A Toulouse, les petites sœurs de Jésus viennent se reposer après une longue immersion en pays étranger. Ainsi petite sœur Denise-Germaine a passé quarante ans en Serbie et en Croatie, travaillant en usine. C’est au Pakistan que petite sœur Martine-Roberte a été immergée pendant trente années auprès d’enfants handicapés. Petite sœur Magdalena-Giuseppe a pour sa part assuré l’accueil, le ménage, la cuisine des employés de cirques itinérants. Leur présence répond à cette aspiration de frère Charles "Le but serait de mener aussi exactement que possible la vie de Notre-Seigneur : vivant uniquement du travail des mains, suivant à la lettre tous ses conseils..."
Vivre une amitié gratuite
Le travail n’est qu’un prétexte pour être au milieu de leurs frères et vivre "une amitié gratuite", selon l’expression de leur fondatrice. Ni missionnaires, ni au service d’une œuvre caritative, les religieuses veulent seulement être une présence. Elles se mettent à l’écoute de l’autre en lui laissant toute la place. "Etre là, seulement", précise petite sœur Denise. "Nous n’avions aucune autre raison d’être là que l’amitié", poursuit-elle. Cette amitié vraie inspire confiance et pousse à la confidence. Alors qu’aucune parole sur la foi n’était possible sous le régime communiste, il ne restait que "l’Evangile à crier par toute sa vie". A la chute du mur, une chape de plomb s’est soulevée et a révélé la soif de Dieu. Plusieurs "amis" se sont convertis.
"Ajouter à ce travail beaucoup de prières"
"Dans une des caravanes du cirque, le Saint Sacrement était toujours présent", se souvient petite sœur Magdalena. N’allons pas imaginer un cloisonnement entre travail et prière. "La prière et la vie sont mélangées", affirme la religieuse italienne. Petite sœur Denise le confirme. "Avant de partir à l’usine, je me levais très tôt pour prier. Je partais ainsi au travail avec la force de cette prière. Quand j’étais en proie à des difficultés à l’usine, cela nourrissait ma prière".
Petite sœur Martine ajoute que la prière est faite au nom des autres. "Nous ne prions pas pour notre petite sainteté à nous. Nous portons le monde à travers notre vie, en offrant à Dieu tout ce qu’on fait. Et Il sauve". Ce désir fait écho à celui de Charles de Foucauld : "Mon Dieu, faites que tous les humains aillent au ciel !"
Comme le frère universel
Les petites sœurs de Jésus s’approprient le désir de Charles de Foucauld d’être "regardé comme leur frère, le frère universel". Leur présence questionne en pays musulman. Comment des femmes peuvent-elles vivre sans être ni mariées ni musulmanes ? Petite sœur Martine sourit. "Au Pakistan, les musulmans nous demandaient de prier pour eux car ils pensaient que Dieu nous écoutait plus ! Notre simplicité de vie les intriguait". Il n’est pas rare que, dans cette vie très ordinaire, une émulation se crée. "Nous étions stimulées pour vivre notre foi respective le mieux possible". "S’évangéliser mutuellement", complète petite sœur Denise.
"Mon Père je m’abandonne à toi"
Dire quotidiennement cette prière de frère Charles est un engagement des petites sœurs de Jésus. "C’est un défi journalier" avouent-elles de concert. "S’abandonner quand tout va bien, c’est facile. Mais quand ‘ça coince’, c’est autre chose !"
A travers l’ordinaire de leur vie, les petites sœurs de Jésus sont une "présence dans ce monde que Dieu aime".
Aujourd’hui les religieuses vivent une autre forme d’abandon. Dans la vieillesse, elles essaient de se laisser "emmailloter". A l’image de l’Enfant Jésus, selon l’intuition de petite sœur Magdeleine, elles essaient de tout abandonner : le désir de fraternités qui ne se renouvellent pas (il n’y a pas de nouvelles vocations en France), la santé qui décline.
Mais cet abandon est source de grâces. Toujours dans l’accueil, que d’amitiés inattendues, que de joies nouvelles ! A travers l’ordinaire de leur vie, les petites sœurs de Jésus sont, à l’image de saint Charles de Foucauld, une "présence dans ce monde que Dieu aime".