Antoine Joly, 27 ans, étudiant en Master au Conservatoire supérieur de Lyon, est amoureux des orgues. Une passion dont il a hérité de son père. Originaire de Franche-Comté, il connaît bien les petites églises de villages du diocèse de Besançon. La plupart d'entre elles abritent de magnifiques orgues. Construits généralement au XIXe siècle, ils proviennent de grandes dynasties de facteurs d’orgues comme les Callinet, les Verschneider, les Merklin et même les Cavaillé-Coll. Imaginés pour accompagner la prière des fidèles, la désaffection des églises les met en péril. "Si l'orgue a pu se développer à tel point, c’est grâce à l’Église. Autrefois, pour une paroisse de village, il était important de posséder un beau mobilier, la plus belle cloche, le plus bel orgue… C’était une fierté", raconte Antoine Joly. "Aujourd’hui, dans les villages isolés, où un seul prêtre peut avoir la charge de 30 et 40 clochers, les orgues ne vivent plus, faute de messes. Or, s’ils ne sont pas joués, les orgues se dégradent… Nous voulions faire quelque chose pour les faire vivre".
En 2022, avec ses amis, Charlotte Dumas et Gauthier Petrowsky, il crée l'association "Organisteries" qui a pour but de redonner de la voix aux orgues dans son diocèse. Les trois organistes ont choisi une douzaines d'orgues, situés dans les petites communes proches de Besançon, répertoriés sur le site de leur association. On retrouve ainsi les petits orgues du XIXe siècle, comme celui construit par Claude-Ignace Callinet en 1850 dans l'église de Notre-Dame-de-l'Assomption, à Pierrefontaine-les-Varans, un autre, avec un buffet plat en chêne et avec des tuyaux graves distribués dans les plates-faces latérales à Héricourt en l'église Saint-Christophe ou encore plus modeste, l'orgue de l'église de la Purification-de-Notre-Dame à Blamont. Si ces instruments sont classés monuments historiques, les jeunes gens estiment que pour les entretenir il faut non seulement de l’argent mais aussi des mains pour les faire vivre, les jouer.
Jouer pour entretenir
"Nous organisons des concerts dans plusieurs églises du diocèse", explique le jeune homme. Bien accueillie par les maires et les paroisses, l’initiative s'est lancée rapidement. Après avoir animé quelques concerts eux-mêmes en 2023, les trois passionnés en ont organisé cinq en 2024 avec des musiciens venus de Munich, de Lausanne ou encore de Bruxelles. "Tous les concerts ont lieu entre le printemps et l’automne car l’hiver le chauffage dérègle l’orgue", précise Antoine Joly. À travers ces concerts, l'objectif est de faire vivre ces orgues en les faisant écouter et apprécier au grand public. Les amateurs peuvent ainsi écouter Bach, Kerll, Vierne, ou encore des contes et légendes francs-comtois, parfois accompagnés de saxophone… "Nous sommes agréablement surpris de voir que les gens sont curieux et assez réceptifs. Nous comptons à chaque fois entre 60 et 70 personnes dans le public", note encore Antoine Joly.
L’association propose également une classe d'orgue itinérante permettant aux jeunes étudiants d’apprendre à jouer de cet instrument majestueux. "Nous donnons des cours tous les quinze jours et changeons à chaque fois d’orgue. Pour avoir une belle liturgie, il est important de former des gens", indique Antoine Joly qui ne cache pas sa joie d’être en contact avec des instruments historiques. "C’est émouvant de poser ses mains sur des orgues qui ont plus de 150 ans d’histoire. Autrefois, les gens se sont battus pour les maintenir en état, aujourd’hui, c'est à nous de le faire".