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Veuf, ancien pilote de chasse, Philippe s’apprête à devenir prêtre

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Mathilde de Robien - publié le 30/01/25
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Philippe Le Vert, 70 ans, ancien pilote de chasse, veuf, père et grand-père, s’apprête à devenir prêtre. Témoignage exceptionnel d’un homme qui place le service au cœur de sa vie, comme l’illustrent ses trois engagements auprès de la France, de sa famille et de l’Église.

Philippe Le Vert aime le chiffre trois. C’est d’ailleurs la dimension trinitaire de Dieu qui l’a conforté, intellectuellement, à embrasser la religion catholique. Mais trois, c’est aussi le nombre d’appels qu’il a reçus dans sa vie, et auxquels il a répondu de manière pleine et entière, en s'y engageant à chaque fois corps et âme : appel à servir sa patrie, sa famille et désormais son Église. Philippe Le Vert est en effet un tout jeune diacre de 70 ans ! Veuf, père et grand-père, il a été ordonné diacre en vue de la prêtrise le 13 octobre 2024 dans le diocèse de Valence (Drôme). Une nouvelle page qui s’écrit pour cet ancien pilote de chasse qui a passé 30 ans dans l’Armée de l’air. Un appel au sacerdoce entendu un mois après le décès de son épouse, Christine, avec qui il était marié depuis 44 ans. Père de deux enfants, dont un décédé en bas âge, et grand-père de sept petits-enfants, il poursuit actuellement sa formation "sur le terrain" dans la paroisse Saint Émilien, à Valence.

Philippe Le Vert a grandi et effectué toute sa scolarité à Tahiti, en Polynésie française. "Ma mère, très croyante, nous a inculqué une forte éducation religieuse, et mon père était athée, jusqu’à ce qu’il se convertisse après ma quasi-noyade lorsque j’avais 10 ans", raconte-t-il. "Peut-être a-t-il prié à ce moment-là, et a vu sa prière être exaucée ? Quoi qu’il en soit, il est devenu un catholique pratiquant et convaincu." Un accident qui a profondément marqué Philippe Le Vert et qui constitue sa toute première expérience de plein abandon à la volonté du Seigneur. Emporté au large de la côte sous les yeux affolés de sa famille, le jeune Philippe, alors âgé de 10 ans, est d’abord pris d’un sentiment de panique car il est intimement persuadé qu’il va mourir. Mais rapidement, il se met à prier : "Seigneur, sauve-moi ! Mais que ta volonté soit faite !". "Après avoir dit cela, j’ai ressenti instantanément une grande paix, alors que j’allais me noyer ! J’étais prêt à toutes les éventualités." Finalement, un courant d’eau le dépose sur un rocher de corail, et il est secouru par des pêcheurs tahitiens. "Ce profond sentiment de paix, je ne l’ai plus jamais éprouvé par la suite", confie-t-il 60 ans après.

Un appel "en deux temps"

À 12 ans, Philippe Le Vert s’ouvre à sa mère et lui confie son désir de devenir prêtre, et même prêtre missionnaire. "Ma mère a balayé l’idée, et je l’ai moi-même assez vite abandonnée", se souvient-il. Après le baccalauréat, il revient en métropole et fait ses classes préparatoires à Versailles. C’est là qu’il passe d’une foi reçue enfant à sa foi d’adulte. La dimension trinitaire de Dieu le conforte dans la religion catholique. "Pour moi, un Dieu ne pouvait exister que s’il était trinitaire. Car seul, que pouvait-il faire ?", se demande-t-il alors. "J’aime comparer Dieu à un musicien : le musicien est l’image du Père, la musique l’image du Fils, et la communion entre le musicien et la musique est celle de l’Esprit saint. Trois réalités différentes mais interdépendantes : s’il n’y a pas de musicien, il n’y a pas de musique, s’il n’y a pas de musique, c’est que le musicien est mort, s’il n’y a pas de communion, c’est que la musique n’est pas terrible ! Il n’y a que la religion catholique qui me proposait un Dieu vivant, en trois personnes."

Philippe Le Vert se marie jeune, à 22 ans, et poursuit son rêve de jeunesse : devenir pilote. Il obtient son brevet en 1978. Il effectuera au total plus de 4.000 heures de vol, principalement sur des avions de chasse. Avant son départ volontaire de l’Armée en 2003, il est Chef de la section OTAN de la Division internationale de l’État-major des Armées. D’une santé fragile, sa femme, Christine, décède le 29 décembre 2020 des suites d’une quatrième opération du cœur, après 44 ans de mariage. C’est au cours d’une retraite spirituelle après le décès de sa femme que Philippe Le Vert ressent confusément l’appel au sacerdoce. "C’était un mois à peine après les funérailles de mon épouse. J’aurais pu dire : "Seigneur, comment peux-tu me montrer ton amour à ce moment-là alors que tu m’as repris mon épouse que j’aimais tant !" Mais la perception que j’ai eue de l’amour de Dieu était si forte, telle que je ne l’avais jamais connue auparavant, que c’est ainsi qu’est venu l’appel à devenir prêtre", confie-t-il.

Une vie conjugale et familiale faite de joies et de peines

Philippe Le Vert épouse Christine le 18 décembre 1976, en toute connaissance de ses problèmes de santé. "Si moi qui l'aime, je ne l'épouse pas, alors qui va le faire ?", répond-il à son père inquiet. "Ma vie conjugale a été extraordinaire, j’ai eu une épouse extraordinaire ! Et nous avons eu la chance de partager la même foi et de grandir, de progresser ensemble dans cette foi." En 1977, une première épreuve vient ébranler le jeune couple : Philippe et Christine perdent leur fils Olivier, peu de temps après sa naissance. "Cela a été une expérience terrible que ce long combat spirituel dans l’église Saint-Michel de Salon-de-Provence, il fallait faire le choix de continuer à croire dans les ténèbres ce qui avait été accepté dans la lumière d’une vie jusqu’alors sans problème." Deux ans plus tard, le couple a la joie d’accueillir leur fille Fabienne, à qui ils transmettront leur foi ardente.

Même dans les moments les plus sombres, j’ai toujours senti la présence de Dieu et son aide.

"Notre couple avait une vie assez riche", témoigne Philippe Le Vert. Installation d’un oratoire familial, expérience marquante de la prière de couple, engagements multiples dans de nombreux services d’Église selon les affectations… Une vie ponctuée aussi par les hospitalisations de Christine, opérée 17 fois dont quatre à cœur ouvert. Des épreuves que le couple vit aux côtés du Christ. "Même dans les moments les plus sombres, j’ai toujours senti la présence de Dieu et son aide. Il y avait d’un côté l’aspect ténébreux de l’épreuve et de l’autre la lumière de Dieu. Les deux cohabitaient", témoigne Philippe Le Vert. En mars 2020, les médecins annoncent la perspective d’une quatrième opération à risque. "Il y a eu d’abord un sentiment de révolte, d’angoisse bien sûr, car elle avait mal vécu physiquement les autres opérations, mais nous avons mené tous les deux un travail d’acceptation pour arriver à l’opération, huit mois plus tard, dans la paix et l’abandon." Christine est décédée trois semaines après l’opération.

Futur prêtre, une nouvelle étape

"J’ai l’impression d’avoir mené trois appels différents", confie Philippe Le Vert. Un premier appel à servir sa patrie, un second à servir sa famille et un troisième à servir Dieu. "Même si ces trois appels sont essentiels, c’est peut-être l’appel à la prêtrise qui est le plus fort." Une nouvelle vocation à laquelle ont "très bien réagi sa fille et ses petits-enfants". Leur accord était nécessaire et Mgr Pierre-Yves Michel, ancien évêque du diocèse de Valence, a tenu à entendre chaque membre de la famille. Fabienne, la fille de Philippe dont il est très proche, a peut-être été la plus bouleversée : "Je m’attendais éventuellement à donner un de mes fils au Bon Dieu, mais pas mon père !", rapporte Philippe Le Vert. Quant à l’aîné des petits-enfants, alors âgé de 18 ans, il s’est réjoui tout en précisant bien "qu’il n’irait pas se confesser à son grand-père" !

Après deux ans d’études à l’Université catholique de Lyon (Institut Pastoral d’Études Religieuses) et l’obtention d’un DU de formation en pastorale, Philippe Le Vert est en insertion dans la paroisse Saint-Émilien, à Valence. "Je me laisse guider. Et heureusement qu’on n’écoute pas toutes mes réticences ! Le Bon Dieu a une belle pédagogie !" Un exemple : il a éprouvé au début un certain frein à l’idée de célébrer des funérailles et de rencontrer des familles endeuillées. "Une fois que je me suis formé et que j’y suis allé, cela a été d’une richesse incroyable !" S’abandonner à la volonté du Seigneur, une expérience que Philippe Le Vert a déjà faite au large des côtes tahitiennes, il y a 60 ans, et qui a démontré son incroyable fécondité.

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