Novembre 2016. Le jeune Charle travaille sur la restauration d’une charpente d’une église à Saumur quand il chute d’une quinzaine de mètres avant de s’empaler sur un banc retourné. Le jeune homme se relève avec un pieux qui lui transperce le ventre. Hospitalisé en urgence, il s’en tire sans aucune séquelle. Pour son patron d’alors, catholique pratiquant, seul un miracle peut avoir sauvé son salarié de la mort. À l’hôpital, il lui parle de Charles de Foucauld. C’est le début d’une histoire qui va mener le charpentier à témoigner pour le procès de canonisation du saint ermite. Quatre ans plus tard, son sauvetage est officiellement attribué à l’intercession de Charles de Foucauld. Le 15 mai 2022, le jeune charpentier se retrouve place Saint-Pierre de Rome pour la canonisation du "petit frère universel".
Déconcertante, la trajectoire du charpentier Charle l’est d’autant plus qu’il n’est pas baptisé et n’a pas la foi. "Je n’étais pas croyant avant ma chute et ne le suis toujours pas", nous confiait-il d’ailleurs quelques jours avant la célébration romaine. Pour autant, le lien qui l’unit à Charles de Foucauld perdure. C’est en effet lui qui vient de réaliser un reliquaire qui sera installé dans une église française de Rome début février.
Une relique de contact au cœur de Rome
En plein centre de la Ville éternelle se trouve Saint-André et Saint-Claude des Francs-Comtois de Bourgogne. Dans cette petite église, Charles de Foucauld est venu prier plusieurs jours, lors de son retour de Terre sainte au début du siècle dernier. "Ce sont les Pères du Très-Saint-Sacrement qui m’ont trouvé ce nid que m’avait préparé le bon Dieu : je suis à la porte de ces bons Pères qui ont le Saint-Sacrement exposé jour et nuit et je jouis de leur chapelle autant que si je logeais dans leur couvent", écrit-il dans une lettre de 1900.
"À Rome, il n’y avait pas de lieu spécial où prier Charles de Foucauld, un saint très cher au pape François. Cela avait du sens de faire quelque chose ici", confie le frère Renaud Escande, administrateur des Pieux établissements de France à Rome, à l’initiative du projet. Avec la bénédiction du Saint-Siège, le frère dominicain a travaillé à l’arrivée d’une relique du saint dans la petite église qui compte déjà celles du Français Pierre-Julien Eymard (1811-1868), propagateur de l’adoration eucharistique. "Nous avons obtenu la dernière relique de Charles de Foucauld, une relique de contact", précise-t-il. Il s’agit d’un morceau de linceul qui enveloppa le corps de Charles de Foucauld après sa mort et dans lequel il fut enterré près de son ermitage à Tamanrasset, en Algérie. Se trouve aussi un morceau de chasuble avec laquelle il célébrait l’eucharistie. Le diamètre du médaillon contenant la relique ne fait que 5,5 centimètres. Pour le mettre en valeur, les Pieux établissements et l’ambassade de France près le Saint-Siège ont lancé l’an passé un concours international.
Un plasticien algérien et le charpentier français
C’est l’artiste algérien Abdelkader Benchamma qui a remporté l’appel. Avec le cabinet Nomade Architecture et Patrimoine, ils ont imaginé un "projet nourri par la vie spirituelle du saint et son ermitage dans le désert". Il s’agit d’un triptyque en bois à panneaux mobiles qui ouvre sur des éléments figurant le Hoggar, ce territoire au cœur du Sahara. "Des flux abstraits dessinent des strates d’ocres et la nuit étoilée à la manière d’un paysage mental", détaille la description du projet que l’on peut apercevoir sur ce lien.
Pour réaliser l’ouvrage fait de bois, les artistes se sont naturellement tournés vers un charpentier ayant une histoire singulière avec le saint… Pour l’heure, rien n’a filtré de cette collaboration entre Abdelkader Benchamma et Charle dont le travail est crédité à travers le nom de l’entreprise Asselin. Mais l’inauguration le 6 février prochain du reliquaire devrait leur permettre de raconter cette nouvelle aventure.