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La vie d’Eugénie Joubert (1876 - 1904) a été très courte – elle décède à l’âge de 28 ans de la tuberculose – mais ô combien féconde au regard des nombreux enfants qu’elle a catéchisés. Elle a marqué ses contemporains par son inépuisable dévouement envers les enfants de quartiers défavorisés et déchristianisés, qui l'appelaient leur "petite sœur" et qu’elle a su conduire au Christ grâce à sa bonté, son témoignage et sa dévotion pour Marie. Née à Yssingeaux (Haute-Loire) le 11 février 1876, jour de la fête de Notre-Dame de Lourdes, Eugénie est la quatrième d’une famille de huit enfants. À 19 ans, elle entre dans la Congrégation des Sœurs de la Sainte Famille du Sacré Cœur, et prononce ses vœux le 8 décembre 1897, jour de la fête de l’Immaculée Conception, à Saint-Denis.
Pendant quatre ans, elle se consacre à la catéchèse auprès d’enfants pauvres, souvent turbulents, parfois malades, à Aubervilliers puis à Saint-Denis. Elle décède à Liège, en Belgique, de la tuberculose le 2 juillet 1904. En 1983, l’Église reconnait la guérison miraculeuse d’Émile Legaye, un Belge atteint d’une maladie respiratoire, ouvrant ainsi la porte à sa béatification. Elle est béatifiée à Rome par saint Jean Paul II le 20 novembre 1994. Son œuvre auprès des enfants fût d’un tel rayonnement que le pape polonais la donne en modèle aux catéchistes : "Le Règne du Christ peut commencer dans le cœur d’un enfant. C’est ce qu’a compris sœur Eugénie et c’est pourquoi elle mit tant de soin à préparer les plus jeunes à la première confession et à la première communion", déclare-t-il dans son homélie le jour de sa béatification. Quels sont ses secrets pour toucher les cœurs des enfants et évangéliser ceux qui sont éloignés de la foi ? De nombreux témoignages de l’époque, répertoriés sur le site dédié à la Bienheureuse Eugénie Joubert, donnent trois pistes.
1Faire preuve de patience et de bonté
À Aubervilliers, sœur Eugénie n’a pas les enfants les plus faciles. Les religieuses de la communauté sont confrontées à des enfants turbulents, indisciplinés, souvent livrés à eux-mêmes, sans éducation religieuse ni instruction. Ils sont plus de 50 pour seulement deux ou trois sœurs. Mais Eugénie ne se laisse pas impressionner et les accueille chacun comme une mère, avec patience et bonté. "Au catéchisme, notre chère Sœur avait le don de captiver les enfants, de soutenir leur attention et de s’en faire beaucoup aimer", raconte un témoin de l’époque. "Jamais elle ne les brusquait ; toujours elle restait avec eux douce et patiente ; et pourtant, à ce moment-là, nous en avions de terribles ; mais elle faisait beaucoup de bien."
Comment faisait-elle pour demeurer aussi patiente ? Elle en livre le remède dans ses notes spirituelles : elle pense à Jésus. "Douceur envers les petits enfants. Lorsque l’un d’eux plus turbulent que les autres provoque en moi l’impatience, penser à la douceur et à la patience de Jésus envers moi, malgré mes infidélités."
2Témoigner d’une vie de foi
Anticipant les propos du pape François lors du Congrès international des catéchistes le 27 septembre 2013, Eugénie Joubert a compris que pour évangéliser, il faut être catéchiste plutôt que de faire le catéchisme. ""Être catéchiste", c’est cela la vocation, non travailler comme catéchiste. Attention, je n’ai pas dit "faire" le catéchiste, mais "l’être", parce que cela engage la vie. On conduit à la rencontre avec Jésus par le témoignage", souligne le pape François. Et en effet, sœur Eugénie en impose aux fortes têtes, par sa vie de prière, sa joie contagieuse et sa dévotion envers la Vierge Marie. "À force de prière, de vie intérieure, sœur Eugénie arrive à faire passer dans le cœur des enfants quelque chose du feu d’amour qui embrasait le sien", témoigne un de ses contemporains.
"Elle n’est pas religieuse d’un côté, catéchiste de l’autre, c’est tout un."
À l’approche des premières communions, sa ferveur se démultiplie. "Nos pauvres petits enfants, disait-elle, comme nous devons prier pour eux et nous sacrifier, afin de leur obtenir la grâce de faire une bonne première communion." Elle croit fermement en la puissance de la grâce et invite les religieuses de sa communauté à redoubler leurs prières pendant les retraites : "Nous allons faire provisions de grâces pour nous et nos petits enfants, car on ne peut donner que ce que l’on a." Un témoignage lumineux de l’amour du Christ qui ne passe pas inaperçu aux yeux des enfants. Ces derniers sentent bien que la jeune religieuse croit en ce qu’elle enseigne. "Elle n’est pas religieuse d’un côté, catéchiste de l’autre, c’est tout un. Les enfants sentent bien que cette religieuse croit et vit ce qu’elle enseigne… Elle prêche d’exemple", raconte encore un témoin.
3Inclure la Vierge Marie dans la partie
Depuis toute petite, Eugénie Joubert voue une profonde affection et une grande dévotion envers la Vierge Marie. Pendant les vacances en famille dans leur maison d’Yssingeaux, elle invite ses frères et sœurs à prier la Vierge. "Aimer Marie, l’aimer encore et toujours plus", disait-elle. Adolescente, elle entre chez les Enfants de Marie. Là, elle apprend à ressembler à la Vierge Marie en cherchant à imiter ses qualités. Une fois religieuse, elle partage son amour pour la Vierge avec les enfants du catéchisme. "Elle mettait toujours la sainte Vierge de la partie. Maintes et maintes fois, montrant à ses pauvres petits une image de la divine Mère, elle leur faisait répéter avec elle : "Ma bonne Mère, aidez-moi à apprendre mon catéchisme"", relate un témoin. Elle avait obtenu la permission d’emmener tous les jours les enfants en pèlerinage à Notre-Dame des vertus, à Aubervilliers.
C’est grâce à sa dévotion mariale qu’elle réchauffe la foi et le cœur d’un garçon à demi paralysé et démuni, dénommé Buffart. "Sœur Eugénie lui apprit que la Sainte Vierge était sa Mère, qu’elle l’aimait et, du haut du ciel, veillait sur lui. Elle lui expliqua encore que la prière trouve toujours le chemin du Paradis, que la Mère du divin Sauveur est attentive au moindre appel de ses enfants d’ici-bas", raconte encore un témoin. "Et le cœur de Buffart s’ouvrit à ces perspectives radieuses que, jusqu’alors, il n’avait pas même soupçonnées. Il se prit à aimer beaucoup la Sainte Vierge ; il offrit à cette Mère toute bonne les trésors de tendresse que renfermait son pauvre cœur meurtri. Tous les soirs, dans le froid et la solitude de son grenier, il la priait avec amour." Preuve de sa dévotion mariale, sœur Eugénie disait souvent : "Avec Marie, on peut tout !".