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Le poisson, une nourriture biblique hautement symbolique

poisson

Mosaïque du IVe siècle dans la basilique patriarcale d'Aquilée.

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Philippe-Emmanuel Krautter - publié le 18/01/25
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Le poisson abonde dans les références bibliques, qu’il s’agisse de l’Ancien ou du Nouveau Testament dans lesquels il acquiert rapidement une dimension symbolique croissante…

C’est au Livre de la Genèse qu’est fait pour la première fois mention dans la Bible du poisson en tant que nourriture. Cette référence initiale aux créatures divines s’entend immédiatement en un lien de soumission manifeste de ces dernières à l’homme : "Dieu dit : "Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance. Qu’il soit le maître des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, des bestiaux, de toutes les bêtes sauvages, et de toutes les bestioles qui vont et viennent sur la terre." (Gn 1,26). Les temps bibliques ne distinguaient guère les différentes espèces de poisson et celles-ci provenaient essentiellement à l’époque du proche lac de Tibériade ou, sous une forme séchée ou salée, d’Égypte. Les épisodes bien connus de la pêche miraculeuse, de la multiplication des pains et des poissons dans les Évangiles illustrent également cette idée de don infini qui préfigure le sacrifice du Christ. Après sa Résurrection, Jésus mange même un poisson grillé avec ses disciples pour affermir leur foi en la véracité des Écritures. 

Cependant, le ou les poissons ne sont pas toujours dans le récit biblique des créatures de délices… Ainsi, le Livre de l’Exode rapporte, quant à lui, qu’afin de punir les Égyptiens de maintenir le peuple d’Israël en captivité, Moïse reçut du Seigneur le pouvoir d’accomplir des prodiges, notamment de transformer en sang toutes les eaux d’Égypte : "Les poissons du Nil crevèrent et le Nil s’empuantit ; les Égyptiens ne pouvaient plus boire l’eau du fleuve ; il y avait du sang dans tout le pays d’Égypte" (Ex 7,21). Reste que la place des poissons dans le récit biblique demeure d’importance.

Remèdes et naissance d’un symbole puissant

C’est en raison de cette importance même que les poissons deviendront de plus en plus de puissants symboles au fil des Saintes Écritures. Mais auparavant, le poisson sera également présenté par les Écritures en tant que remède.  Ainsi en est-il au Livre de Tobie, lorsque le jeune Tobie faillit se faire attraper par un poisson le long du Tibre. L’ange lui intima de le tirer hors de l’eau sur la rive : "Éventre le poisson, enlève-lui le fiel, le cœur et le foie, mets-les à part pour les emporter, et jette les entrailles. Car le fiel, le cœur et le foie sont des remèdes efficaces" (Tb 6,4). Interrogé par le jeune homme sur ces remèdes, l’ange répondit : "Si tu fais brûler le cœur et le foie du poisson devant un homme ou une femme attaqués par un démon ou un esprit mauvais, l’agresseur s’enfuit au loin, et ses victimes en seront délivrées pour toujours. Quant au fiel, si tu l’appliques sur les yeux d’un homme atteint de leucomes et si tu souffles dessus, les yeux seront guéris". Le récit biblique par cet épisode souligne combien le poisson peut devenir un remède contre les démons et source de guérison, anticipant ainsi le symbole chrétien du poisson…

Tobie et l'Ange.

L’ichtus chrétien

Le symbole aquatique va, en effet, envahir la chrétienté naissante, bien avant que la Croix ne devienne l’emblème principal de cette foi. Pour saisir la présence du poisson dans le christianisme, il faut revenir à la langue grecque ancienne. Le mot"ikhthús" (ἰχθύς), qui signifie poisson en grec, renferme dans chacune de ses lettres une acclamation christologique : Jesu Kristos Theou Uios Sôter, ou "Jésus, Christ Fils de Dieu, Sauveur". Ce symbole devient ainsi central. En pratique, il fut  souvent représenté par deux courbes se rejoignant pour former le poisson, un signe de reconnaissance discret qui pouvait être laissé en graffiti lors des persécutions. La direction de la tête indiquait même parfois le chemin d’un lieu de culte caché. Les premiers chrétiens étaient ainsi souvent surnommés "fils de l’Ichtus céleste".

Le symbole du Christ et du baptême

Ce symbole se répandit d’abord à Rome, puis dans toute la chrétienté, où il est vénéré, notamment sous l’appellation de "Poisson-Christ". Le symbole du  poisson devient alors l’objet d’une dévotion encouragée par des pontifes comme Clément d’Alexandrie, qui recommande de le représenter sur des sceaux, bijoux ou autres objets personnels. Ainsi débute une collection d’amulettes, gemmes, et pierres précieuses gravées des cinq lettres du mot ICHTUS, souvent accompagnées de l’image du poisson. Les premiers textes chrétiens témoignent de cet enthousiasme, et des auteurs comme Tertullien, Origène ou saint Augustin en vantent la symbolique puissante, évoquant la "source immortelle de l’eau divine", la pureté et la nourriture. Tertullien établit un parallèle entre poisson et eau du baptême : "Nous, petits poissons, selon notre Poisson, Jésus-Christ, nous naissons dans l’eau et ne pouvons être sauvés qu’en demeurant dans l’eau". Saint Augustin rapproche également le poisson du pain eucharistique, et il apparaît sur certaines représentations eucharistiques telle celle exposée au Musée du Vatican. 

Bien que la Croix prenne peu à peu la place du poisson pour symboliser la foi chrétienne, le poisson restera néanmoins bien présent dans les églises, sur les fresques, peintures, mosaïques, et autres supports, en témoignage de ce riche symbole chrétien.

(Re)découvrez aussi en images les premiers symboles chrétiens :

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