C’est une image que le monde n’a pas oublié. Le lundi 15 avril 2019, peu avant 19h, les premières images de Notre-Dame de Paris en feu circulent. Le monde entier, sous le choc, croit assister à la disparition du sanctuaire le plus célèbre de France. Heureusement, l’héroïsme des pompiers, soutenus par la prière fervente des croyants, parvient à venir à bout des flammes. Au petit matin, Notre-Dame est lourdement blessée mais sauvée.
Deux années ont passé depuis ce dramatique incendie, marquées par des moments forts mêlant joie et incertitude, mais l’espérance est désormais revenue dans le cœur des Français. En témoigne la fière allure de Notre-Dame de Paris qui, jour après jour, panse ses plaies avec une rapidité incroyable malgré la double contrainte liée au plomb et à la crise sanitaire. Ce résultat, on le doit à l’investissement de toutes les équipes sur le terrain qui, dès le lendemain de l’incendie, ont retroussé leurs manches pour consolider Notre-Dame de Paris. On le doit aussi à tous les généreux donateurs de France et du monde entier qui ont participé, chacun à la hauteur de ses moyens, à la reconstruction de la cathédrale. Deux ans après l’incendie, cette générosité ne s’est pas estompée, comme en témoigne Christophe Rousselot, délégué général de la Fondation Notre-Dame : "Depuis janvier 2021, nous avons reçu 750 dons. Certains sont des donateurs récurrents". Fait notable, ils sont nombreux, presque plus de la moitié, à donner pour le fonds spécifique, le "Fond cathédrale de Paris", destiné exclusivement au réaménagement intérieur de la cathédrale, qui reste avant tout un sanctuaire. Signe, sans doute, de l’importance de la restauration de la liturgie pour de nombreux donateurs. En tout, ce sont 340.000 donateurs issus de 150 pays qui ont donné pour la restauration de Notre-Dame de Paris jusqu’à aujourd’hui, permettant ainsi de recueillir 883 millions d’euros de dons. Vendredi 7 mai, une vente aux enchères en faveur de la cathédrale, organisée à Drouot par la Fondation, sera l’occasion de poursuivre ce grand élan de générosité.
Deux années de travail acharné qui permettent aujourd’hui d’affirmer avec certitude que la cathédrale est sauvée. Le démontage du grand échafaudage calciné de 40.000 tubes de métal en novembre 2020, du grand orgue en décembre 2020, la pose de cintres en bois à l’intérieur de la cathédrale en janvier dernier et le nettoyage complet de l’ensemble de la voûte ont signé l’achèvement de cette longue période de sécurisation. La pose d’un grand parapluie au niveau de la croisée du transept, avant l’été 2021, doit définitivement clore ce chapitre. Aujourd’hui, l'Établissement public chargé de la restauration de Notre-Dame de Paris, présidé par le général Georgelin, se penche sur les grandes étapes de restauration qui vont être menées. Car l’ouverture de la cathédrale, promise en 2024 par Emmanuel Macron, est toujours d’actualité. Interrogé par Aleteia, le général est confiant : "Quelques soient les difficultés rencontrées, nous affrontons les épreuves ensemble, avec les architectes et les compagnons, portés par la fierté collective de restaurer ce monument et rendre la cathédrale au culte en 2024."
Si le chantier de restauration n’a pas formellement commencé, deux opérations préalables majeures ont été menées. L’abattage de chênes sélectionnés parmi toutes les régions de France ces dernières semaines, va permettre la reconstruction à l’identique de la flèche de Viollet-le-Duc. Des propriétaires de forêts privées ont d’ailleurs témoigné auprès d’Aleteia de leur fierté de contribuer à la restauration du sanctuaire par le don de leurs arbres, qu’ils ont même fait bénir pour l’occasion. Quant aux résultats du chantier-test effectué sur deux chapelles de la cathédrale, qu’Aleteia a pu découvrir en exclusivité, ils donnent à voir comment le chantier de restauration sera conduit. Les premiers résultats, très satisfaisants, ont permis d’élaborer un protocole de nettoyage et de restauration qui sera appliqué à l’ensemble des 24 chapelles que compte la cathédrale. Suffisamment pour imaginer à quoi rassemblera l’intérieur du sanctuaire en 2024.
Deux ans après la tragédie, ce n’est plus le sauvetage de Notre-Dame qui s’effectue sous nos yeux, mais sa renaissance. Avec, comme un symbole, la validation, il y a quelques jours, du dessin de la future charpente "proche du dessin de la charpente disparue". Si l’on déplore toujours la disparition de la "forêt", irremplaçable témoin des charpentes médiévales, la restitution de la charpente en bois permettra aux générations futures de pouvoir admirer les qualités formelles et la profondeur historique d’un tel ouvrage. Pour assurer sa sécurité, "la charpente sera dotée de dispositifs modernes de sécurité incendie avec notamment un cloisonnement coupe-feu du grand comble" a précisé à Aleteia le général Georgelin.
En parallèle de ces premières études, des appels d’offres ont déjà été lancés afin d'accélérer la phase de restauration qui va débuter au cours de l’hiver prochain. L’appel d’offres pour la première campagne de nettoyage du plomb dans la cathédrale est en cours. Celui pour la restauration du grand orgue a aussi été engagé a confirmé Olivier Latry, l’un des quatre organistes de la cathédrale qui sort, ce 15 avril un ouvrage en hommage à l’orgue de Notre-Dame. "Le facteur d’orgue devrait être choisi avant l’été et les travaux commenceront tout de suite", a-t-il précisé à Aleteia. Démonté en fin de l’année dernière, les 8.000 tuyaux qui le composent ont été entreposés en caisse dans un endroit tenu secret.
Il faudra attendre encore quelques semaines pour connaître le calendrier précis des travaux. Aux dernières nouvelles, l’Établissement public en charge de la restauration analyse actuellement les diagnostics réalisés par l’architecte Philippe Villeneuve et l’ensemble de son équipe. Une fois réalisé, cet examen permettra de finaliser le programme d’ordonnancement des travaux et de fixer le budget à venir.
Au sauvetage des pierres centenaires de la cathédrale, s’ajoute celui des pierres vivantes. En étroite collaboration avec les acteurs du Patrimoine, le diocèse de Paris réfléchit activement à la réouverture de Notre-Dame de Paris pour permettre le retour du culte dès 2024. Car maintenir la dimension spirituelle de Notre-Dame est l’une des priorités de l’archevêque de Paris, Mgr Aupetit, qui l’a maintes fois prouvé en organisant, depuis deux ans, des temps spirituels forts afin de rappeler au monde que la cathédrale est et demeure, avant tout, un lieu de culte catholique. On se rappelle, avec émotion, de la toute première messe célébrée deux mois après l’incendie dans l’une des chapelles du chœur, ou encore la vénération de la couronne d’épines, l’année dernière, jour du Vendredi saint. Cette année, l’archevêque a tenu à célébrer le Jeudi saint. Mgr Aumonier, représentant du diocèse pour le chantier de la cathédrale, confiait il y a quelques jours à Aleteia l’importance de continuer à faire monter la prière dans l’édifice : "Le cœur de la reconstruction c’est la célébration liturgique. La cathédrale n’est pas un musée, c’est un lieu de prière qui a été construit pour cela."
Le père Gilles Drouin, qui supervise les discussions de "L’Atelier Notre-Dame", lancé par Mgr Aupetit en 2019, témoigne des grandes avancées du projet d’aménagement de l’intérieur de la cathédrale qui s’articule autour de deux grands enjeux : redonner à l’église un nouveau mobilier pour y célébrer la liturgie mais aussi proposer un nouveau parcours de visite qui soit éloquent en faveur des touristes et des non chrétiens. "À l’époque de la restauration de Viollet-le-Duc, la cathédrale n’accueillait pas autant de monde. Aujourd’hui, il faut repenser le parcours de visite pour amener les touristes au seuil du Mystère", a-t-il confié. Ce nouveau parcours, qui s’organisera principalement le long des chapelles de la nef et du transept, s'articulera comme un long chemin qui mène de la Genèse à la Résurrection. De l’ombre à la lumière. "Ces chapelles, abîmées et sombres, étaient un peu des angles morts de la cathédrale. Nous allons les rendre vivantes !", précise-t-il avec enthousiasme.
Présente aux premières minutes du drame, alors qu’elle assistait à la messe du Lundi saint le 15 avril 2019, Hélène Bodenez reste encore très marquée par ce qu’elle a vécu. Deux ans après l’incendie, elle y voit pourtant l’occasion d’une remise en question. "Je vois ça comme une révélation, de l’importance de remettre la foi au cœur de nos priorités". Malgré le souvenir encore vif, la vision de la cathédrale qui renaît chaque jour un peu plus de ses cendres, la remplit de joie. Elle espère d’ailleurs, comme de nombreux autres fidèles, pouvoir y pénétrer à nouveau pour y "rendre grâce". "La couronne sauvée, le coq retrouvé, cette restauration qui avance bien et vite sont autant de signes forts dont il faut se réjouir", ajoute-t-elle avant de prévenir : "Cette cathédrale, dans sa restauration, doit être accompagnée de notre restauration de chair, nous qui formons l’Église."