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C’est une longue enquête sur l’abbé Pierre que met en ligne le journal Le Monde ce vendredi 13 décembre. Les journalistes ont demandé et obtenu l’accès à la bibliothèque de la Fraternité des Capucins, installée dans le quartier Montparnasse, à Paris. Et ils ont pu se plonger dans de très nombreux écrits de l’abbé Pierre, notamment les lettres qu’il adressait à son supérieur et maître des novices, le père Louis-Antoine de Clermont-Ferrand. Le jeune homme avait alors 19 ans, et venait d’entrer comme novice chez les Capucins à Lyon en 1932. Il s’appelait frère Philippe.
Dans une lettre de 17 pages où l’écriture est décrite comme "hachée, nerveuse et raturée la rend(ant) presque indéchiffrable", se trouve ce passage sur sa scolarité alors qu’il était pensionnaire au collège Notre-Dame des Minimes, à Lyon : "Des grands vicieux m'entreprennent. Je deviens durant deux mois, sous la menace d'un pistolet, leur jeu. Un jour, je fuis le collège. A la maison où l’on me voit arriver hors d’haleine, on ne sait pas, on questionne. Je ne réponds pas. On me trouve – grâce dont mon cœur s’exclame de reconnaissance – de la fièvre et je passe trois mois au lit, malade, sauvé. Quand, après, je remonte aux Minimes, les grands m’ont oublié. Quelqu’un d’autre est leur proie. Un mois plus tard, les plus endiablés sont surpris et renvoyés à grand scandale. J’en entends l’écho. J’avais 7 ans [la phrase est soulignée]."
Départ de l'ordre des Capucins en 1939
D’autres lettres et documents découverts par les journalistes prouvent l’instabilité du jeune homme et l’inquiétude de l'entourage ecclésiastique à son sujet. Le frère Philippe quittera l’ordre des Capucins, au printemps 1939, pour être incardiné dans le diocèse de Grenoble, et deviendra par la suite l’abbé Pierre. Des années plus tard, lors de la publication de ses carnets intimes, Je voulais être marin, missionnaire ou brigand (Le Cherche Midi, 2002) ou dans sa biographie L’Abbé Pierre (Fayard, 2004), écrite par le journaliste Bernard Violet, il parlera à mots couverts de ces abus qu’il aurait subis enfant.
Pour mémoire, alors que les accusations contre le fondateur d'Emmaüs, décédé en 2007, se multiplient depuis cet été, la Conférence des Évêques de France (CEF) a ouvert par anticipation toutes les archives concernant l’abbé Pierre, Henri Grouès à l’état civil. 216 courriers, notes et lettres manuscrites de plusieurs évêques et directeurs du secrétariat de l'épiscopat confirment que certains représentants de l'Église étaient au courant du "comportement grave" de l'abbé Pierre au moins depuis 1955. Des responsables du mouvement Emmaüs auraient été au courant dès 1957 des agissements de l’abbé Pierre, a révélé Libération en octobre. Une crise interne majeure a même éclaté et débouché sur l'internement de l'abbé Pierre dans une clinique psychiatrique en Suisse.