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Comment l’Écriture sainte nous apprend que Jésus est à la fois homme et Dieu ? Tous les apôtres, y compris saint Paul, sont des juifs qui ne prétendent pas renier la révélation faite à Israël : Dieu est unique. Mais ils ont été conduits à voir Dieu en Jésus, sans confondre Jésus avec celui qu’il appelle son Père. Dans l’affirmation « Jésus est homme et Dieu à la fois », il faut vérifier les deux termes : Jésus est vraiment homme et vraiment Dieu. Aujourd’hui, l’humanité de Jésus n’est guère contestée. C’est plutôt la divinité de Jésus qui est en question : ainsi, chez ceux qui ne croient pas en Dieu, bien sûr, mais aussi chez ceux qui disent « Je crois en un seul Dieu », comme les juifs et les musulmans.
Jésus ne contredit pas le cœur de la foi juive : « Écoute Israël, le Seigneur est Un » (Dt 6, 4). Il était lui-même un juif religieux et il fonde son Église sur douze apôtres, tous juifs. Ce n’est pas lui qui va contredire ce qui est au cœur de la foi juive. Mais il fait progressivement découvrir à ses disciples qu’il ne fait qu’un avec celui qu’il appelle son Père. Père, Fils et Esprit Saint ne sont qu’Un, par la perfection d’un amour infini et éternel.
La Trinité est au cœur de la révélation des Évangiles
Pour désigner cette réalité qui n’est pas de ce monde, un théologien latin du IIe siècle, Tertullien, a inventé un mot qui n’existait pas : la « Trinité ». Mais ce n’est pas lui qui a inventé la Trinité. C’est Jésus qui la fait découvrir : dans les évangiles, nous le voyons et l’entendons agir et parler comme Dieu. Dans les miracles, il agit par lui-même. Il parle avec autorité. Il proclame le pardon des péchés. Il parle au Père en toute intimité. Il demande de croire en lui. Finalement, il dit : « Le Père et moi, nous sommes Un. »
Jésus tranche avec les personnages de l’Ancien Testament
Le XXe siècle a été une grande époque de renouveau biblique. Ce fut aussi, au moins dans sa seconde moitié, un temps où l’Église a redécouvert ses racines juives. Il est important de connaître l’Ancien Testament pour ne pas faire de contresens dans la lecture du Nouveau. Mais, en même temps, Jésus tranche par rapport aux personnages de l’Ancien Testament, même les plus grands. Abraham est le plus parfait des croyants, mais il n’est pas capable de sauver les habitants de Sodome, ces grands pécheurs ! Moïse doit se déchausser quand Dieu se manifeste par le signe du Buisson ardent. David est le roi dont Israël gardera toujours la nostalgie, mais c’est aussi un homme de ruse, de convoitise et de sang. Jésus, lui, parle et agit avec l’autorité de Dieu. Il accomplit les miracles par sa propre force, sans avoir à invoquer l’aide d’un autre. Il ose enseigner en allant plus loin que la Loi donnée par Dieu à Moïse : « Moi, je vous dis. » Alors que tout homme religieux est conscient de la distance qui le sépare de Dieu, Jésus est de plain-pied avec celui qu’il appelle son Père, « abba », terme inouï dans le judaïsme, terriblement familier. Il se proclame sans péché et, tout au contraire, proclame lui-même le pardon des péchés. Il demande de le suivre, de croire en lui car « le Père et moi, nous sommes un ».
Ce qui est réservé à Dieu est attribué à Jésus
Tous les titres et fonctions réservés à Dieu dans l'Ancien Testament (Seigneur, Créateur, Sauveur, Rédempteur, Puissant, Maître, Juge, Saint, Roi, etc.) sont attribués à Jésus dans le Nouveau. On vénère aussi maintenant le nom et la gloire de Jésus, en attendant son jour. Pierre et Paul se fâchent quand on les vénère ou quand on se prosterne devant eux, mais jamais Jésus ne repousse quelque forme de culte ou d’adoration qu’on lui rend comme à son Dieu, de sa naissance à sa mort, alors que l'Écriture dit : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et à lui seul tu rendras un culte » (Dt 6,13). En définitive, rien de ce qui appartient à Dieu seul n’est refusé à Jésus. L’agir de Jésus est celui de Dieu et on doit à Jésus ce que l’on doit à Dieu. À la question qu’il pose à ses disciples : « Pour vous, qui suis-je ? », il n’y a pas cinquante réponses possibles. Un blasphémateur ? C’est pour cela qu’il sera condamné (Mt 26,65 ; Mc 14,64, Jn 10,33). Un illuminé ? Mais il fait preuve d’un très grand réalisme. « L’Emmanuel », « Dieu avec nous » (Is 7,14), le Fils unique, ne faisant qu’un avec le Père, devenu l’un d’entre nous : c’est la réponse du chrétien.
Dès les origines, l’Église a dû se battre sur deux fronts
Jésus ne fait qu’un avec le Père et l’Esprit Saint et, à la fois, Jésus est pleinement l’un des nôtres. L’affirmation de la foi chrétienne est tellement paradoxale que la tentation a toujours été de la ramener dans des limites plus raisonnables. Trois des quatre premiers conciles œcuméniques ont sauvé la foi chrétienne contre ces tentatives de réduction. À Nicée (325), il a été dit : Jésus n’est ni un surhomme, ni un demi-dieu ; il ne fait qu’un avec le Père ; il lui est « consubstantiel ». À Éphèse (431), il a été dit : Jésus est indissolublement Dieu et homme ; c’est pourquoi sa mère, la Vierge Marie, peut être dite « Mère de Dieu ». À Chalcédoine, (451), il a été dit : en Jésus, la réalité humaine et la réalité divine sont, l’une et l’autre, pleines et entières ; il n’est pas moitié dieu, moitié homme.
L’annonce d’une alliance
Comment cela est-il possible ? La foi en Jésus, Dieu fait homme, n’est pas une contradiction ou une absurdité, car l’homme est créé à l’image et ressemblance de Dieu. Toute l’histoire biblique est celle d’une alliance, jusqu’à l’annonce de l’Emmanuel, « Dieu avec nous » : le prophète ne croyait pas si bien dire !
Jésus a dit qu’il n’était pas venu pour abolir [la loi et les prophètes], mais pour accomplir (Mt 5, 17), mener à la perfection. Ainsi Jésus n’est pas en contraction avec l’Ancien Testament. Il en accomplit, au contraire, les données et les promesses. Le Livre de la Genèse nous parle de l’homme, dans le vaste univers, créé à l’image et ressemblance de Dieu. Certes, la distance de Dieu à l’homme est infinie. Mais il y a quand même une complicité entre Dieu et l’homme. C’est pourquoi, dès le jardin de la Genèse, ils peuvent dialoguer. L’homme est un répondant pour Dieu.
Les prophètes annonçaient que Dieu allait intervenir lui-même. L’histoire biblique, l’Histoire Sainte, depuis Abraham, est bien celle d’une alliance sans cesse renouvelée, malgré les infidélités du peuple d’Israël. Mais le péché des hommes ne vient pas à bout de l’inventivité divine — si l’on peut ainsi parler, et on le peut, car la Bible aime bien le langage imagé. Les prophètes annoncent que Dieu va intervenir lui-même, d’une façon ou d’une autre. Cette façon, c’est l’incarnation, Jésus, Dieu fait homme, le verbe fait chair, le parfait « Emmanuel », Dieu avec nous.
La vocation de l’homme
De là, se comprend la vocation de l’homme qui est d’entrer dans la vie divine, de devenir enfant de Dieu. Cela est possible parce que Dieu s’est fait homme : fils de Marie, descendant de David, nouvel Adam. Il ne faut pas chercher à l’amour d’autres raisons que l’amour. Il faut donc se méfier de raisonnements qui vous expliqueraient : Dieu ne pouvait pas faire autrement. Mais, à partir de ce que Dieu a fait pour nous, nous pouvons découvrir ce qu’il est, Dieu d’Amour, et ce que nous sommes appelés à être, ses enfants, des vivants de la vie divine : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jn 3, 16).
Ainsi, « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'au bout » (Jn 13, 1). Ce que nous sommes appelés à être, les Pères de l’Église l’ont dit avec audace : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit fait Dieu. » La première épître de saint Jean le disait déjà : « Nous sommes appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes ! » (Jn 3, 1). Un autre texte du Nouveau Testament dit que nous « participons à la nature divine ». En Dieu, nous sommes assimilés au Fils, celui qui reçoit et qui rend grâce. Nous ne sommes pas le Père, car le Père est l’origine. Nous sommes dans le Fils parce qu’il s’est fait l’un d’entre nous et qu’il nous a envoyé son Esprit.