"Voici un privilège pour toi et ceux du Carmel, quiconque mourra revêtu de cet habit ne souffrira pas des flammes éternelles." Telle est la parole et la promesse que Notre Dame adresse à saint Simon Stock, en 1251 dans un petit village d’Angleterre, Aylesford, en lui présentant un scapulaire à porter. Mais comment comprendre que ce simple morceau de tissu puisse protéger de l’Enfer ? Quel lien la Sainte Vierge établit-elle entre le scapulaire qu’elle présente et la préservation des flammes éternelles ?
Un sacramental
Pour le comprendre, il faut se rappeler que le scapulaire, s’il se présente sous la forme d’un simple morceau d’étoffe, est toutefois un sacramental. L’Église reconnaît donc en lui "un signe concret par lequel et selon une certaine imitation des sacrements, des effets spirituels sont signifiés et obtenus par l’intercession de l’Église" (Sacrosanctum concilium, 60). Le scapulaire est ainsi "un signe concret" par lequel "des effets spirituels" sont avérés : "par l’intercession de l’Église", le Ciel répand sa faveur et ses grâces sur le fidèle qui s’en revêt. Le magistère romain reconnaît, en cet humble signe du scapulaire, un moyen proposé par Notre Dame elle-même pour bénéficier d’une grâce de choix, celle du salut final, à condition que le fidèle l’ait porté en vivant comme disciple du Christ au sein de l’Église.
Pour mieux saisir ce mystère, prenons une comparaison avec l’eau bénite. Elle aussi est un sacramental ; elle est à la fois une eau comme toute autre, avec sa formule chimique H2O, mais elle est également une source réelle de bénédiction céleste. Celui qui se signe avec de l’eau bénite reçoit la bénédiction du Ciel. Il en va de même pour le scapulaire ; s’il se présente sous la simple forme d’un double morceau d’étoffe, il est tout autant le signe concret d’une alliance salutaire avec Notre Dame.
Prendre Marie chez soi
En effet, porter le scapulaire offert par la Vierge Marie est une manière d’accepter de la prendre chez soi, comme Jésus le commande, afin de bénéficier des bienfaits de sa présence et de son intercession. Juste avant de mourir sur le bois de la Croix, "Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : “Femme, voici ton fils.” Puis il dit au disciple : “Voici ta mère.” Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui" (Jn 19, 26-27). C’est la dernière volonté exprimée par Jésus avant de rendre l’esprit : que chacun de ses disciples soit à l’image du disciple bien-aimé, reposant comme lui sur le cœur du Christ lors de la sainte Cène, et acceptant de prendre chez lui la Sainte Vierge Marie.
"Voici ta mère", commande le Christ à tout disciple. Porter le scapulaire est une façon — il y en a bien sûr beaucoup d’autres : acte de consécration de saint Louis-Marie Grignon de Montfort, intronisation d’une statue ou d’une icône de Notre Dame chez soi, chapelet, autres… — de répondre positivement à ce dernier commandement de Jésus. Notre Seigneur nous donne Marie, car tout fidèle a besoin de cheminer avec elle, tant elle est la seule à avoir cru jusqu’au bout, jusqu’au pied de la Croix, la seule dont la charité n’aura jamais vacillé, la seule dont l’espérance ne se sera jamais essoufflée.
La grâce d’une intercession toute-puissante
Une fois revêtu du scapulaire, le fidèle entre alors en communion particulière avec la Sainte Vierge. Celle-ci, se voyant acceptée quotidiennement comme Mère et comme Protectrice, agit comme elle le fit aux noces de Cana : elle stimule la foi, l’espérance et la charité du croyant. Ce jour-là en effet, écrit saint Jean dans son évangile, "il y eut un mariage […] Or, on manqua de vin" (Jn 2, 1.3). Marie, soucieuse du bien de l’humanité, se rend compte de la situation, et elle en fait part à Jésus. "Femme, que me veux-tu ? lui répond-il. Mon heure n’est pas encore venue" (Jn 2, 4). Le Seigneur n’a pas l’intention d’intervenir, car on ne croit pas encore en lui. Mais Marie a confiance en son Fils, jusqu’au bout et malgré ce refus.
Là où nos vies peuvent se retrouver dans des impasses, Notre Dame a la grâce d’une intercession toute-puissante pouvant nous en faire sortir. À Cana, elle reprend l’initiative, interpelle les serviteurs présents — serviteurs que nous sommes aujourd’hui —. Ils connaissent bien le problème, eux qui servaient. Ils sont dans l’impasse. Mais Marie, pleine d’audace dans sa foi, leur dit : "Tout ce qu’il vous dira, faites-le" (Jn 2, 5). Et ensemble, les serviteurs et Marie elle-même, se tournent vers le Christ. Aux yeux de Jésus, la situation a changé ; désormais, des hommes se mettent croire en lui ! Les serviteurs, sous l’impulsion de Notre Dame, et avec Notre Dame, attendent avec confiance qu’il prenne la situation en mains ! Ils sont à son écoute. Ces bienheureux serviteurs ont accepté la remarque et la présence de Marie à leurs côtés, et Marie, de son côté, après les avoir interpellés, leur communique une part de sa propre foi.
Un part de foi mariale
Voilà ce que fait Notre Dame avec le fidèle qui la reçoit quotidiennement dans sa vie ; elle lui donne en partage une part de sa propre confiance en Jésus. Et quelle confiance ! Ces serviteurs, affermis par leur foi mariale toute neuve, se mettent à avoir l’audace de puiser six cents litres d’eau et d’aller servir les invités en croyant bien que du vin allait sortir des outres ! Et c’est ce qui se produisit. Bienheureux serviteurs, bienheureuse Vierge Marie.
Recevoir le scapulaire, c’est donc recevoir en héritage une part de foi mariale. À travers les siècles, de nombreux fidèles ont porté ce petit habit donné des mains de Marie, avec une confiance toute mariale, que ce soit saint Simon Stock ou saint Jose Maria Escriva, Don Bosco ou saint Alphonse de Liguori, sainte Thérèse de Lisieux ou ses parents Louis et Zélie, ou encore saint Jean Paul II. Porter le scapulaire, c’est être en communion quotidienne avec la meilleure des Mères. Or, il n’y a pas de plus grande crainte pour une mère que de perdre ses enfants. Marie, en communion avec ses enfants revêtus du scapulaire, emploiera ainsi sa foi sans faille pour sauver ceux qui mettent leur confiance en elle, comme elle sauva la situation aux noces de Cana…
Pratique :