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Jeanne Véron, guillotinée car “coupable” d’être catholique

ERNÉE

C'est sur cette place, à Ernée, que Jeanne Véron a été guillotinée le 20 mars 1794.

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Anne Bernet - publié le 20/03/24
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Dévouée à l’éducation et au soin des malades, la jeune mayennaise Jeanne Véron, malade, tenait à peine debout quand on l’expédia à l’échafaud en 1794. Son grand tort ? Avoir préféré l’Église à la République. Elle est fêtée le 20 mars.

En cette année 1794, si la peur ne paralysait la France, interdisant aux gens de réagir tant ils craignent pour leur peau, certains spectacles qui se donnent jusque dans les plus petites villes, susciterait indignation et colère, tel celui qui se joue, le 20 mars, à Ernée. Depuis décembre 1793, et la défaite des Vendéens au terme de leur expédition d’outre-Loire, les députés en mission dans l’Ouest exercent sur les départements hostiles à la Révolution une tyrannie inédite. Convaincus qu’il ne faut reculer devant rien pour sauver la République, quoiqu’il en coûte, ils organisent, s’ils en ont le temps, des tribunaux à la justice expéditive envoyant à la mort tous ceux qu’on leur défère et, s’ils ne l’ont pas, se contentent de tuer, n’épargnant ni femmes, seraient-elles enceintes, ni enfants.

Il faut faire du chiffre

L’avènement d’une France régénérée, débarrassée des tyrans, ses rois et des prêtres, passe par la suppression de tous ceux attachés à l’ancienne forme du gouvernement et plus encore au catholicisme. L’ennui est que cela fait du monde… En attendant, on extermine les opposants déclarés ou prétendus tels afin de hâter de le triomphe de la Vertu, et c’est à qui, parmi les détenteurs d’une part du pouvoir, serait-elle minime, montre le plus de zèle.

Le maire d’Ernée, Quantin, rebaptisé Marat pour attester de sa foi révolutionnaire, n’a qu’un regret : ne pas avoir assez de "suspect" pour tenir le rythme et se faire remarquer en envoyant à la Convention une liste conséquente de contrerévolutionnaires mis à mort. Il a beau faire, son score, proportionnellement honorable eu égard à la modeste taille de sa commune, n’excède pas quelques dizaines de suppliciés…  Il faut faire du chiffre. C’est alors qu’il se souvient de l’existence, au village voisin de Saint-Pierre-des-Landes, de deux religieuses, les sœurs Françoise Tréhet et Jeanne Véron, appartenant à une petite communauté de Sœurs d’école et de charité fondée un siècle plus tôt à La Chapelle-au-Riboul pour éduquer les fillettes et prendre soin des malades. Elles sont familièrement appelées "Grisettes" en raison de la couleur de leur habit. Après le Concordat et leur installation à Évron, elles deviendront la congrégation des Filles de la Charité d’Évron.

Elles refusent de prêter serment

Née à Quelaines en Mayenne le 6 août 1766, Jeanne a reçu une éducation suffisante pour devenir sœur de chœur, donc assez lettrée pour lire et chanter les offices. Entrée jeune, elle a enseigné à Noyen-sur-Sarthe avant d’aller seconder une religieuse plus âgée, sœur Françoise Tréhet, son aînée d’une dizaine d’années, fondatrice de l’école de Saint-Pierre-des-Landes. Malgré l’interdiction des vœux de religion, Françoise et Jeanne ont pu rester à leur poste, en raison des services rendus et sans doute auraient-elles traversé la Terreur si Quantin ne se sentait une vocation d’exterminateur de masse. C’est uniquement pour faire nombre que, fin février 1794, il repense à l’existence, tout près de chez lui, de ces  dangereuses fanatiques qui ont refusé de prêter les différents serments exigés des religieux et religieuses enseignants. Cela suffit à justifier l’arrestation des Grisettes. À cette date, bien qu’elle n’ait que 27 ans, Jeanne, atteinte d’une pathologie cardiaque qui l’a rendue hydropique et lui interdit le moindre effort, est à bout de force ; ses jours sont comptés. Cela n’empêche pas son arrestation et son transfert, avec sœur Françoise, à la prison d’Ernée d’où l’on se décide à la faire transporter à l’hôpital en constatant la dégradation de sa santé. La laissera-t-on mourir tranquille ? Non !

Le 12 mars, la commission Clément, chargée d’épurer la Mayenne de ses "brigands", débarque à Ernée. En huit jours qu’elle y passera, elle enverra trente-huit malheureux à l’échafaud. Parmi eux Françoise Théhet, exécutée le 13. Ce qu’on lui reproche, comme à sœur Jeanne : "avoir pansé les plaies et donné à manger à des chouans. Avoir aidé des prêtres réfractaires à se cacher et exercer leur ministère clandestin, refuser de dénoncer leurs cachettes", et s’obstiner à refuser de prêter le serment exigé qu’elles tiennent pour une sorte d’apostasie qui transférerait leur fidélité de l’Église à la république persécutrice.

À demi-mourante

Le 20, on arrache Françoise à son lit d’hôpital et, comme elle ne tient plus debout, on la traîne, sur une civière selon les uns, en fauteuil roulant selon les autres, jusqu’à l’église paroissiale profanée où siège le tribunal révolutionnaire. À demi-mourante, la religieuse trouve la force de répéter fermement qu’elle n’a fait ni ne fera aucun des serments exigés et que "la religion catholique, apostolique et romaine est la seule dans laquelle elle puisse se sauver". Il n’en faut pas davantage pour l’envoyer à la guillotine.

Françoise Tréhet  et Jeanne Véron ont été béatifiées en 1955 par Pie XII en même temps que les quatorze prêtres martyrs de Laval, une autre religieuse, sœur Sainte Monique Lhuillier et une autre Grisette, Françoise Mézières. Qui se souviendrait d’elle sans leur martyre ? 

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