Le président de la Confédération des juristes catholiques voit dans le vote de l’amendement sur la régularisation à l’état-civil des enfants nés d’une GPA à l’étranger une « grossière manœuvre de diversion pour faire s’exciter l’opinion sur un sujet dont on sait très bien qu’il n’est pas (encore) à l’ordre du jour législatif, mais qui a néanmoins l’avantage de préparer les esprits à l’inéluctable étape suivante ».La discussion parlementaire sur le projet de loi dit « de bioéthique » avait déjà fort mal commencé en commission, et on savait que les débats en hémicycle seraient de la même tonalité. En effet, les auditions préalables, aussi bien celles suscitées par le gouvernement avec ce qu’il a pompeusement appelé des « États généraux », que celles organisées à l’Assemblée nationale, ont relevé de la fumisterie car on n’a retenu aucune des critiques ou simples réserves argumentées — souvent majoritaires et même de gauche — contre les graves incohérences juridiques, psychologiques et morales de ce texte.
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Les quelques amendements adoptés n’ont en rien fait dévier de « la ligne du Parti », comme on dit dans les pays totalitaires. Comment d’ailleurs aurait-il pu en être autrement quand la plupart des députés de la commission spéciale ont déserté leurs sièges au moment d’entendre les opposants et que, ces jours-ci, la discussion en séance « plénière » se déroule devant des rangées désertées ? On a crié impudemment victoire pour le vote des premiers articles mais ils n’ont été adoptés que par 55 députés parmi les 75 présents… sur les 577 membres de l’Assemblée nationale. Même pas 10% ! Si bien que le fatalisme législatif et la capitulation politique semblent l’emporter chez de nombreux élus, déjà enclins au conformisme idéologique. Et on ose appeler cela un exercice de démocratie…
Une manœuvre de diversion ?
Pour avoir une idée exacte de ce « débat serein » qu’on ne cesse de nous seriner pour mieux endormir les citoyens, il suffit de savoir que ce projet de loi a été confié aux plus extrémistes en la matière : les rapporteurs de la commission sont tous de la même eau colorée que le député Jean-Louis Touraine qui en a fait depuis longtemps un combat personnel et déterminé, faisant primer ses vieilles convictions philosophiques sur toute considération de cohérence juridique. Et le choix, comme rapporteur du groupe parlementaire majoritaire, du député Guillaume Chiche — dont les positions ultra sont redoutées par le gouvernement lui-même — en dit long sur les ententes de coulisses et combinaisons de couloirs.
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L’annonce de la régularisation de l’état civil français des enfants nés d’une GPA à l’étranger est une grossière manœuvre de diversion pour faire s’exciter l’opinion sur un sujet dont on sait très bien qu’il n’est pas (encore) à l’ordre du jour législatif, mais qui a néanmoins l’avantage de préparer les esprits à l’inéluctable étape suivante. M. Touraine nous l’a d’ailleurs explicitement annoncé pour une prochaine législature, bien que Mme Belloubet jure ne pas vouloir aller plus loin.
Un arrêt qui fera jurisprudence
Mais ceux qui nous gouvernent peuvent compter sur le secours de la Cour de cassation : si un récent arrêt du 12 septembre 2019 a rappelé que les contrats de GPA sont frappés de nullité d’ordre public en France, un autre arrêt du 4 octobre suivant est tombé à point nommé pour relativiser fortement cette prohibition en autorisant la reconnaissance d’une filiation avec une « mère d’intention » dépourvue de tout lien biologique, moyennant un raisonnement spécieux qui, invoquant « l’intérêt supérieur de l’enfant », couvre ce détournement scandaleux de la loi. Les candidats à la GPA sauront désormais comment procéder… Certes, cet arrêt intervient dans un cas d’espèce très précis, mais nul doute qu’il fera jurisprudence et servira de levier à des initiatives politiques et, pour finir, législatives.
PMA-GPA : une même logique
Car, nonobstant ce que tous ces messieurs et dames osent soutenir contre toute évidence, PMA et GPA sont bel et bien liées par la logique autant que dans la pratique. Déjà en 2014, le très officiel Rapport Filiation, origines, parentalités du ministère des Affaires sociales et la Santé affirmait que « la GPA est sans discussion possible une des pratiques qui relèvent de l’AMP » (= Aide Médicale à la Procréation). Plus étrange, depuis une dizaine d’années, des délégués du ministère de la Justice participent, en toute discrétion et sans opposition connue, à un groupe de travail de la Conférence de La Haye consacré au thème « Filiation, maternité de substitution », dans une optique non pas d’interdiction, comme des naïfs pourraient le croire, mais plutôt de régulation à terme de cette technique.
Une distinction byzantine entre « la GPA à des fins commerciales », qui devrait être interdite, et « la GPA à des fins altruistes »
La prétendue GPA éthique
Ce qui est encore plus gravement confirmé par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève, où le rapporteur sur « la vente et l’exploitation d’enfants » a avancé une distinction byzantine entre « la GPA à des fins commerciales », qui devrait être interdite, et « la GPA à des fins altruistes », qui pourrait être légalisée puisque réalisée sans contrepartie financière. Faisant mine de se demander « quand les conventions de gestation pour autrui relèvent de la vente d’enfants » (comme si le doute était permis !), le rapport onusien de mars 2018 (Assemblée générale, 37e session) s’est ingénié à distinguer « les services de gestation », qu’on pourrait rémunérer, du « transfert d’enfant », qui ne devrait pas l’être… Le document va jusqu’à donner la marche à suivre dans ce tour de passe-passe « pour que cette idée ne soit pas qu’une fiction juridique » (quel aveu !). Et de conclure : « Il est tout à fait possible pour les États de réglementer strictement et d’autoriser la gestation pour autrui commerciale sans qu’il y ait vente d’enfants, conformément aux présentes conclusions et recommandations ». On atteint là le paroxysme de l’argumentation spécieuse d’une prétendue « GPA éthique » dont certains sociologues à la mode se sont fait les propagandistes en France, habilement secondés par le psittacisme politico-médiatique. Et voilà comment le droit de la famille se dissout dans le droit commercial !
Tel est bien le but vers lequel où on veut pernicieusement nous conduire. Tout cela n’est qu’une escroquerie intellectuelle. Une de plus au compteur d’une législation dévoyée dans une démocratie qui l’est tout autant.
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