Campagne de Carême 2025
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Le livre de la Genèse atteste de l’ancienneté du métier de forgeron, et nous pouvons même mettre encore aujourd’hui un nom sur celui qui fut l’un des premiers à façonner le bronze et le fer : Toubal-Caïm. La Bible précise effectivement que "Silla, quant à elle, mit au monde Toubal-Caïn qui aiguisait les socs de bronze et de fer" (Gn 4,22). Nous n’en savons pas beaucoup plus sur ce personnage descendant de Caïn, néanmoins le grand sculpteur italien du XIVe siècle, Andrea Pisano, le représenta magnifiquement devant sa forge avec maestria. C’est surtout au premier Livre de Samuel dans l’Ancien Testament que le métier de forgeron apparaît de manière historique dans la Bible, le texte précisant : "On ne trouvait pas de forgeron dans tout le pays d’Israël, car les Philistins s’étaient dit : "Il ne faut pas que les Hébreux fabriquent des épées ou des lances." " (1S 13, 19). La conséquence de cette interdiction fut cependant que tous en Israël se rendaient chez les Philistins afin d’y affûter leur soc, houe, hache ou pic ! La Bible précise même le prix imposé pour aiguiser ces instruments agraires : "deux tiers de sicle pour les socs, les houes, les haches et la remise en état des aiguillons". Cette conséquence immédiate pour Israël fut cependant également désastreuse puisqu’au jour du combat, personne n’eut d’épée ni de lance, à l’exception du roi Saül et de son fils Jonathan…
Un métier primordial de précision…
Si la lecture de la Bible nous apprend ainsi que le métier de forgeron fut déterminant en ces temps anciens pour l’agriculture, cette noble activité fut employée au-delà des outils agraires également, et malheureusement, pour fabriquer des armes. Plus positivement, le métier de forgeron servit aussi très tôt à édifier et construit, ce qui fit du forgeron, un homme de l’art… C’est ce bel et large héritage que nous décrit avec mille précisions Ben Sira le Sage, écoutons-le : "Il en va de même du forgeron, toujours à son enclume ; il fixe son attention sur le fer qu’il travaille ; le souffle du feu fait fondre ses chairs, il se démène dans la chaleur du fourneau, le bruit du marteau lui casse les oreilles, ses yeux sont rivés sur le modèle de l’objet ; il met son cœur à parfaire son œuvre et passe des nuits à la rendre belle jusqu’à la perfection" (Si, 38,28).
Le Siracide, dans ce texte, décrit avec moult détails l’amour du bel ouvrage recherché par l’artisan qui tend ainsi à se rapprocher de la perfection divine. Le prophète Isaïe, également, rapporte des témoignages très précis sur le métier primordial de forgeron en ces temps où apparaissent les premières spécialisations : "Le ciseleur encourage l’orfèvre, le chaudronnier encourage le forgeron ; il dit de la soudure : "Elle est bonne", il la renforce de clous pour qu’elle ne bouge pas" " (Is 41,7).
Soulignons enfin que ce sont ces meilleurs artisans, ces meilleurs forgerons qui servirent le fameux roi Salomon afin d’édifier le Temple. Hiram de Tyr fut l’un d’entre eux et non des moindres. Le premier Livre des Rois lui consacre un long développement, et nous apprend en effet que ce fut le roi de Tyr, lui-même, qui dépêcha cet artisan réputé afin qu’il mette son art au service de cette grande œuvre : "Fils d’une veuve de la tribu de Nephtali, et d’un homme de Tyr, artisan en bronze, il était rempli de sagesse, d’intelligence et de connaissance pour faire tout travail du bronze. Il moula les deux colonnes de bronze ; la hauteur d’une colonne était de dix-huit coudées. Un fil de douze coudées en aurait fait le tour ; de même pour la seconde colonne" (1R 7,14-15).
Les Saintes Écritures énumèrent dans les lignes qui suivent toutes les autres splendeurs que cet illustre artisan réalisa pour le Temple, et qui rivalisant les unes avec les autres de beauté : chapiteaux de bronze, filets et entrelacs, grenades les décorant, sans oublier la Mer, un vaste bassin en métal fondu de dix coudées de diamètre… Comment ne pas remercier les forgerons !
L’instrument du mal
Parfois, pointe cependant la critique du prophète lorsque le forgeron sort de la voie tracée par Dieu, notamment lorsqu’il devient l’instrument du culte des idoles, ce que déplore et dénonce clairement Isaïe : "Quelqu’un va-t-il façonner un dieu ou fondre une idole qui ne sert à rien ? Voici tous ses adeptes couverts de honte : les artisans ne sont que des humains ! Qu’ils se rassemblent tous, qu’ils comparaissent : ensemble ils trembleront, ils seront couverts de honte. Le forgeron fabrique un ciseau sur les braises et le façonne à coups de marteau. Il le fabrique à la force du bras. Puis il a faim, le voilà sans force ; il ne boit pas d’eau, il est épuisé" (Is 44,10-12).
Ainsi, la Bible rappelle-t-elle que le plus beau métier du monde peut aussi malheureusement devenir source de malédictions s’il n’est pas tendu vers la gloire de Dieu. Le forgeron peut ainsi être l’instrument du mal lorsque son art sert les idoles, mais aussi la guerre en fabriquant des armes, ainsi que le souligne le prophète Michée espérant le jour où : "De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre" (Mi 4,3). Un espoir repris par le message christique mais si souvent encore aujourd’hui ignoré…