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Palestine : une guerre pour quoi faire ?

GAZA-AFP

Gaza, 21 janvier 2025.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 23/01/25
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Le cessez-le-feu conclu entre Israël et le Hamas met un terme à quinze mois de guerre, sans trouver une solution de paix. À l’heure des bilans humains et politiques, analyse le géopoliticien Jean-Baptiste Noé, la région semble dans une impasse.

Dans l’histoire de la guerre, il y a quelques règles intemporelles. La première est que l’armée est au service du politique. Ce qui signifie que la guerre n’est pas une fin, mais un moyen en vue d’obtenir quelque chose. À ce titre, il ne peut pas y avoir de "victoire militaire "et de "défaite politique". L’armée étant un moyen, s’il y a défaite politique, c’est ce que ce moyen a mal servi ou a été mal utilisé. Dans les deux cas, c’est une défaite pour elle. La victoire militaire est donc conditionnée à la victoire politique. Après quinze mois de guerre à Gaza et un cessez-le-feu précaire, qui peut revendiquer la victoire ?

Le feu, et après ?

Israël a incontestablement la puissance et la maîtrise du feu. Couplé à des services de renseignements très performants, il a pu, au cours de cette guerre, éliminer ses principaux adversaires, chefs du Hamas et du Hezbollah, à Gaza, au Liban, en Syrie et en Iran. L’opération conduite à travers les bipers restera un modèle du genre. C’est une indéniable victoire tactique. Mais pour faire quoi ? Les chefs abattus sont déjà remplacés, la relève du Hamas et du Hezbollah est là. Parmi les prisonniers libérés figurent Zakaria Zubeidi, chef des brigades des martyrs d’Al-Aqsa, branche armée du Fatah, auteur de nombreux attentats contre des civils israéliens. Nul doute que cette liberté retrouvée sera mise à profit pour reprendre le combat contre "l’entité sioniste" à laquelle il dénie tout droit à exister. Ce sont ainsi 33 otages israéliens qui vont être libérés dans les six semaines, en échange de 737 prisonniers palestiniens. D’un côté, des civils capturés lors de l’attaque du 7 octobre 2023, de l’autre des combattants, entêtés et fanatisés, qui retrouvent l’air libre pour reprendre les armes. La dissymétrie de ces libérations est totale. Israël retrouve les siens, le Hamas aussi, mais en plus grand nombre.

La bande de Gaza est ruinée : près de 45.000 morts, 60% des bâtiments détruits, selon des estimations satellitaires. La population ne pourra pas reconstruire seule. Il lui faudra l’argent de l’Union européenne (c’est en cours), du Qatar (allié du Hamas) et d’autres bailleurs qui pourront faire de cet espace un levier de puissance. Les enfants de dix ans qui ont perdu leurs parents et ont subi les bombardements seront les soldats déterminés des prochaines années. Dans cette guerre, tout donne l’impression qu’Israël a plus nourri la bête pour des combats futurs que réellement annihilé le Hamas. Après le temps du feu, le temps de la paix semble impossible.

Le Hamas au cœur du jeu

Il a programmé l’attaque du 7 octobre 2023, il a enduré les coups de Tsahal, il a perdu de nombreux chefs, mais le Hamas est toujours là. C’est lui qui a négocié avec Israël, par l’intermédiaire du Qatar, de l’Égypte et des États-Unis. C’est lui qui a signé le cessez-le-feu, ce qui lui donne une reconnaissance internationale et une légitimité de fait. L’un des buts de guerre d’Israël était d’éliminer le Hamas, force est de constater que celui-ci n’a pas été atteint. L’autorité palestinienne est totalement discréditée et mise sur la touche. Pour l’aimer, le craindre ou le rejeter, dans les rues arabes du Caire, de Damas, de Beyrouth, c’est vers le Hamas que l’on regarde, c’est lui qui impose son tempo, qui détient une partie des clefs de la région.

Israël face à lui-même

Pour Israël, rien n’est réglé. Le cessez-le-feu n’est pas la paix et la guerre peut reprendre à n’importe quel moment. Une guerre qui coûte cher : les réservistes mobilisés, qui forment la structure essentielle de Tsahal, ne peuvent pas être indéfiniment au combat, il leur faut bien, également, travailler et faire fonctionner leur pays. Donald Trump a forcé Benjamin Netanyahu à la négociation, en le menaçant de couper l’aide américaine. Ce qui renvoie à une faiblesse intrinsèque d’Israël : aussi puissante et performante que soient son économie et son secteur de la tech, il a besoin d’aides extérieures pour survivre, notamment pour se fournir en armes. Ce qui n'est pas sans rappeler la situation des royaumes Latins, dépendant des flux venant de l’Occident.

Les problèmes d’avant le 7 octobre n’ont pas été réglés. Le mur anthropologique qui sépare désormais les Israéliens des Palestiniens est plus fort que jamais. Comment recommencer à vivre ensemble après 15 mois de guerre ? Comment faire confiance quand, lors de l’attaque du 7 octobre, des employés palestiniens ont fourni des clefs et des informations aux membres du Hamas ? Cette guerre n’a rien résolu et les défis qui attendent les deux partis sont plus grands que jamais.

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