Depuis le 30 mars, la bande de Gaza est le théâtre de violents affrontements entre les Palestiniens et l’armée israélienne. Ce lundi 14 mai, jour de l’inauguration de la nouvelle ambassade américaine à Jérusalem, les forces israéliennes ont tué près de 60 Palestiniens et blessé 2 500 autres. Décryptage.
Pourquoi cette escalade de violences ?
Depuis le 30 mars, la bande de Gaza est le théâtre d’une protestation massive appelée « Grande marche du retour ». Elle vise à défendre la revendication des Palestiniens à retourner sur les terres qu’ils ont fuies ou dont ils ont été chassés à la création de l’Israël en 1948. L’objectif de ce vaste mouvement est également de dénoncer le blocus israélien imposé à Gaza depuis plus de dix ans. Depuis le 30 mars, 116 Palestiniens ont été tués, la très grande majorité par des tirs israéliens. Un soldat israélien a été blessé. Ces violences ont culminé ce lundi 14 mai, jour de l’inauguration de la nouvelle ambassade américaine à Jérusalem, avec la mort de près de 60 Palestiniens sous le feu de l’armée israélienne. « Ce que l’on observe aujourd’hui est le résultat d’années de tensions, de répressions et d’exaspération de la population palestinienne », détaille pour Aleteia Olivier Hanne, chercheur associé à l’université d’Aix-Marseille et spécialiste de l’islam. « Face à Israël, dans la bande de Gaza, le parti du Hamas a voulu rejouer l’intifada en lui donnant à partir des années 90 une couleur islamiste. Il a conduit peu à peu les Gazaouis à se radicaliser dans l’islamisme politique… ce qui n’était pas le cas de la Cisjordanie, aux mains du Fatah. À partir de 2006, le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza, brisant ainsi le front palestinien commun qu’il composait avec le Fatah. En réaction, Israël a décidé de construire un mur du côté de Gaza mais aussi du côté cisjordanien. Si le nombre d’attentats terroristes a chuté, le Hamas a développé d’autres techniques telles que l’envoi de roquettes. La situation a toujours été tendue mais depuis 2011, avec l’amélioration des techniques du Hamas, les réactions israéliennes ont été de plus en plus fortes ». En 2016 Mahmoud Abbas, président de l’autorité palestinienne en Cisjordanie, « voyant qu’Israël traitait la Cisjordanie comme la bande de Gaza » a choisi de se rapprocher du Hamas « en dépit d’une haine fraternelle ». « Les deux partis se sont retrouvés sur une ligne anti-israélienne », souligne encore Olivier Hanne. « La reconnaissance par Donald Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël a été l’allumette qui a fait s’embraser la zone ». « C’est un jeu désespérant : jamais personne n’a eu un geste d’ouverture, de pacification ou n’a accepté d’abandonner son pouvoir de nuisance », regrette-t-il.
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Comment a réagi la communauté internationale ?
Ce lundi 14 mai est considéré comme la journée la plus meurtrière du conflit israélo-palestinien depuis 2014. En réaction, pour dénoncer ces violences, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Belgique et la Suisse ont soutenu l’idée d’investigations lancée par le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres dès fin mars, quand avait commencé la mobilisation gazaouie réprimée par un bain de sang. Les États-Unis ont de leur côté réaffirmé leur ferme soutien à Israël lors du Conseil de sécurité de l’ONU. Ahmed Aboul Gheit, secrétaire général de la Ligue arabe, a condamné les « massacre » d’Israël envers les Palestiniens de Gaza. L’organisation panarabe a également appelé la Cour pénale internationale (CPI) a lancer une enquête.
Pourquoi Donald Trump a-t-il choisi de déplacer l’ambassade américaine à Jérusalem ?
Tenant une de ses promesses de campagne, Donald Trump a reconnu le 6 décembre 2017 Jérusalem comme capitale d’Israël (à la place de Tel Aviv). Depuis 1967, la communauté internationale n’a jamais reconnu ni l’annexion de la partie orientale de la ville, ni Jérusalem comme capitale d’Israël. Donald Trump a donc provoqué une onde de choc et rompu avec la politique de ses prédécesseurs. Pour la Maison Blanche, il s’agit de reconnaître « une réalité » à la fois historique et contemporaine. Le transfert de l’ambassade américaine a eu lieu le 14 mai afin de coïncider avec le 70e anniversaire de la création de l’État d’Israël. « Avec cette annonce le président américain met fin de facto au rôle de médiateur que jouait les États-Unis dans le processus de paix entre Israël et la Palestine, détaillait pour Aleteia l’historien Vincent Lemire, auteur de Jérusalem, Histoire d’une ville monde, en décembre dernier. Il a renversé la table des négociations et après l’avoir renversé, il a purement et simplement quitté la salle des négociations. En parallèle, en faisant cette annonce, il a débranché Mahmoud Abbas qui était jusqu’à présent sous perfusion ». « Pour la première fois, les États-Unis s’assoient sur le plan de partage de 1947, ils s’assoient sur un consensus de 70 ans, rappelle Olivier Hanne. Pour tous les Palestiniens, cette décision a deux conséquences majeures : ils n’auront pas Jérusalem et ils ont perdu un négociateur, rôle que les États-Unis ont toujours plus ou moins joué. » Comment expliquer cette décision de Donald Trump ? « C’est un choix qui fait écho à ses convictions personnelles tout autant qu’à celles de sa base électorale, du monde évangéliste, du monde baptiste et des nouvelles églises du 19e parcourues par le messianisme biblique », selon le chercheur.
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Que prévoit le « plan de paix » américain pour la région ?
Il y a six mois le président américain a promis un ambitieux “plan de paix” pour la résolution du conflit, sans en dévoiler précisément les contours. « S’il y avait un plan idéal, cela se saurait, nuance Olivier Hanne. Là encore, le président américain est certainement convaincu de la justesse de son propos mais Donald Trump est l’homme d’un camp » souligne-t-il. « En juin 2009, Benjamin Netanyanou a voulu “faire un geste” de clarification et laisser entrevoir à quelles conditions Israël accepterait la coexistence avec un État palestinien, rappelle le chercheur. Elles étaient sans appel et confirmaient l’homogénéisation spatiale initiée par Ariel Sharon : “Les Palestiniens doivent sincèrement reconnaître Israël comme l’État du peuple juif. Le second principe est la démilitarisation […]. Pas d’armée, pas de contrôle de l’espace aérien […]. Israël a besoin de frontières défendables et Jérusalem doit demeurer la capitale unie d’Israël”. Les États-Unis vont très certainement s’aligner sur ces revendications », estime Olivier Hanne.
Quelle solution avance la France et les pays européens ?
Depuis 1967 et la conquête de la partie orientale de la ville par Israël lors de la guerre des six jours, Jérusalem est entièrement contrôlée par Israël. Dans l’attente d’un règlement négocié du conflit et en vertu de la légalité internationale, la France ne reconnaît aucune souveraineté sur Jérusalem et estime que la ville doit devenir la capitale des deux États, Israël et le futur État de Palestine. « La solution de deux États est la seule à même de répondre aux aspirations légitimes des Israéliens et des Palestiniens à la sécurité, à l’indépendance, à la reconnaissance et à la dignité », indique le ministère des Affaires étrangères. Dans cette perspective, la France a défini, avec ses partenaires européens, les paramètres qui doivent présider à une résolution du conflit : « Des frontières basées sur les lignes de 1967 avec des échanges agréés de territoires équivalents ; des arrangements de sécurité préservant la souveraineté de l’État palestinien et garantissant la sécurité d’Israël ; une solution juste, équitable et agréée au problème des réfugiés ; un arrangement faisant de Jérusalem la capitale des deux États. »
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Que peuvent encore espérer les Palestiniens ?
« L’état de ras le bol général a atteint un tel niveau qu’il n’y a pas grand chose à espérer pour un palestinien », regrette Olivier Hanne. « La priorité pour les palestiniens de la bande de Gaza est de survivre et, malheureusement, cette survie passe aujourd’hui par le Hamas. L’omniprésence du Hamas dans la bande de Gaza et la convergence entre les Palestiniens de la bande de Gaza et ceux de Cisjordanie est inquiétante, d’autant plus que des groupes terroristes, présents dans le Sinaï, pourraient venir nourrir cette convergence. Tsahal est une armée forte mais depuis 1982, force est de constater que les réactions militaires de Tsahal aboutissent à un demi-échec ou une demi-victoires et créent bien plus de problèmes qu’elles n’en résolvent… »