En se rendant en Irak du 5 au 8 mars 2021, une première pour un souverain pontife, le pape François a marqué les esprits et les cœurs.Les images resteront longtemps gravées dans les mémoires de milliers d’Irakiens. En se rendant en Irak du 5 au 8 mars 2021, le pape François a ravivé cette flamme si fragile et pourtant si précieuse : l’espérance. L’espérance d’un pays durement marqué par des années de guerre, d’une communauté chrétienne exsangue et, surtout, l’espérance d’une fraternité universelle. Entre la crise sanitaire et le contexte sécuritaire, ce voyage n’était pourtant pas gagné. Jean Paul II, qui souhaitait s’y rendre pour le Jubilé de l’an 2000, avait dû lui-même renoncer à contre cœur.
Une seule et unique famille humaine
Quelle joie donc de voir le souverain pontife tout de blanc vêtu descendre de l’avion en ce vendredi 5 mars et fouler – une première pour un successeur de Pierre – le sol irakien. Et il n’a pas perdu de temps pour marquer les esprits. Face aux difficultés que traverse l’Irak, il est nécessaire que ses citoyens se regardent avec leurs différences, “en tant que membres de la même famille humaine”, a déclaré le Pape dans son discours aux autorités irakiennes prononcé depuis le palais présidentiel. C’est seulement ainsi que peut naître un “véritable processus de reconstruction”. À cet égard, la diversité religieuse, culturelle et ethnique, qui a caractérisé la société irakienne pendant des millénaires, est une “précieuse ressource à laquelle puiser, non pas un obstacle à éliminer”.
Direction ensuite la cathédrale de Notre-Dame-de-l’Intercession de Bagdad pour un discours aux évêques et prêtres irakiens. Afin de ne pas être contaminé par le découragement, “le Seigneur nous a donné un vaccin efficace” : l’espérance, a assumé et assuré d’une voix vibrante le pape François. Des propos qui ont résonné avec d’autant plus de force dans ce lieu martyr où 48 chrétiens furent assassinés pendant une messe en 2010. Ces lieux ont été “bénis par le sang de nos frères et sœurs qui ont payé le prix extrême de leur fidélité au Seigneur et à son Église”, leur a-t-il solennellement rendu hommage.
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Dès le lendemain, samedi 6 mars, le pape François a posé un nouveau jalon dans le dialogue interreligieux. Après la déclaration commune d’Abou Dabi en février 2019 et la publication de son encyclique Fratelli tutti sur la fraternité humaine, il a rencontré pendant une quarantaine de minutes le grand ayatollah Ali Al-Sistani, plus haute autorité des chiites d’Irak. L’occasion pour ces deux figures religieuses de souligner “l’importance de la collaboration et de l’amitié” entre leurs religions afin que, en cultivant le respect mutuel et le dialogue, “elles contribuent au bien de l’Irak”, de la région et de l’humanité tout entière.
Après cette rencontre, le Pape a pris l’avion pour rejoindre la plaine d’Ur, berceau d’Abraham, où il a participé à une bouleversante rencontre interreligieuse. Avant de prendre la parole, un chrétien a chanté un passage de la Genèse puis un musulman a chanté une sourate du coran. Un moment hors du temps d’une grande intensité. Lors de cette rencontre, il a rappelé que l’offense la “plus blasphématoire” était de “profaner” le nom de Dieu en haïssant son frère. L’ensemble des responsables religieux ont ensuite prononcé ensemble la prière des enfants d’Abraham.
Mais c’est peut-être la journée de dimanche, le 7 mars, qui restera la plus chargée émotionnellement. Après avoir conquis les cœurs des leaders spirituels des diverses religions d’Irak la veille, le pape François s’est rendu au chevet des victimes de la guerre contre l’État islamique. À Mossoul tout d’abord, le Pape a été accueilli chaleureusement par autant de musulmans que de chrétiens. Une scène de liesse inédite, au milieu des décombres, dans le pays, qui n’avait pas connu un tel temps fort depuis au moins 2003. “Notre rencontre, a-t-il déclaré, montre que le terrorisme et la mort n’ont jamais le dernier mot. La “fraternité est plus forte que le fratricide”, leur a-t-il encore lancé. Avant de démarrer la prière, le Pape a souhaité prononcer partager une ultime parole : “Si Dieu est le Dieu de la vie – et il l’est – il ne nous est pas permis de tuer nos frères en son nom. Si Dieu est le Dieu de la paix – et il l’est – il ne nous est pas permis de faire la guerre en son nom. Si Dieu est le Dieu de l’amour – et il l’est – il ne nous est pas permis de haïr nos frères.”
Le moment est venu de reconstruire et de recommencer.
Après avoir visité la vielle ville Mossoul en ruine, le pontife a rejoint en hélicoptère Qaraqosh, ville chrétienne de la plaine de Ninive où une foule en liesse l’attendait. “Le moment est venu de reconstruire et de recommencer. Non seulement les édifices, mais aussi d’abord les liens qui unissent les communautés”, a déclaré le pape François dans l’église de l’Immaculée Conception de Qaraqosh. Le souverain pontife a également encouragé les Irakiens à ne pas oublier qui ils sont et d’où ils viennent. Il a incité à protéger les liens qui les unissent et à protéger leurs racines. “Étreignez cet héritage ! Cet héritage est votre force !”
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À la fin de son discours, le Pape est parti pour le stade Hariri d’Erbil où il a célébré la messe dominicale, ultime étape de ce voyage apostolique, devant au moins 10.000 personnes. Il a confié au peuple irakien d’ultimes paroles. “Se rapproche maintenant pour moi le moment de repartir pour Rome, mais l’Irak restera toujours dans mon cœur. Je vous demande de travailler ensemble pour un avenir de paix. Salam, salam salam !”, a-t-il alors martelé à la foule. Pour conclure sa dernière homélie, le successeur de Pierre a voulu mettre en avant le travail de l’Église en Irak et en faire un exemple à suivre. “Par la grâce de Dieu, [elle] a fait et est en train de faire beaucoup pour proclamer cette merveilleuse sagesse de la croix, répandant la miséricorde et le pardon du Christ”.