Plus d’un million de déplacés, des centaines de frappes en quelques jours, et un pays de nouveau à l’arrêt. Pris dans la spirale de la guerre qui oppose l'État d’Israël au Hamas et au Hezbollah soutenu par l’Iran, le pays du cèdre se retrouve de nouveau plongé dans l’enfer. Au point de faire craindre l’avènement d’un "nouveau Gaza", selon les mots employés aussi bien par Emmanuel Macron que Ziad Makary, ministre libanais de l’Information. Si le conflit semblait larvé au sud de la frontière, l’armée israélienne a finalement intensifié sa force de frappe, bombardant des sites où se cachaient des responsables du Hezbollah à Beyrouth même et dans l’est du pays. Depuis le 23 septembre, date du début des frappes à Beyrouth, plus de 1.110 personnes ont été tuées, selon un bilan établi par l’Agence France-Presse à partir de données officielles libanaises. Mardi 7 octobre, Israël a également annoncé avoir élargi son offensive terrestre au sud du Liban, après y avoir déployé sa quatrième division et appelé les habitants à éviter la zone côtière. Si les chefs du Hamas et du Hezbollah ont été tués dans les bombardements, les deux mouvements terroristes continuent de tirer des roquettes sur l'État hébreu. Les espoirs d’une trêve, ou simplement d’une accalmie, semblent réduits à peau de chagrin et l’escalade des affrontements laisse d’ores et déjà présager un désastre humanitaire.
Or, trop peu de soutien est témoigné à la population civile libanaise, déjà éprouvée par des années de crise multidimensionnelle. "Nous voulons interpeller le monde sur ce qui se passe au Liban. Il s’agit d’une catastrophe sans précédent, et nous avons pourtant le sentiment que l’opinion publique internationale n’est absolument pas mobilisée. Les civils et les tués sont désincarnés", a alerté ce mercredi 8 octobre l’Œuvre d’Orient par la voix de Vincent Gelot, chargé de mission en Syrie et au Liban qui déplore que "le soutien humanitaire diminue alors que la situation est pire que tout".
Besoins humanitaires urgents
Les besoins sont immenses, poursuit Vincent Gelot. Les déplacés du Sud ont trouvé refuge dans les grandes villes où sont réquisitionnés, parfois de force, avec la pression exercée par des miliciens du Hezbollah ou du mouvement chiite Amal, écoles publiques et privées, couvents et monastères, et tout autre bâtiment susceptible d’accueillir les réfugiés. Cette situation paralyse tout le système éducatif libanais, déjà mis à l’épreuve lors du Covid-19. Partis souvent avec très peu d’effets personnels, les déplacés manquent de tout, de l’alimentaire à l’hygiène en passant par les soins. "Les besoins les plus primaires ne sont pas satisfaits, à commencer par le sommeil. L’Œuvre d’Orient a déjà fourni environ 1.000 matelas et couvertures pour permettre à quelques déplacés de dormir convenablement", explique Vincent Gelot qui alerte sur l’arrivée rapide du froid, notamment en montagne. Beyrouth se retrouve quant à elle transformée par l’afflux permanent de déplacés, avec des familles dormant dans les rues ou dans des campements précaires.
Craintes de tensions communautaires
Au-delà de la gravité de la situation humanitaire, le risque de voir les tensions s’exacerber entre les différentes communautés inquiète. Si le Liban est caractérisé par son multi confessionnalisme institutionnalisé, les religions occupent toutes des espaces bien distincts : sunnites dans les grandes villes du littoral (Tripoli, Saïda), chiites au sud-Liban, dans la Bekaa et en banlieue de Beyrouth, chrétiens (en majorité catholiques maronites) au nord-Liban ou à Beyrouth. La venue massive de déplacés du sud-Liban, en grande partie chiites, réactive un sentiment d’angoisse. "Le risque de tensions entre les Libanais existe bien. Dans n'importe quel contexte de crise, il y a forcément un risque de discorde entre ceux qui arrivent et ceux qui accueillent", constate Vincent Gelot. Si la population est prompte à l’entraide, quelles que soient les confessions, cet élan de solidarité se teinte aujourd’hui de méfiance à l’égard des déplacés chiites, religion du Hezbollah.