N’a-t-on pas du mal à obéir ? Les enfants à leurs parents, les prêtres à leur Évêque, le citoyen à la loi, l’automobiliste au gendarme, l’élève à sa maîtresse… Pourquoi avons-nous tant de mal à obéir ? Peut-être simplement, parce que nous n’avons pas appris. Et parce que nous sommes libres, et que nous croyons tous que la liberté, c’est de faire ce que nous voulons. Certainement aussi parce que nous pensons avoir raison contre tous ou en tout cas plus que les autres. Oh ! cela nous vient de loin ce désir de désobéir, cela nous vient de la Genèse, c’est inscrit en nous depuis le péché originel, depuis que nos premiers parents, Adam et Ève ont préféré écouter la voix du serpent plutôt que celle de Dieu. Depuis nous traînons avec nous cette désobéissance. Or, c’est épuisant de désobéir. Et c’est dangereux d’obéir à n’importe qui, d’obéir aveuglément.
Entre désobéissance anarchique et obéissance aveugle
Pour éviter ce tiraillement entre la désobéissance anarchique et épuisante et l’obéissance aveugle, il faut choisir à qui nous voulons obéir. Pour cela, nous avons une maîtresse d’obéissance, celle que l’Église nous donne ce dimanche : Marie à Cana. "Tout ce qu’il vous dira, faites-le !" Y a-t-il une seule personne au monde dont vous pourriez dire : "Tout ce qu’il vous dira, faites-le" ? Imaginez que François Bayrou vous dise d'Emmanuel Macron : "Tout ce qu’il vous dira faites-le !" Eh bien ! non, le président n'est pas Jupiter, il peut se tromper et donc m’entraîner avec lui dans sa chute. Imaginez que votre patron vous dise de votre manager : "Tout ce qu’il vous dira, faites-le." Eh bien ! non. Éventuellement, je répondrai : "D’accord pour ce qui concerne mon boulot et encore, mais pour le reste, je me débrouille". Imaginez Antoine Dupont dire au reste de l’équipe du Stade toulousain : "Tout ce que vous dira Ugo Mola faites-le !" Eh bien ! non. Les joueurs veulent garder une part de liberté pour pouvoir improviser, s’adapter à l’adversaire et puis Ugo Mola n'est pas sur le terrain : "C’est nous qui jouons."
Obéir à Jésus : pas si facile
Il faut bien avouer que même pour Jésus, nous avons des réticences. Nous faisons ce qu’il nous dit la plupart du temps, parce que nous sommes catholiques, parce que nous croyons en Lui, parce que nous avons confiance en Lui. Nous avons plus confiance en Lui qu’en M. Macron parce que Jésus ne peut ni se tromper ni nous tromper. Nous avons plus confiance en Lui qu’en notre patron, parce qu’il ne nous a pas promis de nous faire gagner de l’argent : il nous promet la vie en plénitude et que c’est ce à quoi notre cœur aspire, vivre, vivre pleinement. Nous avons plus confiance en Lui qu’en Ugo Mola parce qu’il ne nous regarde pas du bord du terrain, mais parce qu’il est avec nous jusqu’à la fin des temps, parce qu’il est embarqué avec nous dans la barque, parce qu’il ne nous abandonnera jamais.
Nous avons confiance en Lui et nous faisons ce qu’il nous dit. Nous faisons ce qu’il nous dit, mais parfois, nous échouons. Nous faisons ce qu’il nous dit, tant que cela nous semble raisonnable. Nous faisons ce qu’il nous dit, tant qu’on le comprend. Nous faisons ce qu’il nous dit, tant que cela ne nous dérange pas trop. Nous faisons ce qu’il nous dit tant que nous maîtrisons les choses. Mais Marie ne dit pas "ce qu’il vous dira, faites-le" mais "tout ce qu’il vous dira, faites-le". Là est la différence : le "tout".
Jusqu’à un certain point
Nous sommes catholiques et nous sommes prêts à suivre Jésus, mais jusqu’à un certain point : nous posons nos limites, parce qu’il ne faut pas pousser ; nous obéissons, mais pas en tout, nous lisons la Parole de Dieu, mais pas toute, nous trions, il y a tel ou tel verset que nous évitons soigneusement parce qu’il nous demanderait trop : "Si tu as quelque chose contre ton frère, va trouver ton frère et dis-le-lui" ; "Si ton œil t’entraîne au péché, arrache-le" ; "Pardonne à celui qui t’a fait du tort" ; "Jésus se leva, avant l’aube. Il se rendit dans un endroit désert, et là, il priait" ; "J’étais un étranger et vous m’avez accueilli" ; "Donne ton nécessaire et pas seulement ton superflu" ; "Prends ta croix et suis moi" ; "Bénissez ceux qui vous maudissent… Vous savez, toutes ces paroles, que nous évitons, que nous interprétons à notre sauce ou que nous n’entendons même pas !
Cela dit, je ne dis pas que tous, nous n’entendons pas toutes ces paroles : dans la plupart d’entre elles, le Seigneur est déjà venu certainement nous convertir, en elles il a travaillé notre cœur mais il en reste une ou deux à laquelle nous résistons. Laquelle ? Seul Dieu et nous savons où se situe cette résistance. Dans la prière, chacun de nous dit : "Seigneur, ce que tu me dis je le fais, pas tout, mais presque tout." Et Marie, qui prie pour nous, nous dit dans la prière : "Tout ce qu’il vous dira, faites-le." Pas presque tout : tout.
La conversion vient du « tout »
Tant que nous résistons, nous aurons du vin, mais du mauvais vin et un jour, il s’épuisera. Le tout, c’est ce "plus" que le Seigneur nous demande, le saut de la foi. Il ne nous y contraindra jamais, il demande l’obéissance, la libre obéissance, l’obéissance jusqu’au bout ; pour cela il nous enseigne, il nous donne la meilleure des enseignantes, Marie : "Tout ce qu’il vous dira, faites-le." La véritable transformation, la véritable conversion, elle vient du "tout". Pourquoi ? Parce qu’il faut une confiance, celle de la foi. Parce qu’il faut un abandon. Car il vient toujours ce moment dans notre vie où nous manquons de vin. Il y a un moment dans notre vie où on risque de finir à l’eau plate. Et une vie entière à l’eau plate, ce n'est pas la joie. Vous savez, ce moment de votre vie ou vous sentez que vous risquez de vous installer. Ce moment de votre vie où la routine gagne…
L’obéissance fait des miracles et c’est Marie qui nous le dit, celle qui au jour de l’Annonciation avait elle aussi des réticences : "Comment cela va-t-il se faire ?".
Alors à ce moment de votre vie, écoutez Marie, écoutez-la vous dire : "Tout ce qu’il vous dira, faites-le." Tout. "Jusque-là Seigneur, je t’ai écouté, mais je vois bien ce que j’ai gardé de côté, je vois bien ce que je n’ai pas voulu te donner, je vois bien quand j’ai résisté, quand je n’ai pas voulu t’obéir, obéir jusqu’au bout."
Dieu n’enlève rien, il donne tout
Nous n’avons pas osé obéir jusqu’au bout, nous n’avons pas osé offrir parce que nous regardions ce que cette obéissance risquait de nous enlever. Trop souvent, nous focalisons sur ce que nous risquons de perdre en oubliant ce que nous allons gagner : Dieu n’enlève rien, il donne tout. Rappelez-vous que c’est à Cana que Marie a prononcé cette parole : "Tout ce qu’il vous dira, faites-le." À Cana, Dieu n’enlève rien, il donne tout. À Cana, Jésus sauve la fête. Là où le vin était épuisé, il donne le vin le meilleur et il le donne en abondance. Jésus veut aussi sauver nos vies. Jésus veut aussi répandre la joie dans nos cœurs. Il nous demande juste cette obéissance.
Car l’obéissance fait des miracles et c’est Marie qui nous le dit, celle qui au jour de l’Annonciation avait elle aussi des réticences : "Comment cela va-t-il se faire ?". Celle qui posait des limites au Seigneur : "Je ne connais pas d’homme." Celle qui nous le dit, c’est celle qui a écouté la voix du Seigneur : "Que tout m’advienne selon ta parole." Celle qui nous le dit, c’est celle qui dans son Magnificat chante "le Seigneur fit pour moi des merveilles". Celle qui nous le dit, c’est Marie qui a obéi à Dieu, Marie dont l’obéissance a porté le plus beau des fruits : Jésus notre Sauveur. Alors, "tout ce qu’il vous dira, faites-le".
Lectures du 2e dimanche du temps ordinaire :