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Gaza : “Ce qui nous sauve, c’est notre discipline spirituelle”

Gaza, sainte famille, terre sainte

Le père Romanelli célèbre la messe quotidiennement dans l'église catholique de la Sainte-Famille de Gaza.

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Cécile Séveirac - publié le 06/10/24
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Le 7 octobre 2024 marque le premier anniversaire de l'offensive terroriste du Hamas contre Israël et de l'escalade de la violence à Gaza ces derniers mois. Alors que les regards se tournent vers le Liban où les frappes israéliennes s'intensifient, la situation de cette enclave palestinienne "est toujours aussi dramatique", confie le père Romanelli, curé de la paroisse catholique de Gaza, à Aleteia. Entretien.

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Un an après les attaques du Hamas contre les kibboutz israéliens, alors que les regards semblent désormais tournés vers le Liban, la bande de Gaza est toujours sous le feu des bombardements. De nouvelles frappes mercredi 2 octobre ont ensanglanté le sud de la bande et auraient tué 51 personnes, selon un bilan établi par le ministère de la santé local contrôlé par le Hamas. Face à cette situation, le cardinal Pizzaballa, patriarche latin de Jérsualem, a appelé l'ensemble des chrétiens au jeûne et à la prière le 7 octobre 2024. "Le mois d’octobre approche et avec lui la prise de conscience que depuis un an, la Terre sainte, et pas seulement, est plongée dans un tourbillon de violence et de haine jamais vu ni vécu auparavant", a-t-il ainsi déploré jeudi 26 septembre. Sur place, la communauté chrétienne affronte avec patience la guerre. "Nous essayons de maintenir une discipline spirituelle. C'est ce qui nous sauve", confie à Aleteia le père Gabriel Romanelli, curé de la paroisse catholique de Gaza. Entretien.

Aleteia : Comment décrivez-vous la situation actuelle à Gaza ?
Père Romanelli : Après une année de guerre, la situation continue à être dramatique dans toute la bande de Gaza. Une grande majorité de Gazaouis sont déplacés. Pour l'instant 400.000 personnes vivent à Gaza city, le reste de la population est localisée au sud. Les bombardements continuent depuis le début de la guerre, il n'y a pas de trêve. Nous entendons et vivons les frappes tous les jours. Il y a des morts quotidiennement, et évidemment beaucoup de blessés (95.000 depuis le début de la guerre). Je dirais que le plus difficile à ce stade est de ne pas savoir quand tout cela va prendre fin. Il semble qu'il n'y ait aucun cessez-le-feu ni aucune trêve en cours de négociation.

Gaza, sainte famille, terre sainte
La paroisse accueille dans ses locaux les familles, mais aussi les malades et les personnes âgées, jusque dans l'église même.

Comment la communauté chrétienne gazaouie se porte-t-elle et fait-elle face à ces événements dramatiques ?
Les chrétiens de Gaza n'échappent pas à la peur et au danger car les bombardements ont lieu partout. Certains quartiers sont désertés car les frappes sont quotidiennes et rapprochées. Par exemple, le quartier où se situe l'école du Rosaire est la cible de bombardements 24h/24. Les seuls déplacements sont généralement pour aller à l'église orthodoxe, qui est à 400 mètres de la paroisse catholique de la Sainte-Famille. Il y a deux jours [début octobre, ndlr], un immeuble a été entièrement détruit à 100 mètres de nous et cinq personnes ont été tuées. Mais nous essayons, autant que possible, de maintenir une sorte de discipline spirituelle, en gardant le rythme de la vie paroissiale. Nous nous appuyons surtout sur l'adoration du Saint Sacrement. Ce qui nous donne le plus de force, c'est d'avoir avec nous la présence réelle de Jésus Eucharistie. Le matin, nous commençons la journée par l'adoration eucharistique pendant une heure, suivie des laudes en arabe, du chapelet l'après-midi, et nous achevons par la messe.

Chapelet quotidien avec les paroissiens.

Pour les enfants de la paroisse, nous avons essayé de mettre en place un patronage et de leur garantir un semblant d'activité scolaire. Ils sont 180, catholiques et orthodoxes, et ont repris l'école même si l'enseignement a lieu dans des conditions particulières... Les bâtiments de l'école sont mobilisés pour permettre aux familles d'y dormir. Mon propre bureau aussi ! Les sœurs de la communauté du Verbe Incarné leur donnent leurs leçons dans leur petit couvent et ont transformé la salle à manger, la cuisine, les pièces de vie en salles de classe. Dans les jardins, nous avons créé des kiosques en bois tout simples. Ils y suivent des cours de religion chrétienne, d'arabe, d'anglais, de mathématiques et de sciences. Nous avons aussi contacté le ministère d'éducation de la Palestine et l'autorité de Ramallah nous a donné la possibilité de préparer les enfants à des examens afin qu'ils soient diplômés.

Activités organisées pour les enfants dans l'enceinte paroissiale de la Sainte Famille

D'un point de vue pratique, les chrétiens sont comme tout le monde : ils manquent de tout, surtout d'eau potable et de soins. Grâce à l'aide mise en place par le Patriarcat latin de Jérusalem, nous arrivons tout de même à faire venir de la nourriture que l'on distribue autour de la paroisse, mais les besoins sont énormes. Des petits dispensaires ont été mis en place avec l'aide de Caritas Jérusalem dans la paroisse, en lien avec l'un des seuls hôpitaux qui demeure actif, l'hôpital anglican.

Pensez-vous que la présence chrétienne à Gaza est menacée au point de risquer de disparaître ?
Je pense que les chrétiens vont se maintenir, même si la vie est dure pour tous ici. Même avant la guerre, Gaza était difficile à vivre. Certains ont fait le choix de partir, et je les comprends, même si la Terre sainte a besoin de cette présence chrétienne à Gaza. Au début de la guerre, nous étions 1.017 chrétiens, toutes confessions confondues. La communauté catholique est la plus petite, puisque nous sommes 135 en incluant les religieuses. Depuis le 7 octobre, nous avons perdu 30% de la communauté chrétienne. 300 sont partis grâce à leur Visa et ont pu fuir vers l'Égypte au début du conflit, et 43 sont morts, soit d'un manque de soins médicaux, soit tués par l'armée israélienne (20 chrétiens orthodoxes dans le bombardement de l'église de Saint-Porphyre, deux catholiques abattues dans la paroisse catholique, ndlr). J'ai la conviction que malgré ces épreuves, la communauté chrétienne a vocation à continuer de témoigner ici, à Gaza.

Que peuvent apprendre les chrétiens d'Occident de leurs frères de Gaza, et plus généralement des chrétiens d'Orient ?
Les chrétiens d'Orient ont tant à apprendre au reste du monde. Je suis moi-même étranger (d'Argentine, ndlr), et s'il y a une chose que j'apprends d'eux chaque jour, c'est qu'ils sont convaincus de leur foi. Ils croient fermement. La foi n'est pas un sentiment, c'est une certitude, et je pense que les chrétiens d'Orient qui vivent des situations compliquées nous prouvent que tout est possible avec la grâce de Dieu. Ils sont prêts à vivre leur foi sans se cacher, sans honte, quel que soit le prix à payer. Il faut redécouvrir cette certitude de la foi, et surtout la joie de la présence réelle de Jésus dans l'Eucharistie. C'est Lui qui nous donne la force de vivre notre foi avec simplicité, même dans les moments les plus difficiles.

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