Sujet délicat, le mensonge avec les enfants sépare les troupes : certains n’y voient pas d’inconvénients selon le mensonge. D’autres le répriment fortement. Risques, bienfaits, nécessité… où est la juste limite ?Selon une étude menée en 2013 auprès de parents Américains et Chinois et publiée dans l’International Journal of psychology, entre 84 et 98 % des parents mentent à leurs enfants. D’autres recherches ont par la suite confirmé que ce comportement s’étendrait mondialement. Le mensonge, considéré comme un péché, semble ainsi largement répandu lorsque l’on s’adresse à des enfants. Une réalité qui ne parait pas bien glorieuse et qui pousse à nous interroger sur le sens de cette démarche chez les parents. Quels sont les risques de mentir à ses enfants ? Le mensonge peut-il être partisan d’une « bonne cause » ? Est-il parfois nécessaire, voire indispensable ? Voici quelques pistes de réponses quant au comportement à adopter avec nos enfants, en favorisant la vérité tout en modérant nos mensonges selon les contextes et les raisons.
Privilégier la vérité
La Bible est formelle : « Débarrassez-vous donc du mensonge, et dites la vérité, chacun à son prochain, parce que nous sommes membres les uns des autres. » (Ep 4, 25) Ainsi, mentir est considéré comme un péché. Abla Maache, juriste au ministère de la santé, le rappelle également : « Le mensonge n’est jamais une bonne chose, il faut toujours privilégier la vérité. » La différence à faire selon elle, résiderait dans le fait que les enfants ne sont par définition pas des adultes et ne doivent pas être traités comme tels. Ils doivent bien entendu être respectés et entendus, mais elle précise par ailleurs qu’en tant que parent, il est de notre devoir de les protéger de certaines vérités trop dures. Ces propos sont confirmés par Sandy Severino, psychologue clinicienne, qui affirme qu’un enfant, en fonction de son âge, peut-être ou ne pas être en capacité d’entendre ni de comprendre toutes les vérités.
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Ainsi, l’aspect négatif du mensonge s’oppose à sa nécessité dans le devoir de protection des parents envers leurs enfants. Il y a donc différentes raisons de vouloir cacher ou enjoliver quelque chose, mais les deux professionnelles insistent sur un point capital : il ne faut pas que cela devienne systématique. Dès lors que le parent abuse et ment automatiquement à son enfant, cela devient absurde. Il ne faut pas oublier, comme l’ajoute Abla Maache, que « l’enfant peut comprendre et absorber de nombreuses choses ». Il suffit parfois simplement de lui expliquer avec des mots simples, des images, des concepts qui sont à sa portée.
Relativiser le mensonge
Il est admis qu’il faille prendre du recul et analyser ce que l’on veut dire, cacher, dissimuler à ses enfants. L’enjeu se trouve donc dans l’intention derrière le mensonge. Voici cinq formes émergentes et récurrentes de raisons qui poussent les parents à mentir à leurs enfants.
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Le mensonge menace
Il s’agit du mensonge que l’on utilise afin d’inciter un bon comportement chez notre enfant. Dans les faits, les recherches ont démontré qu’il est le type de mensonge le plus utilisé par les parents : « Si tu continues, je te laisse ici et je repars sans toi ! ». Dana Castro, psychologue clinicienne, auteur de Petits silences, petits mensonges explique : « Plus qu’un mensonge, il s’agit d’une menace, d’un chantage qui joue sur la peur. Or la peur n’est pas un bon outil éducatif. L’enfant va obéir parce qu’il a peur, non parce qu’il comprend l’enjeu. » Elle relativise cependant en admettant que la tâche d’éduquer son enfant du matin au soir peut parfois devenir difficile : le mensonge constitue donc un moyen d’être aidé, une alternative qui doit cela dit rester exceptionnelle et ne pas devenir un mode de fonctionnement régulier.
Le mensonge exagération
Celui-ci est employé généralement afin d’obtenir de l’enfant qu’il obéisse à certaines lois et règles de bonne conduite. Le parent déforme la vérité pour inculquer des principes à respecter : « Si tu ne mets pas ta ceinture, tu iras en prison ! » ou « si tu ne manges pas ta soupe, tu ne grandiras pas. » Un grand nombre d’entre nous avons grandi avec ces croyances, répétées par nos aînés puis par nous-mêmes. Dans l’absolu, l’intention n’est donc pas mauvaise, elle contribue à l’éducation de nos enfants.
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Le mensonge qui embellit
Dans ce cas-là, il s’agit d’une forme de protection de l’enfant. En effet, ce dernier ne comprend pas les mêmes choses qu’un adulte. Lorsqu’il fait un dessin par exemple, le fait que l’adulte s’extasie devant le dessin, même s’il n’a en vrai rien d’exceptionnel, aidera l’enfant à renforcer sa confiance en soi. Attention cependant à ne pas en abuser non plus, au risque d’habituer l’enfant à sur estimer ses capacités.
Le mensonge stimulant
Les parents utilisent ce mensonge dans le but d’aider l’enfant à grandir. Nous savons que l’enfant grandit notamment par le développement de son imaginaire et sa créativité, c’est ici qu’intervient le mensonge stimulant. Il comprend les croyances diverses de l’enfance, la petite souris, le Père Noël… tout ce qui va aider l’enfant à développer son imagination. Lorsqu’il aura acquis de la maturité et n’aura plus besoin d’y croire, il réalisera que tout n’était pas vrai de lui-même. Certains enfants, malgré ce qu’ils entendent parfois de leurs amis, décident de continuer à y croire, justement car ces croyances les réconfortent pour le moment dans un univers qui leur appartient.
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Le mensonge bienveillant
Quant au dernier, il est souvent utilisé par les parents dans une volonté de protection de l’enfant. Comme Sandy Severino l’explique : « ils protègent d’une réalité susceptible d’avoir des effets négatifs sur l’enfant ». Qu’il s’agisse d’un décès ou d’une autre mauvaise nouvelle, si elle peut avoir un impact sur le bien-être de l’enfant, ou si le parent sait que l’enfant ne sera pas en mesure de comprendre du fait de son jeune âge… il semble parfois judicieux de garder la vérité pour plus tard, à un moment où l’enfant sera plus apte à comprendre.
Quoiqu’il en soit et pour tous les types de mensonges, l’idée principale est d’identifier l’intention qui réside derrière le mensonge et de ne pas en faire une solution systématique à la résolution d’un problème.