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Les révélations et agissements concernant l’abbé Pierre se multiplient ces dernières semaines. La direction du mouvement associatif était au courant des agissements de son fondateur dès l'année 1957, révèle le quotidien Libération qui a pu consulter des documents exclusifs d'Emmaüs. Une crise interne majeure a même éclaté et débouché sur l'internement de l'abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, dans une clinique psychiatrique en Suisse.
"Nous sommes tous (quand je dis tous, j’entends tous les responsables et membres de l’association Emmaüs jusqu’aux amis de province engagés ou les conseillers religieux que nous avons pu consulter) pour considérer comme impossible le retour à une situation semblable à celle que nous avons vécue depuis plusieurs mois", a écrit Yves Goussault, l'un des proches compagnons de l'abbé Pierre, dans une lettre adressée au religieux et datée du 27 décembre 1957. Dans ce texte, le membre éminent de la direction d’Emmaüs fait plusieurs allusions au scandale provoqué par la conduite de l’abbé Pierre et évoque "le risque que nous avons couru". Jugeant qu'il lui est "impossible de rester complice d’une telle situation", Yves Goussault affirme craindre par-dessus tout d’être "responsable des accidents à venir et peut-être des scandales".
Mise en place d'un protocole
Yves Goussault se charge lui-même de révéler les agissements de l'abbé Pierre à Lucie Coutaz, sa fidèle secrétaire. Cette dernière sera finalement écartée de la direction car "elle se refusait à reconnaître les faits devant lesquels nous étions brutalement confrontés". Au Conseil d’Emmaüs, plusieurs responsables auraient été, comme Yves Goussault, conscients des agissements connus par le fondateur du mouvement. Un protocole lui interdisant de "revenir dans son cadre habituel à Paris sans l’avis formel de son médecin traitant" aurait été signé par plusieurs mains, dont celle de Georges Lilaz, le directeur du BHV qui fut l’un des premiers mécènes d'Emmaüs. Face à ces lourdes révélations contre Emmaüs, une ancienne responsable de l'association a confirmé, dans un courrier interne daté du 6 août 2024, et consulté par Libération, que "pour (sa) part, (elle savait) depuis le début des années 2010 que les premiers faits remontaient à 1957, voire avant".
Pour mémoire, en juillet 2024, sept premiers témoignages avaient fait état de "comportements pouvant s’apparenter à des agressions sexuelles ou des faits de harcèlement sexuel commis par l’abbé Pierre entre la fin des années 1970 et 2005". Le 6 septembre, 17 nouveaux témoignages accusaient le prêtre. Les faits décrits auraient été commis entre 1950 et 2000, sur des femmes aussi bien majeures que mineures, dont l’une âgée de 8 à 9 ans. Dans la foulée, la fondation Abbé Pierre, Emmaüs France et Emmaüs International ont annoncé mettre en place une " commission d’expert.e.s indépendant.e.s (sic)", afin d'enquêter sur ces révélations.
L’Église en France a ouvert ses archives mi-septembre afin de faire toute la lumière sur les accusations d’abus sexuels portées à l’encontre de l’abbé Pierre sans attendre le délai de 75 ans après sa mort en 2007. Et les premiers éléments sont préoccupants. Le document le plus explicite, une lettre du 13 novembre 1964 émanant peut-être du secrétaire général de l'épiscopat, résume l'affaire en parlant de "grand malade mental" faisant l'objet de "perte de tout contrôle de soi, notamment après des livres à succès" et assure que "de jeunes filles en ont été marquées pour la vie".