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Liban : “Les écoles chrétiennes doivent rester un facteur d’espérance”

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École Nationale Maronite de Baalbeck, Bekaa, Liban.

Cécile Séveirac - publié le 01/10/24
Alors que le Liban, déjà éprouvé par une crise économique et politique profonde, se retrouve pris dans la spirale de la guerre, Aleteia a rencontré Charles Personnaz, président du Fonds pour les écoles d’Orient, dans les locaux de l'Œuvre d'Orient. Il détaille les enjeux et les défis auxquels sont confrontées les écoles privées libanaises, maillon essentiel du réseau francophone et chrétien au Moyen Orient.

Au Liban, plus d’un million de personnes sont actuellement déplacées en raison des bombardements israéliens, selon un bilan avancé fin septembre par le Premier ministre libanais, Najib Mikati. La majorité d’entre elles trouvent refuge dans les grandes villes, où sont mobilisées les infrastructures publiques comme privées afin d’accueillir ce flux incessant de réfugiés. Les écoles n’échappent pas à la règle : toutes ont fermé leurs portes sur ordre du gouvernement libanais, renvoyant les enfants chez eux. Une situation que dénonçait ce mardi 1er octobre Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient, condamnant notamment les conditions dans lesquelles certaines écoles ont été forcées d’ouvrir leurs portes aux déplacés. "Nous avons constaté à plusieurs reprises que des déplacés du sud du Liban pénétraient près de Beyrouth dans des écoles catholiques, sans l’accord des religieuses", a notamment affirmé Mgr Gollnisch avant de demander "que soient évacuées d’urgence ces écoles, et que la collaboration - que les religieuses sont prêtes à faire -, se fasse avec leur accord". 

Outre ce climat de tensions, les enfants sont les premiers tributaires de cette insécurité permanente, se retrouvant privés d’éducation dans un pays déjà écrasé par une crise économique et politique sans fin. Face au risque de fragilisation du réseau éducatif libanais, Charles Personnaz, président du Fonds pour les écoles d’Orient et directeur de l’Institut National du Patrimoine, a appelé de ses vœux le maintien de l’aide aux écoles privées du Liban. Créé en 2020 sur initiative présidentielle, le Fonds pour les écoles d’Orient a pour objet d’apporter un soutien financier aux écoles chrétiennes et francophones dans six pays du Moyen Orient. Il est doté, à parts égales, par l’État français et l’Œuvre d’Orient et a soutenu en 2024 154 écoles et six universités privées au Liban. "Ces écoles occupent une place centrale dans le système éducatif libanais", confie à Aleteia Charles Personnaz. Entretien.

Aleteia : Quelles conséquences pourrait avoir le conflit avec Israël sur le fonctionnement et le maintien des écoles chrétiennes au Liban ? 
Charles Personnaz : Cette nouvelle crise que subit le Liban ne doit pas mettre en péril ce système éducatif. Il est donc important que les écoles en capacité d’ouvrir le fassent. Le Secrétariat général des écoles catholiques au Liban travaille actuellement avec les autorités libanaises pour que les écoles puissent de nouveau fonctionner, ce qui implique une organisation au cas par cas (scolarité des inscrits, scolarité des réfugiés). La fermeture des écoles perturbe toute l’organisation sociale puisque les parents ne peuvent plus travailler. Les enfants sont les premiers concernés mais derrière l’enjeu de leur scolarisation, toute une société est impliquée. Le Fonds des écoles d’Orient est en train d’étudier la constitution d’un fonds d’urgence pour répondre aux situations auxquelles sont confrontées les écoles, selon les zones où elles se trouvent. Une école située en montagne n’est pas dans la même situation d’insécurité que celle située en pleine ville, qui accueille des réfugiés.

Ces écoles occupent une place centrale dans le système éducatif libanais, elles scolarisent environ 30% des élèves.

J’ajoute qu’un grand nombre d’écoles dites “semi gratuites”, qui reçoivent des subventions de l’État parce qu’elles sont ouvertes aux plus pauvres, n’ont pas reçu ces subventions depuis plus de cinq ans pour certaines. Un travail considérable a été fait par l’Œuvre d’Orient auprès des écoles chrétiennes, mais aussi chiites et sunnites pour que ces dettes soient connues et qu’elles soient inscrites sur le grand livre des dettes de l’État libanais. Ainsi, les bailleurs publics internationaux pourront prendre à leur charge ces dettes si l’État libanais faillit. 

Que représentent les écoles privées au Liban et quel est leur rôle dans ce pays ? 
Ces écoles occupent une place centrale dans le système éducatif libanais, elles scolarisent dans de très bonnes conditions d’enseignement environ 30% des élèves, le système privé représentant 70% du système éducatif libanais. Elles sont essentielles car elles développent un enseignement qui fait une large part à l’esprit critique. D’autre part, elles accueillent chrétiens et musulmans confondus. C’est le seul lieu où ces enfants grandissent côte à côte, ensemble, ce qui est essentiel partout au Moyen-Orient. Ce réseau éducatif chrétien et francophone a été très ébranlé par les crises successives que connaît le Liban. Néanmoins, avec l’appui du Fonds des écoles d’Orient et d’autres aides, les établissements ont réussi à accomplir leurs missions jusqu’à aujourd’hui. Les écoles sont restées ouvertes, malgré la crise économique, sanitaire et politique qui a frappé le pays en 2019. Elles remplissent leurs missions dans des conditions difficiles, avec des professeurs mal payés, des familles qui ont du mal à financer les écolages... Il a fallu poursuivre ce soutien intense, non seulement dans les grandes villes mais aussi dans les zones rurales, puisque ce réseau scolaire a la particularité d’être présent depuis le nord du Liban jusqu’à la frontière israélienne. Les personnes qui y travaillent sont admirables et mènent leur mission de bout en bout, maintiennent quoi qu’il en coûte un enseignement de qualité, dans un état d’esprit tourné vers la construction de la paix. Ces écoles sont un facteur d’espérance. Et elles doivent le rester.

En 2022, Emmanuel Macron avait annoncé le doublement des fonds destinés à soutenir les écoles chrétiennes au Moyen-Orient. L’intérêt porté à cette cause diminue-t-il ? 
Du côté du gouvernement français, il y a un accord général pour considérer que le Fonds des écoles d’Orient est un instrument extrêmement important en matière d’éducation. Il n’y a donc aucune raison d’en limiter sa portée, et les événements en cours ne font que renforcer cet intérêt à son égard. Je rappelle que ce Fonds ne concerne pas que le gouvernement, il est ouvert aux entreprises, fondations, États, associations, institutions qui le souhaitent. 

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