L’unification de la liturgie latine autour du rite romain a été un long processus. Elle est le fruit de l’évolution des prières et des coutumes chrétiennes venues des apôtres et des pères apostoliques auxquelles se sont ajoutés des éléments au cours des siècles. Charlemagne, de son propre chef, décide que la manière de prier à Rome doit être étendue à toute la chrétienté latine. Cet effort centralisateur, assorti de la réforme des livres liturgiques, n’empêche cependant pas l’existence de variantes à une époque où les communications sont moindres.
En 1570, à la suite du concile de Trente, le pape Pie V promulgue un missel. Cette édition authentique doit devenir la référence en vue d’une unification plus réelle de la liturgie latine, mais elle n’introduit que très peu de modifications. Le rite romain devient donc la norme en Occident, mais il est enrichi de traditions venues d’ailleurs (l’élévation de l’hostie est une coutume gallicane par exemple) et demeurent les rites qui ont pu prouver leur antiquité (rite mozarabe, rite de Braga, rite dominicain, rite cartusien, rite ambrosien… qui ont plus de deux siècles d’existence). Rome cherche en effet à éviter la prolifération de nouveaux rites alors même que l’imprimerie a modifié en profondeur le rapport aux livres, désormais plus accessibles et moins contrôlés.
Une réforme profonde après Vatican II
Dans l’Église catholique latine aujourd’hui, l’immense majorité des fidèles pratique selon le rite romain. Mais ce dernier a été profondément réformé à la suite du concile Vatican II et de sa constitution sur la liturgie Sacrosanctum consilium (1963). Cette réforme a donné lieu à un nouveau missel, promulgué en 1969 par le pape Paul VI. On parle dès lors de messe Paul VI ou de missel de Paul VI.
Devant les résistances de certains prêtres, évêques ou religieux, à dire la messe selon ces nouvelles règles, le pape Jean Paul II a autorisé en 1984 puis 1988, dans certaines conditions strictes, l’usage du missel de 1962. Cette année-là, le pape Jean XXIII promulgue la sixième édition du missel issu du concile de Trente avec quelques modifications, en particulier la mention de saint Joseph dans le canon (prière eucharistique) et la Semaine sainte rénovée par Pie XII en 1955.
Une réconciliation liturgique avec Benoît XVI
En vue d’une réconciliation liturgique et pour permettre l’avancée des discussions avec la Fraternité Saint Pie X, Benoît XVI publie en 2007 le motu proprio Summorum pontificum. Le pape y définit l’existence de deux formes pour le même rite romain, expressions d’une même prière : la "forme extraordinaire", qui utilise le missel de 1962 et la "forme ordinaire" qui utilise celui de 1969. La continuité historique et les apports réciproques sont mis en avant par le Souverain pontife qui libéralise l’usage de la première.
Le 16 juillet 2021, François est revenu sur cette décision en publiant Traditionis custodes : "les livres liturgiques promulgués par les Saints Pontifes Paul VI et Jean Paul II [le missel de 1969 et ses rééditions], conformément aux décrets du Concile Vatican II, sont la seule expression de la lex orandi du Rite Romain" (§ 1). Depuis lors, Rome ne parle plus de "forme ordinaire" et de "forme extraordinaire" mais ne fait référence qu’aux missels utilisés. Certains parlent de liturgie "ancienne" ou "traditionnelle" pour celle qui précède Vatican II et de liturgie "rénovée" pour celle qui en est issue. Le rite romain n’a donc qu’une forme, issue de la réforme liturgique, mais subsiste sa forme antérieure, celle de la sixième édition du missel de Trente, dont la célébration est très encadrée et réservée à quelques prêtres ou communautés.