Le pape François a officiellement reçu le 24 février pour la première fois depuis son hospitalisation le cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin, numéro 2 du Vatican, et le substitut de la secrétairerie d’État Mgr Edgar Peña Parra, numéro 3 du Vatican, a indiqué le Bureau de presse du Saint-Siège ce mardi. Selon le Vatican, dans son appartement médicalisé de l’hôpital Gemelli de Rome, François a traité avec eux de dossiers de canonisation, un fait très inhabituel puisque c’est d’ordinaire le préfet du dicastère pour les Causes des saints, actuellement le cardinal Marcello Semeraro, qui traite systématiquement ces questions avec le Pape et qui a cette prérogative. Il a également convoqué un consistoire pour approuver ces canonisations. C’est aussi lors d’un tel consistoire que Benoît XVI avait annoncé sa démission le 11 février 2013.
Quels dossiers a-t-il précisément traités ? Il s'agit du dossier de canonisation de deux laïcs, le bienheureux José Greorio Hernández Cisneros (1869-1919), laïc du Venezuela connu comme le "médecin des pauvres", et celui du bienheureux Bartolo Longo (1841-1926), fondateur du sanctuaire de Notre-Dame de Rosaire à Pompéi. Il a également autorisé la célébration de la béatification de deux militaires, le père Emilio G. Kapaun, prêtre américain mort en 1951 dans un camp de Corée du Nord, ainsi que du militaire napolitain, Salvo d'Acquisto, mort en 1943 à l'âge de 23 ans pendant la Seconde guerre mondiale après avoir pris volontairement la place de 22 condamnés. Il a enfin reconnu comme vénérables trois autres personnes.
Une configuration qui interroge
La date de ce consistoire n'est pas précisée mais la configuration interroge. Convoquer un consistoire pour une telle raison n'a rien d'exceptionnel. Le 1er juillet 2024, François avait ainsi déjà réuni les cardinaux afin de statuer sur les causes de futurs saints dont Carlo Acutis et les onze martyrs de Damas. Mais dans le cas présent, pourquoi le préfet du dicastère pour les Causes des saints, actuellement le cardinal Marcello Semeraro, n'était-il pas présent ? D'autres annonces pourraient-elles être faites lors de cet événement ?
Un consistoire est "la réunion des cardinaux à la demande du Pape lors de la nomination des nouveaux cardinaux ou pour se pencher sur une question particulière. En consistoire ordinaire, le Pape approuve les décrets concernant la cause des saints." Il existe en réalité plusieurs types de consistoires : ordinaire ou extraordinaire, secret ou public. Le terme, lui, est hérité du latin consistorium, c'est-à-dire "lieu de réunion", de cum (avec) et sistere, dérivé de stare, qui signifie "être debout". Le consistoire est donc une réunion solennelle du Collège des cardinaux.
Ordinaire ou extraordinaire, secret ou public
Un consistoire dit "ordinaire" est convoqué par le Saint-Père pour traiter d'une affaire habituelle, c'est-à-dire qui relève du magistère de l'Église, pour nommer un nouveau cardinal ou pour approuver un décret qui concerne la cause des saints. Cette réunion revêt une forme solennelle et permet au Saint-Siège d'annoncer des décisions importantes qui concernent l'Église ou la Curie. Un consistoire dit "extraordinaire" est quant à lui convoqué pour servir d'instance de consultation au Pape, qui peut ainsi demander conseil au Collège des cardinaux en ce qui concerne une affaire importante de l'Église ou une nécessité particulière. Celui-ci réunit les cardinaux du monde entier, qui se rendent expressément à Rome à la demande du Pape et est tenu à huis clos. C'est un consistoire extraordinaire que le pape François a convoqué, le 20 février 2014, sur la famille en vue du synode.
Mais les consistoires peuvent être le cadre de rebondissements et annonces fracassantes. Celui du 11 février 2013 en est la preuve. En ce jour fête de Notre-Dame de Lourdes, les cardinaux viennent au Vatican pour un consistoire ordinaire convoqué par Benoît XVI au cours duquel ils doivent discuter de trois futures canonisations. Nul ne se doute de l’annonce que leur réserve Benoît XVI, pape depuis bientôt huit ans. C'est pourtant d'une voix faible mais assurée et sereine que ce dernier leur annonce en latin : "Je vous ai convoqués à ce Consistoire non seulement pour les trois canonisations, mais également pour vous communiquer une décision de grande importance pour la vie de l’Église. Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien." Une situation décrite par le doyen du Collège d'alors, le cardinal Angelo Sodano : "Un coup de tonnerre dans un ciel serein."
Pas de "jurisprudence" en matière de renonciation
"La renonciation de Benoît XVI fait office de référence, mais pas de jurisprudence", explique Mgr Patrick Valdrini, professeur émérite de droit canonique. "Benoît XVI a fait cette annonce devant les cardinaux car il a appliqué un parallélisme des formes : il avait été élu au sein du collège des cardinaux, il considérait donc naturel de renoncer dans le même cadre. Mais le droit ne dit pas que ce cadre est nécessaire pour que l’acte soit valide", précise le canoniste français. Le critère fondamental est celui de "la liberté du pontife romain ; l’acte doit être libre. Il n’est pas soumis aux cardinaux qui l’ont élu", insiste Mgr Valdrini. En 2014, dans l’avion de retour de son voyage en Corée, François avait expliqué que Benoît XVI avait "ouvert une porte institutionnelle" en renonçant à sa charge. Il avait ainsi exprimé son respect pour son prédécesseur mais ne s’était pas engagé à agir de la même façon. "Ce n’est pas l’élection qui fait le pape, mais son acceptation libre. On doit donc retrouver la même liberté quand le Pape renonce", explique le canoniste. Ce principe n’exclut pas l’hypothèse que François puisse annoncer sa renonciation dans un autre contexte, par exemple lors de la prière dominicale de l’Angélus, lors d’une messe ou d’une audience générale, devant les fidèles.