Campagne de Carême 2025
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Surnommée la reine des fleurs, la rose n’a cessé d’occuper à travers les siècles une place de choix dans l’imaginaire des artisans et des artistes de sorte qu’elle est la fleur la plus représentée au monde. Apparue sur terre il y a plus de 100.000 ans, la rose s’entoure d’une aura symbolique et spirituelle dès l’Antiquité. Mais c’est au XIXe et au XXe qu’elle connaît son apogée. L’abbaye de Saint-Riquier, dans la Somme, accueille jusqu’au 30 mars l’exposition "Rosemania" qui rassemble plus de 300 œuvres mettant à l'honneur l'engouement pour cette fleur unique. Et c’est peut-être l’art sacré qui lui a laissé la plus belle place. Brodée, peinte, ciselée, sculptée… la rose y apparaît ici tout en éclat, en finesse et en douceur.
Et pour cause : dans la religion catholique, la rose est la fleur consacrée à la Vierge Marie, ce qui n’a fait qu’accroitre sa notoriété. La rose est d’ailleurs associée à la Vierge dans les noms lui sont donnés. Ne dit-on pas de Marie qu’elle est une "rose sans épine" ? Dans les litanies de la Sainte Vierge, appelées Litanies de Lorette, la Vierge Marie n'est-elle pas qualifiée de "rose mystique" ? L’usage du nom de rose mystique est néanmoins plus ancien puisque Bernard de Clairvaux (1090-1153), docteur de l’Église, la qualifiait déjà de "Fleur des fleurs, Rose mystique, Rose de Saron, Rose sans épines, Rose de Jéricho, Jardin clos".

Les roses apparaissent également dans l’épisode de l’Assomption. Aucun texte canonique ne fait référence à l’Assomption de la Vierge, pourtant très ancienne dans la tradition chrétienne où elle est fêtée depuis le VIIIe siècle. Les textes apocryphes et la Légende dorée de Jacques de Voragine (1261-1266) ont servi de référence aux artistes. Ces écrits relatent qu’après sa mort (ou Dormition), alors qu’elle avait été ensevelie dans son tombeau, Marie est admise au ciel accompagnée d’une nuée d’anges. Son tombeau, vidé de sa dépouille mortelle, demeure empli de roses et de lys. Ainsi, dans le tableau de l’Assomption, retrouve-t-on autour du tombeau des fleurs parmi lesquelles figurent des roses.
L’une des plus grandes dévotions mariales, le rosaire, est lui aussi directement lié à la reine des fleurs. À l’origine le mot latin rosarium signifiait "champ de roses" ou "roseraie", comme l’atteste le Dictionnaire de l’Académie Française. Mais à partir du XVe siècle, en latin médiéval, il faisait également référence aux "guirlandes de roses dont on couronnait la Vierge" notamment les jours de fête. Une belle tradition qui s’est perpétuée au fil des siècles depuis le Moyen Âge et qui existe encore aujourd’hui dans certains pays. Dans les pays anglophones, par exemple, on célèbre le May Crowning : au cours du mois de mai, après une procession solennelle, une statue de la Vierge Marie est couronnée d’une belle guirlande de fleurs. Le développement formel du rosaire tel que nous le connaissons aujourd'hui est attribué à saint Dominique, fondateur de l'Ordre dominicain au XIIIe siècle. Il disait d’ailleurs : "Prier le chapelet, c’est offrir une rose à la Vierge." C’est donc ainsi que la rose s’est invitée au côté de la Vierge Marie.
Un symbole de croissance spirituelle
Mais elle n’est pas la seule à y avoir droit. Fleur au parfum agréable et appréciée pour ses pétales délicats, la rose est aussi une métaphore puissante de la relation entre Dieu et l'humanité. La rose apparaît ainsi sur la paramentique : voile de calice, chape, manuterge… Elle représente la croissance spirituelle car tout comme un bouton de rose s'ouvre progressivement pour révéler toute sa beauté, la compréhension de l'amour et de la vérité de Dieu se déploie au fil du temps grâce à la foi. Le symbolisme de la rose s'étend également à l'utilisation liturgique de l'encens dont l’odeur parfumée à la rose s'élève pendant le culte, représentant les prières des fidèles qui montent au ciel.
Dans la vie des saints, les roses jouent souvent un rôle majeur dans les événements miraculeux. Elles apparaissent souvent comme des attributs ou des symboles associés à des figures saintes particulières. Par exemple, sainte Dorothée est souvent représentée avec un panier de roses et de pommes rappelant qu’avant d’être exécutée, elle avait envoyé à son avocat païen qui se moquait d’elle sa coiffe emplie de l’odeur céleste de roses et de fruits. Sainte Élisabeth de Hongrie est parfois représentée avec des roses tombant de ses genoux ou de son manteau, en référence au miracle des roses. Mais l’exemple le plus célèbre est certainement celui de sainte Thérèse de Lisieux (1873-1897) qui avait promis de faire tomber une pluie de roses après sa mort en signe de l'amour de Dieu et de son intercession. Difficile dès lors de ne pas voir ces saintes représentées avec une ou plusieurs roses à côté d’elles !

La Rose d’or enfin fait peut-être partie des plus belles représentations de la rose dans l’art sacré. Symbole de la Vierge et de la Jérusalem céleste, la Rose d’or est une distinction que les papes attribuaient à des personnalités ou à des sanctuaires, des églises ou des villes, en signe de reconnaissance pour les services rendus à l’Église ou à la société. Depuis le XIe siècle, les papes font appel à des maîtres orfèvres pour forger des roses d'or pur, devenues par la suite des bouquets de roses ou même des rosiers. Consacrée par le Pape le dimanche de Laetare – soit le quatrième dimanche de carême –, la rose d’or fait l’objet d’une procession de la basilique Saint-Croix-de-Jérusalem au palais du Latran. Si la rose était d'abord attribuée à un souverain ou seigneur puis plutôt à une reine, depuis la seconde moitié du XXe siècle, les papes l'ont offerte aux églises ou aux sanctuaires. Puis, à partir du XXIe siècle, ce sont essentiellement des sanctuaires mariaux qui ont reçu cette distinction. Si l’ornementation évolue, la symbolique demeure. La fleur d'or et sa splendeur éclatante symbolise le Christ, Sa Majesté Royale et sa Résurrection. Mais toutes aussi importantes sont ses épines qui symbolisent plus particulièrement sa Passion.
[EN IMAGES] Rosemania, la rose dans tous ses états
Pratique
Abbaye de Saint-Riquier,
Centre culturel départemental, Place de l'église, 80 135 Saint-Riquier
Du 19 octobre 2024 au 30 mars 2025.