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J-42 : Pourquoi l’orgue est-il le roi des instruments liturgiques ?

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L'orgue de Notre-Dame de Paris avant l'incendie du 15 avril 2019.

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Valdemar de Vaux - publié le 26/10/24
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Si Notre-Dame de Paris accueille le plus grand de France, l’immense majorité des églises de l’Hexagone en possèdent un. L’orgue est effectivement l’instrument liturgique par excellence.

"Louez-le par les cordes et les flûtes, louez-le par la danse et le tambour", (Ps 150,4) dit le psalmiste selon la traduction française liturgique du texte hébreu. Littéralement, il s’agirait plutôt d’une invitation à louer Dieu "chez les hommes et chez les organes, avec un tambour et une danse". "Organes" est ici à entendre au sens d’outil musical, d’instrument. Car le mot "orgue" est au départ générique, et cela sied bien à cet instrument de musique polyvalent qui peut même remplacer un orchestre, après harmonisation.

Dès l’Ancien Testament, l’orgue semble convenir au devoir de louange des créatures envers leur Créateur. Pourtant, il ne fut aux temps antiques gréco-romains qu’un instrument utilisé pour le théâtre et les jeux du cirque. Au point qu’« on peut même penser que certains martyrs ont été dévorés par les bêtes sur un fond musical d’orgue", explique Samuel Pickel, qui en joue depuis plus de vingt ans et s’est passionné pour son histoire. Aujourd’hui, en Orient, il ne fait cependant pas partie de l’univers liturgique puisque les chants sont traditionnellement chantés a cappella "comme dans les premières liturgies domestiques".

Un instrument typiquement latin

À vrai dire, l’orgue est typiquement latin. D’ailleurs, au Saint-Sépulcre, à Jérusalem, où cohabitent six confessions chrétiennes, seuls les franciscains l’utilisent dans la liturgie. Passé de la cour impériale byzantine à la cour de Pépin le Bref en 757, l’instrument connaît ensuite un fort engouement jusqu’à son apogée dans le monde germanophone à l’époque baroque. Qui ne connaît pas, aujourd’hui, le compositeur du XVIIIe Jean-Sébastien Bach et sa Toccata ? En France, il faut attendre le XIXe pour voir pareille célébrité, avec le facteur Aristide Cavaillé-Coll et des compositeurs comme César Franck ou Louis Vierne, qui fut de 1900 à sa mort en 1937 l’un des plus fameux organistes de la cathédrale Notre-Dame de Paris. 

L’édifice accueille le plus grand instrument de l’Hexagone, avec celui de Saint-Eustache, à Paris également. Mais la diffusion des orgues a été telles que presque toutes les églises de France en ont un. Si la musique sacrée est mise en valeur par Rome depuis le concile de Trente, comme signe de la participation des fidèles à l’action liturgique, la constitution Sacrosanctum concilium canonise en quelque sorte l’orgue : "On estimera hautement, dans l’Église latine, l’orgue à tuyaux comme l’instrument traditionnel dont le son peut ajouter un éclat admirable aux cérémonies de l’Église et élever puissamment les âmes vers Dieu et le ciel." (§120) La réforme liturgique laisse cependant la place à d’autres instruments de musique "selon le jugement et le consentement de l’autorité territoriale compétente, […] selon qu’ils sont ou peuvent devenir adaptés à un usage sacré".

La musique et les chants sont en effet au centre de la liturgie. Saint Paul, déjà, encourage les Éphésiens : "Dites entre vous des psaumes, des hymnes et des chants inspirés, chantez le Seigneur et célébrez-le de tout votre cœur." (Ep 5,19). "C’est le début de la tradition musicale proprement chrétienne", assure Samuel Pickel même si le peuple de Dieu a associé le chant à la louange et au salut depuis au moins la traversée de la Mer Rouge (cf. Ex 15). Dans L’Esprit de la liturgie, Benoît XVI remarque que le chant intervient là où les mots ne suffisent plus pour exprimer le mystère : "Dans la rencontre de l’homme avec Dieu, une part de lui-même s’éveille et se met à chanter, comme lors du passage de la mer Rouge, première fois où le chant apparaît dans la Bible". 

"La musique chrétienne n’est pas une expérience irrationnelle mais une expression de la dimension transcendante du mystère", ajoute l’organiste qui n’oublie pas l’aspect pastoral de son rôle puisqu’il s’agit de "vivifier la tradition en intégrant le mieux possible les fidèles, en trouvant un équilibre entre prétention à l’art pur et pragmatisme pastoral, tâche difficile mais pas impossible !" Tâche qui peut même être évangélisatrice puisque la musique fut pour lui "la porte d’entrée de la foi".

Au-delà des raisons historiques et esthétiques du choix de l’orgue comme instrument privilégié de musique sacrée, Samuel Pickel y voit une signification spirituelle. L’orgue serait ainsi une sorte de métaphore de l’Église : "Comme les différents jeux d’un orgue, une communauté chrétienne se compose de personnalités diverses. L’harmonie apparaît lorsque les instruments jouent ensemble avec leurs qualités propres." Et de conclure : "Notre unité ne se fait pas par l’uniformisation mais par une complémentarité qui devient fructueuse lorsque nous cherchons à nous réaccorder au diapason qu’est le Christ."

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