La confiance en soi grandit dans le regard des autres. Plus ce regard est positif, plus forte sera l’envie d’avancer. Gestes, paroles et regards bienveillants permettent à l’enfant d’avancer dans la vie et être bien dans sa peau. Un enfant qui s’estime porte sur la vie un regard confiant. Mieux armé pour encaisser échecs et brimades, il relativise ses peurs et avance avec optimisme. Hommes politiques ou grands sportifs, aventuriers ou entrepreneurs, tous ont en commun cette inébranlable estime de soi qui donne des ailes et pousse au dépassement. « L’image positive de soi constitue un véritable système immunitaire psychique : elle aide à trouver la force de dire non, à se protéger des autres, à décider de sa vie », indique dans son livre Être sûr de soi, le psychothérapeute italien Willy Pasini. Et d’ajouter : « Le noyau dur de la confiance en soi est très largement déterminé dans l’enfance par l’éducation de la famille ».
L’estime de soi grandit dans l’amour, carburant de la confiance. Le docteur Ross Campbell proposait cette image : « L’enfant a un réservoir émotionnel. Ce n’est que lorsqu’il est plein que l’enfant est pleinement heureux et donne le meilleur de lui-même ». Réservoir plein ne craint pas la panne sèche. Comment faire pour que la jauge ne passe jamais au rouge ?
L’amour, moteur de l’effort
Entre rigidité et tendresse béate, la tête farcie de conseils éclairés et divergents, les parents ont souvent du mal à trouver le ton juste. « Quand je ramenais des bonnes notes, mon père me disait toujours que je pouvais faire mieux », se souvient Luc. « Jamais il n’aurait dit que j’étais intelligent ou beau ! C’étaient des choses qu’on ne disait pas à son fils à l’époque. » Autrefois, un enfant trop gâté risquait la grosse tête et frisait l’arrogance. « On craignait qu’il se repose sur ses lauriers, une fois les compliments lâchés ! », poursuit Luc qui analyse : « Il fallait toujours pousser son enfant à faire des efforts et à se dépasser… Ce que l’on n’avait pas compris, c’est que souligner les qualités de quelqu’un est un moteur pour le faire aller de l’avant ». L’amour n’évacue pas le sens de l’effort. Mais un enfant qui se sent aimé inconditionnellement, pour ce qu’il est et pas seulement pour ses performances, prend une saine conscience de sa valeur.
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Empêtrés entre pudeur et maladresse, les adultes sont souvent gauches dans leurs effusions de tendresse : « Je n’ai pas besoin de lui dire que je l’aime, il le sait bien ! » Erreur, l’affection se dit et se donne au quotidien. Christine et Yann adaptent l’offre à la demande : « Nous veillons à accorder quotidiennement du temps à chaque enfant, pour qu’il sente qu’il a du prix à nos yeux ». La jeune femme précise : « Pour le petit dernier, ce sera une histoire racontée avant le coucher, pour l’aînée, un moment passé seul à seul. Affaire de goût, de pudeur… et d’âge ! ».
« Un enfant a besoin de se sentir joyeux pour se sentir libre d’exister et de grandir », assure la psychothérapeute Isabelle Filliozat. Chez Marie-Christine et Benoît, rien de tel qu’un Monopoly partagé au coin du feu pour réunir la fratrie : « Malgré les disputes, les tricheries ou les prises de bec, le jeu de société est pour nous tous un moment de bonheur où nous savourons la joie d’être ensemble ! ».
Une place pour chacun
En respectant les différences de caractère et en surveillant d’éventuelles jalousies avant qu’elles ne dégénèrent, les parents donneront sa place à chacun : encourager le timide avant son audition de piano, mettre en valeur la bonne note de l’élève cancre, motiver le petit dernier qui appréhende de quitter la maison pour partir en camp, rabattre le caquet du grand frère qui écrase les autres… Cette vigilance indispensable requiert amour et fermeté.
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Bertrand, 40 ans, se souvient avec amertume de la rivalité avec son frère aîné qui a gâché son enfance : « Je ne pouvais pas dire un mot sans qu’il me tombe dessus. Mes parents étaient fiers de son assurance et j’ai grandi avec la conviction que j’étais nul. Pas évident de s’affirmer quand on est si longtemps resté dans l’ombre ! ». Nathalie et Thomas, eux, ont su réagir pour donner sa place à leur petit dernier. « Avec quatre filles au-dessus de sa tête, difficile pour Guillaume de se faire entendre », reconnaît Nathalie. « Combien de fois avons-nous dû faire taire ses grandes sœurs pour qu’il puisse enfin donner son avis ! », précise-t-elle. Lorsque les tensions s’enveniment, parrains, marraines ou grands-parents peuvent aussi apporter une aide précieuse : un cadre différent, une oreille extérieure et bienveillante peuvent stopper l’engrenage et apaiser le conflit.
Fini les phrases qui « tuent » et la surprotection
Un moment d’énervement et la phrase fuse : « Prends exemple sur ta sœur, elle, au moins, a de bonnes notes ! » ou « Tu es nul ! ». Les propos assassins ne sont pas anodins. Ces mots blessent et abîment l’estime du jeune. « Les paroles moqueuses ont sur l’enfant l’effet d’un conditionnement négatif qui lui renvoie une mauvaise image de lui-même. Répétés, ces sarcasmes finissent par faire des dégâts : l’enfant perd confiance en lui et n’a plus du tout conscience de sa propre valeur », prévient la psychologue Béatrice Copper-Royer.
« Autant l’autoritarisme peut être dévastateur, autant l’autorité aide l’enfant à grandir »
Autre point important : pour donner à un enfant confiance en soi, il faut lui faire confiance. Gérer son argent de poche, prendre seul le métro ou préparer le déjeuner pour toute la famille, la liberté surveillée se dose au cas par cas. « Il y a une juste mesure entre mettre notre enfant sous cloche et lui enlever toutes les barrières ! note Isabelle. Il doit sentir la présence ferme et bienveillante de l’adulte en faisant ses expériences au risque de se casser parfois la figure. Ça fait partie du jeu ! »
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Mais attention, rendre libre ne veut pas dire laisser tout faire. « Nos enfants ne sont pas des adultes », pointe Béatrice Copper-Royer. Phobie de l’autoritarisme ou souci de bien faire, certains parents tombent dans le panneau de l’« interdit d’interdire ». Sans repères ni limites, l’électron libre va dans le mur. Françoise enseigne en maternelle depuis trente ans et fait ce constat amer : « J’accueille dans ma classe de plus en plus d’enfants apparemment sûrs d’eux, mais c’est une confiance de façade ». Sidérée par l’assurance insolente d’enfants désagréables en groupe, elle analyse : « Ces petits qui ont le droit de tout faire à la maison sont inquiets et mal dans leur peau. Les barrières rassurent et donnent confiance ». Attention toutefois à la confusion des genres : « Autant l’autoritarisme peut être dévastateur, autant l’autorité aide l’enfant à grandir », poursuit Béatrice Copper-Royer. Règles simples du quotidien ou mises au point musclées, il en revient aux parents d’exprimer une volonté tranquille et de poser des limites claires. Tout est question d’équilibre et de complémentarité : père et mère font la paire.
Plus l’estime de soi est élevée, meilleures sont les notes
Mauvaises notes, compétitions et moqueries mettent la confiance en soi à rude épreuve. « L’enfant arrive avec son vécu familial. Il s’intégrera d’autant plus facilement aux autres qu’il est sécurisé et cadré à la maison », constate Françoise. Mère de quatre enfants et directrice de crèche, Sophie insiste : « L’enfant est une éponge. Il sent sa mère inquiète ? Il s’angoisse. Ses parents sont bien ? Il l’est aussi et se coule dans le groupe comme un poisson dans l’eau ! »
Les enseignants le constatent : chez un enfant, plus l’estime de soi est élevée, meilleures sont les notes. Il est important qu’à la maison, les parents soutiennent le moral des troupes et restent en lien avec l’école. Réunions de classe ou rendez-vous avec l’enseignant, l’enfant a besoin de sentir ses parents concernés. La scolarité d’un jeune renvoie ses parents à leur propre expérience : combien d’anciens élèves cancres parmi les parents tyranniques ? Gare à la pression inutile qui alimente le stress. Attention également à l’obsession de performance qui coupe les ailes et sape la confiance. Il faut absolument distinguer l’enfant de l’élève.
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Des loisirs peuvent aussi être moteurs d’épanouissement. Béatrice raconte la métamorphose de son frère : « Étienne était un élève moyen, il n’avait pas confiance en lui. Mais il était passionné de tennis et c’est le sport qui lui a donné de l’assurance ». Tennis, poterie ou théâtre, les loisirs adaptés à chacun sont école de liberté… si l’adulte prend garde d’évacuer tout esprit de compétition abusif. Mathilde, dont les résultats scolaires sont moyens, a un bon coup de crayon. L’atelier de peinture lui dope l’ego chaque mercredi : l’admiration des copains et les encouragements du maître valent tous les discours !
Le pardon, un gage d’humilité et de confiance
L’adulte n’a rien à gagner à jouer les héros : des « À ton âge, je n’avais que des 20 ! » ou « Je gagnais tous mes matchs ! » ne tromperont que lui. Les parents ne sont pas des modèles intouchables, mais des exemples dont l’enfant s’imprègne. L’enfant n’obéit pas, il imite.
Demande de pardon (« Excuse-moi, je me suis fâché bêtement ») ou aveu de faiblesse (« Tu vois, il m’arrive aussi de me tromper »), autant de preuves d’amour et d’humilité que le jeune reçoit en plein cœur, comme un gage de confiance. Le pardon donné et reçu dans la famille évite bien des rancœurs et des culpabilités mal gérées à l’âge adulte.
Pascale Albier