Un an après, son souvenir est toujours aussi fort, ancré dans les mémoires. En se substituant à une otage dans une attaque terroriste, le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame a agi en héros. « Je crois sincèrement que mon fils n’écoute que sa morale à ce moment-là dans ce supermarché », confie sa mère Nicolle Beltrame dans un livre intitulé « C’était mon fils ». Une morale forgée depuis l’enfance et fortifiée par son itinéraire spirituel. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses frères ». C’est avec ces mots que le diocèse aux Armées saluait il y a un an, dans la nuit du 23 au 24 mars 2018, le sacrifice ultime du lieutenant-colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame, décédé de ses blessures après s’être substitué à une otage vendredi dans l’attaque terroriste du Super U de Trèbes (Aude).
Un an après sa mort, quelque 200 villes ont choisi d’honorer la mémoire de ce héros en lui dédiant une rue, une place, un square... Une promotion sortante des Élèves officiers de la Gendarmerie nationale (EOGN) l’a également choisi comme parrain de promotion. Côté littérature, six livres ont été écrits, se questionnant longuement sur ce qui a pu l’amener, ce 23 mars 2018, a poser cet acte fatal dans le Super U de Trèbes. Dans un livre intitulé C’était mon fils, Nicolle Beltrame a choisi à son tour de prendre la plume avec le journaliste Arnaud Tousch pour raconter qui était son « Petit Prince ». À la lecture des pages, Aleteia a choisi de revenir sur son itinéraire spirituel.
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« Mon fils était franc-maçon et catholique à la fois, c’est vrai. Cela peut surprendre mais Arnaud n’avait jamais caché sa foi et cela n’a jamais posé aucun problème à personne », conte Nicolle Beltrame. Comme l’écrit le père Bertrand Sartorius, aumônier national de la gendarmerie, « sa redécouverte de la foi chrétienne, qui datait d’une dizaine d’années environ, s’était faite progressivement et n’était certes pas exempte de contradictions ». « Si Arnaud évoquait sans problème sa foi, il était cependant loin d’être une grenouille de bénitier. Il savait simplement qu’il y avait quelque chose au-delà et que c’était ce qu’on appelle la foi », reprend Nicolle Beltrame.
C’est « sur le tard », à l’âge de 33 ans, que l’officier remet « l’accent sur sa foi ». « Il préparait son mariage et il a recommencé à lire des textes bibliques. Il n’est revenu au catholicisme traditionnel que très récemment. Marielle et lui tenaient à se marier religieusement ». Elle se souvient particulièrement du lendemain du mariage civil d’Arnaud Beltrame et de Marielle, le 27 août 2016. « Nous sommes allés visiter l’abbaye Sainte-Marie de Lagrasse dans l’Aude. Un lieu magnifique. Arnaud a vu un chanoine régulier de l’abbaye, le père Jean-Baptiste, parler avec des enfants. Il s’est approché de lui et lui a expliqué qu’il voulait un mariage religieux et qu’ils étaient en pleine préparation ». C’est ainsi qu’il a connu le prêtre qui devait les marier. Le chanoine « avait même béni, le 16 décembre 2017, leur maison de Ferrals-les-Corbières, où Arnaud et Marielle avaient aménagé une petite pièce qui, agrémentée de quelques coussins et de bougies, ressemblait à un lieu de méditation ».
“Sa foi se nourrissait de méditation”
Nicolle Beltrame se souvient par ailleurs l’avoir accompagné à une messe dans le sanctuaire de Sainte-Anne d’Auray, dans le Morbihan. « Lorsqu’il venait passer Noël à Trédion, nous allions à la messe de minuit mais ce n’était pas systématique », détaille-t-elle. « Sa foi se nourrissait de méditation. Il aimait se recueillir dans une église, allumait un cierge de temps en temps, comme beaucoup de monde. Cela n’avait rien d’obligatoire ».
Breton dans l’âme, Arnaud Beltrame a également fait le Tro Breiz. « Il accomplissait ce pèlerinage dans un but sportif, pas forcément spirituel », nuance sa mère. « Quand il faisait le Tro breiz, 700 kilomètres à parcourir sur les sentiers bretons, ce n’était pas des étapes de 20 kilomètres qu’il faisait ! C’était plutôt 40 kilomètres avec plusieurs kilos sur le dos », explique-t-elle. Mais « s’il trouvait sur la route une pierre celtique ou une église, il faisait une halte ». Il préparait ses aventures avec le livre d’Alain Guigny et Bruno Colliot, Sur les chemins du Tro Breiz, le pèlerinage de la Bretagne intérieure. Arnaud Beltrame a également participé à la Troménie, « une procession catholique aux racines celtiques, où les gens défilent habillés en costumes bretons ».
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L’une des grandes forces d’Arnaud Beltrame était sa capacité à s’intéresser à la vie des gens. « Il lisait des ouvrages sur la vie de sainte Thérèse de Lisieux que le pape Jean-Paul II avait proclamée docteur de l’Église pour le centenaire de sa mort et il découvrait ce qu’elle avait fait pour les autres », se souvient encore sa mère. Lui-même aidait les autres sans en tirer une gloire quelconque. « Arnaud évoquait souvent saint François d’Assise, ou encore l’abbé Pierre. C’était une référence pour notre famille : ils avaient fait quelque chose pour autrui en dépassant tous les clivages ». Si de nombreux saints ont durablement marqué Arnaud Beltrame, c’est aussi le cas d’hommes et de femmes qu’il a croisé dans sa vie. « Les moines de l’abbaye Notre-Dame de Timadeuc dans le Morbihan l’ont à cet égard beaucoup aidé parce que ce sont des gens ouverts et qui n’ont pas d’œillères. Il pouvait évoquer n’importe quel sujet avec eux. »
“Arnaud avait besoin de se rendre à l’abbaye”
C’est d’ailleurs dans cette abbaye cistercienne qu’il se rend régulièrement lorsqu’il prépare son concours de l’École de guerre. « Arnaud avait besoin de se rendre à l’abbaye. […] Il prenait parfois une chambre, il avait même la sienne avec ses livres et ouvrages pour les examens et il révisait, sereinement ». « Mon fils était souvent émerveillé par ces religieux qui travaillaient inlassablement […] Je crois qu’il a trouvé une paix intérieure chez eux. Il assistait à leurs offices et déjeunait avec eux, toujours en silence, selon la règle. »