternel avec le catéchumène, lui proposer d’aller à la messe le dimanche, prendre un pot, inviter à un événement de la paroisse…", résume Claudine Fabre.
Il faut être prêt à réaménager l’Église en fonction d’eux, et pas juste leur laisser un coin au bout du banc.
"Un autre défi pour les paroisses est de se laisser renouveler par ces nouveaux chrétiens", abonde Anne-Laure de La Roncière. "Leur parcours d’initiation est très différent de celui des générations précédentes. Il faudra leur faire de la place, leur permettre de s’intégrer pleinement." Au diocèse de Carcassonne et de Narbonne, sur les cinq membres que compte l’équipe de catéchuménat, trois ont été baptisés ces trois dernières années et intégrés progressivement. "Les baptisés de toujours ont une approche plus spontanée de l’enseignement, alors que les néophytes témoignent facilement de leur parcours. Il y a ici une belle complémentarité à faire vivre", complète Mgr Bruno Valentin. "Le nombre de catéchumènes et de nouveaux baptisés est tel que la question n’est plus seulement de leur "faire une place", mais plutôt de se laisser transformer par leur arrivée", poursuit-il. "Il faut être prêt à réaménager l’Église en fonction d’eux, et pas juste leur laisser un coin au bout du banc."