separateurCreated with Sketch.

Serons-nous acteurs ou spectateurs de la Semaine sainte ?

PRIERE-BOUGIE-GODONG
whatsappfacebooktwitter-xemailnative
Dom Samuel Lauras - publié le 14/04/25
whatsappfacebooktwitter-xemailnative
La lecture de la Passion du Christ doit nous interroger : la foule hostile au passage de Jésus, c’est la société de son temps. Aujourd’hui, de quel côté allons-nous situer ? N’avons-nous pas nous aussi adopté quelques traits regrettables de notre époque ? La liturgie des Rameaux et du Jeudi saint peut rectifier les réflexes de notre culture, explique dom Samuel Lauras, abbé de l’abbaye cistercienne de Nový Dvůr en République tchèque.

Carême 2025

Ce contenu est gratuit, comme le sont tous nos articles.
Soutenez-nous par un don déductible de l'impôt sur le revenu et permettez-nous de continuer à toucher des millions de lecteurs.

Je donne

Serons-nous spectateurs ou acteurs de la Semaine sainte ? Pour les Rameaux, nous sommes entrés dans l’église les palmes à la main. Le lecteur de la Passion reprend les cris de la foule hurlante appelant à crucifier Jésus. Sommes-nous alors acteurs ? Et de quel côté nous situons-nous : du côté des disciples, du côté du peuple juif auquel les chrétiens ont longtemps reproché d’avoir tué le Fils de Dieu ? Est-ce là le problème, et sinon, où est-il ?

La Bonne Nouvelle est adressée à chacun, à l’époque où il vit, païens, juifs et chrétiens. Tous ont en commun d’avoir part au péché. Chaque époque a ses propres traits, la nôtre comme toutes les autres. Et si, avec raison, nous déplorons certains traits de la culture de notre temps, sommes-nous capables de reconnaître que nous en avons adopté quelques-uns, inconsciemment sans doute, et pas forcément les meilleurs. Si nous arrivions à les identifier, ne serait-ce pas bienfaisant ? Saint Augustin le rappelait en commentant l’Évangile du pharisien et du publicain :

"Qui peut se glorifier d’avoir un cœur chaste et d’être pur de tout péché ? … C’est à Dieu de cacher les plaies, non à toi. Car si tu les caches parce que tu en rougis, le médecin ne les guérira pas" (Commentaire du psaume 31).

Quelles sont nos plaies ?

Quelles sont nos plaies, et parmi celles de notre temps, celles que nous avons inconsciemment adoptées ? Difficile de les décrire en quelques lignes… La morale est, dans sa nature, un ensemble de règles que je m’impose à moi-même pour le bien des autres. Le risque sera de l’envisager comme un ensemble de règles que j’impose aux autres pour mon bien propre. La foi chrétienne enseigne que la frontière entre le bien et le mal passe à l’intérieur du cœur de chacun. Le risque sera de dessiner une frontière entre les bons et les méchants, en se retranchant soi-même dans le camp du bien, les mauvais étant, bien sûr, les autres ! C’est tellement plus simple, plus attirant, plus satisfaisant ! L’affrontement entre le bien et le mal est effectivement ce qui se joue dans le récit de la Passion. Nous l’avons écoutée, pleins de confusion car — c’est à notre honneur — nous savons bien, au fond de nous-mêmes, que nous ne sommes jamais toujours dans le camp du Juste.

Le rêve d’un Messie triomphant

L’entrée triomphale à Jérusalem que nous avons célébrée en entrant triomphalement dans notre église le dimanche des Rameaux, que cache-t-elle ? Un rêve. Le rêve d’un Messie triomphant. Un rêve qui habitera les disciples jusqu’à l’Ascension. Un rêve qui nous habite : Dieu n’est-il pas tout-puissant, ne va-t-il pas donner le succès à nos intentions droites, ne méritons-nous pas que notre service s’épanouisse visiblement aux yeux de ceux qui nous entourent, notre fidélité ne doit-elle pas porter des fruits visibles, et les fruits que nous constatons ne sont-ils pas évidemment les effets de notre fidélité ? Donc, si tout va bien, c’est la preuve que nous sommes des saints et il est insupportable que tout n’aille pas bien, car il est insupportable de n’être pas des saints… Je caricature à peine ! Comme remède à ces réflexes qui sont en réalité des poisons, nous avons besoin, de temps en temps, de réentendre le passage d’Isaïe décrivant le destin du Serviteur souffrant :

"Le Seigneur m’a ouvert l’oreille pour que j’écoute comme un disciple. Et moi je n’ai pas résisté, je ne me suis pas dérobé. J’ai tendu le dos à ceux qui me frappaient et les joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Il va me venir en aide, c’est pourquoi je ne me suis pas laissé abattre" (Is 50, 4-7).

Qui est ce Serviteur souffrant ? Le peuple d’Israël, puis, bien sûr, le Messie, puis l’Église, c’est-à-dire nous tous. Les rêves de toute-puissance de ceux qui ne savent pas mettre de limites à leurs désirs, qui veulent que tout soit possible, nous habitent également. La liturgie déploie le mystère de notre Rédemption. Entrons-y, non pas en spectateur, mais en acteurs conscients et, dirais-je, humiliés et confiants.

Acteurs de l’Alliance nouvelle

Le Jeudi saint, l’évêque ou le prêtre lave symboliquement les pieds de douze chrétiens. Ce geste, Pierre l’avait d’abord refusé. Ensuite, les prêtres prononcent de nouveau les paroles que Jésus a prononcées autour d’une table où les Douze, dont Judas, avec la Mère de Jésus, étaient réunis. Puis nous accompagnons le Christ au jardin de Gethsémani pour veiller avec lui dans la mesure de nos forces — comme il l’attendait de ses disciples dans la nuit qui précéda sa mort. Le Vendredi saint, dans un grand dépouillement liturgique, nous descendons enfin avec lui au Royaume du silence, en attendant la Résurrection. Ce discours que Jésus adressa à ses disciples avant de rejoindre le Mont des Oliviers, éclaire non seulement ces célébrations, mais plus profondément, notre vie de chrétiens et de moines :

"Voici quel est mon commandement : vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés. Nul n’a plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande…" (Jn 15, 12-14)

Nous avons pris l’habitude de désigner notre relation avec le Christ comme une amitié. Nous avons raison, puisque c’est le Christ lui-même qui l’a définie ainsi. Mais pour prendre la mesure de ce qu’il met derrière ce mot, nous n’avons pas trop de toute une vie en sa présence : "Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande". Or nos volontés impérieuses, voire agressives, se heurtent quotidiennement au mur de la réalité. Et ce n’est pas pour rien que saint Benoît fait de la lutte contre la volonté propre une priorité absolue de la vie du moine. Pendant la Semaine sainte, nous sommes donc invités à ouvrir en grand les oreilles de notre cœur pour saisir le sens de la nouvelle Alliance : "Le Sang de l’Alliance nouvelle et éternelle versé pour vous et pour la multitude". Cette Alliance renouvelle notre relation avec Dieu, elle qualifie notre relation avec la multitude — c’est-à-dire avec le monde d’aujourd’hui — et nos relations mutuelles.

Vous avez aimé cet article et souhaitez en savoir plus ?

Recevez Aleteia chaque jour dans votre boite e−mail, c’est gratuit !

Vous aimez le contenu de Aleteia ?

Aidez-nous à couvrir les frais de production des articles que vous lisez, et soutenez la mission d’Aleteia !

Grâce à la déduction fiscale, vous pouvez soutenir le premier site internet catholique au monde tout en réduisant vos impôts. Profitez-en !

(avec déduction fiscale)