Le 12 octobre 1976, quelques semaines après avoir quitté Matignon — l'un des faits marquants de sa longue carrière politique — Jacques Chirac a éprouvé le besoin de chercher l’apaisement derrière les murs de l'abbaye de Solesmes. Une date dont le père Louis Soltner se souvient bien. Celui qui est aujourd’hui l’archiviste à l’abbaye était à l'époque responsable de l'hôtellerie. "Même si c’est très lointain, je me souviens bien de la venue de Jacques Chirac à l’abbaye", a-t-il expliqué au journal local Le Maine libre.
Dans les archives de 1976 et à la date du 12 octobre, il a retrouvé la feuille de l’agenda sur laquelle on peut lire le nom de Chirac, écrit en haut d’une liste d’une douzaine de noms. Selon le père Soltner et contrairement à ce que l’on a souvent rapporté, le futur président n’était pas venu à l’abbaye pour une retraite silencieuse. Il avait assisté aux offices d'une des plus grandes fêtes religieuses célébrée à l'abbaye : la fête de la Dédicace. Une fête réputée notamment pour ses chants grégoriens. C’est ce que confirme Bertrand Coudreau dans son livre-enquête sur les hôtes illustres de l'abbaye.
Si Jacques Chirac n'a pas fait de retraite en silence à l'abbaye de Solesmes, il a bien assisté à tous les offices de la cérémonie religieuse, accompagné de son épouse Bernadette. Selon les moines qui étaient présents ce jour-là, l’hôte de marque s’était assis au premier rang de l'église abbatiale. Il semblait très touché par la beauté des chants grégoriens. N’est-ce pas étonnant, de la part de celui qui s’était vanté publiquement d’avoir fondé, avec Lucie Faure, femme de lettres et épouse d’Edgar Faure, l’association « de ceux qui détestent la musique et osent le dire » ?
En quittant Solesmes, Jacques Chirac a pourtant laissé un message enthousiaste dans le livre d'or de la communauté : « la liturgie ancestrale de l’Église latine est conservée ici comme un Trésor, à la disposition de tous les hommes en quête d’Absolu. Elle élève le cœur et l’ouvre aux grands mystères. C’est une grâce de pouvoir y puiser le réconfort et la joie. » Un message qui s’achève par « le souvenir ému du geste de piété et de fidélité fait à la mémoire du Président Pompidou ». Avec émotion, Jacques Chirac faisait en effet référence à l’enterrement du président défunt au cours de son mandat, quelques années plus tôt. Le 5 avril 1974, les moines de Solesmes avaient chanté des chants grégoriens lors des funérailles de Georges Pompidou, à Notre-Dame de Paris.