Quelque 2,5 millions. C’est le nombre de vues sur YouTube de "Mon Père, je m’abandonne à toi ». De quoi rendre jaloux un certain nombre d’influenceurs ! Le succès de ce chant composé par des membres de la communauté de l’Emmanuel en 2002 témoigne du rayonnement incontestable de l’acte d’abandon du frère Charles. "Même si ce titre me semble ancien, j’ai vraiment plaisir à l’entonner souvent dans des groupes de prière", confie Blandine, 20 ans. "Pour moi, il s’agit d’un des seuls chants catholiques qui mentionne vraiment cet aspect de la vie du chrétien qu’est l’abandon". À l’aube des grands choix de sa vie, la jeune étudiante aime aussi réciter la prière de Charles "par petits bouts". Pour elle, ce texte met en lumière ce qui est le plus important pour un chrétien : "faire la volonté de Dieu" et "abandonner en confiance son avenir".
"Nous avons tous besoin de faire confiance en quelqu’un qui nous aime !", constate frère Gilles du Monastère de Saint-Agnès au Canada. De l’autre côté de l’Atlantique, ce religieux est tous les jours témoin des bienfaits de la prière du frère universel sur les jeunes en difficultés et victimes d’addictions. Beaucoup ont manqué d’une figure paternelle et trouvent, en récitant ce texte, la joie de se confier au Père céleste. Le frère Gilles a lui-même vécu une véritable guérison de sa relation avec son propre père grâce à cette prière. "J’avais une colère énorme contre mon père. Un jour, j’ai demandé à mon prieur d’aller le voir. J’ai pu comprendre certains de ses comportements. La prière d’abandon m’a aidé à faire un lien avec mon père, elle m’a permis de poser un geste, de pardonner !", se remémore-t-il.
Une prière sans âge
"Je crois que si cette prière marque autant c’est qu’elle parle du cœur de l’Évangile", analyse pour sa part sœur Dominica Pascal. Se sentant appelée à rejoindre la communauté des Petites sœurs de Jésus, la future religieuse est confrontée à de nombreux combats liés à son tempérament. La prière d’abandon lui permet finalement de retrouver la paix. "Tout est rentré dans l’ordre et je suis une religieuse très heureuse aujourd’hui", résume-t-elle.
En mission à Aix-en-Provence, elle observe que la récitation de l’acte d’abandon touche toutes les nationalités, les classes sociales ou états de vie. "C’est une prière sans âge devenue universelle", s’émerveille-t-elle. Le constat est le même chez les moines de l’abbaye Notre-Dame des Neiges - lieu intimement lié à Charles de Foucauld - qui voient passer de nombreux groupes. Tandis que les moines ont l’habitude de réciter ce texte quotidiennement, ils ont la joie d’observer les plus jeunes - scouts, familles ou couples - s’en emparer.
D’abord d’une méditation
Il faut dire que lorsque frère Charles écrit ces mots, il ne puise pas seulement dans sa propre histoire mais médite sur la vie du Christ. "On parle souvent de ‘la prière d’abandon de Charles de Foucauld’. Mais il s’agit d’abord d’une méditation de Charles sur la Passion du Christ ; c’est la prière même de Jésus à son Père", rappelle Hubert de Blic, l’un des descendants du futur saints. Si l’on en vient aujourd’hui à croire que le texte a été légué directement par son auteur, ce n’est en effet pas tout à fait exact. L’acte d’abandon est tiré des ‘méditations sur l’Évangile au sujet des principales vertus’, l’un des écrits spirituels de Charles. "Quand on dit cette prière non pas du bout des lèvres mais dans un cœur à cœur avec son Créateur, cela emmène loin, c’est une folie", souffle Hubert de Blic.
Il faut croire que cette radicalité répond à la soif de nos contemporains puisque les écrits liés à cette prière continuent de rencontrer un franc succès. À peine trois semaines après la sortie d’un hors-série proposant une neuvaine à Charles de Foucauld, le directeur marketing de Magnificat recense plus de 5.000 commandes. Même s’il est trop tôt pour tirer des conclusions hâtives sur les ventes, Dieudonné de Lavenne affirme qu’il y a "un véritable intérêt pour le sujet de Charles de Foucauld et sa prière d’abandon". Enfoui dans le désert de son vivant, Charles de Foucauld est aujourd’hui en première ligne au rayon de nos librairies religieuses pour nous enseigner sa voie de l’abandon.