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Pourquoi Corneille et Cyprien sont fêtés le même jour ?

saint Corneille et saint Cyprien

Détail du tableau Saint Antoine l'Abbé avec saint Corneille et saint Cyprien, par Véronèse (1565).

Anne Bernet - publié le 15/09/24
Pape et faiseur de pape, Corneille et Cyprien affrontèrent, au IIIe siècle, l’une des pires tempêtes de l’histoire de l’Église. Ils s’imposèrent tous deux en défendant le pardon aux chrétiens forcés de renier leur foi. Ils sont fêtés le même jour par l’Église catholique, le 16 septembre.

On a tendance à l’oublier : Cyprien, auréolé de la gloire du martyre, et de celle de ses écrits, semble occuper toute la place, mais le 16 septembre, on fête aussi le pape Corneille, personnalité, il faut l’admettre, assez falote en comparaison de celle du grand évêque de Carthage. S’ils sont célébrés à la même date, c’est que Cyprien, sans ambition pour lui-même, a fait, en 251, l’élection pontificale de Corneille. Ce qui lui a d’ailleurs coûté cher.

Le 20 janvier 250, le pape Fabien est exécuté à Rome pour avoir refusé de se conformer aux exigences de l’édit de Dèce faisant obligation à tous les citoyens de sacrifier à la Fortune de Rome. Dans l’esprit de l’empereur, cet acte est purement civique et symbolique mais, pour un chrétien conséquent, il équivaut à une apostasie en bonne et due forme. Débute alors l’une des plus longues vacances du siège de saint Pierre car l’exécution du pontife plonge dans la stupeur et l’épouvante la chrétienté romaine. 

Une des pires tempêtes de l’histoire de l’Église

L’élection de Fabien, en 236, a été très compliquée, au point qu’il a fallu une intervention divine pour que, faute de candidats à ce poste à hauts risques, soit élu un laïc. Cette fois, non seulement personne n’est d’humeur à risquer sa tête en lui succédant mais le collège des diacres de la Ville, l’équivalent de nos cardinaux, ne trouve même pas le courage de se réunir pour lui trouver un successeur.

Pendant treize mois, sans personne à la barre, la nef de l’Église essuie l’une des pires tempêtes de son histoire et une épidémie d’apostasies unique en son genre, la majorité des chrétiens, de l’évêque aux plus humbles fidèles, acceptant sans état d’âme de se mettre en règle avec l’État en sacrifiant aux idoles. Au point que, sans recourir, ou fort peu, à la violence, qui lui répugne, et sans comprendre la position des catholiques fidèles, Dèce sera à un cheveu d’obtenir ce qu’aucun persécuteur n’a jamais réussi : la disparition du christianisme faute de fidèles. 

Le sort des "lapsi"

Sans pape, aucune voix ne s’élève pour rappeler des chrétiens avilis et lâches à leur devoir et leur parler du salut de leur âme. Aucune, sinon celle de Cyprien qui tente, par sa correspondance avec les autres Églises, de les ramener au bon sens. Ce qui bouleverse surtout le grand primat d’Afrique, c’est la pensée que tous ces malheureux qui ont sacrifié aux idoles sont, de fait, excommuniés et voués à la damnation éternelle. Or, il le sait, parmi ces gens, il y a, certes, de très grands coupables, tels ces évêques qui ont conduit en personne leurs ouailles au temple pour sacrifier, mais aussi des malheureux qui n’ont pas compris la portée de leur acte et d’autres aussi, des  femmes ou des enfants mineurs surtout, à qui l’on a forcé la main en dépit de leurs protestations et qui n’en sont pas moins rejetés hors l’Église. Dans certains endroits, ce sont des chrétientés entières qui, de fait, n’existent plus. 

Dès lors, la seule interrogation de Cyprien sera de trouver une justification à la faute de ceux que l’on appelle les lapsi, ceux  qui ont glissé, et un moyen de les réconcilier avec Dieu et les autorités catholiques. Une position que tous ne partagent pas. Certains, pas fatalement, d’ailleurs, ceux qui ont fait preuve d’héroïsme, supportant la prison et la torture pour ne pas renier le Christ, refusent absolument toute idée de réconciliation de ces "lâches" avec Dieu et les prétendent damnés sans rémission.

Le partisan du pardon

Parmi ces intransigeants, le prêtre Novatianus, qui, en mars 251, alors que la persécution s’apaise, Dèce regrettant déjà de l’avoir déclenchée, prétend à la succession de Fabien. Une seule candidature s’oppose à la sienne, celle d’un autre prêtre romain, Corneille, personnage sans grande envergure mais qui, à l’instar de Cyprien, admet l’impossibilité pour l’Église de rejeter dans les ténèbres extérieures un nombre invraisemblable de baptisés, lamentables, certes, mais qui méritent, au prix d’ailleurs de sévères pénitences, une seconde chance.

Cyprien, dont l’influence a considérablement augmenté, soutient à fond l’élection de Corneille contre celle Novatianus et permet l’élection du partisan du pardon contre celle du rigoriste impitoyable. Cette élection, Novatianus ne l’admet pas, il la conteste, provoquant des foyers schismatiques en Arles, à Alexandrie et d’abord en Afrique pour se venger de Cyprien qui l’a privé de ce pontificat qu’il pensait obtenir. Il faudra près de deux siècles pour en finir avec l’Église dissidente "des Purs". Peu importe puisque la charité et la mansuétude évangéliques l’ont emporté.

Arrêté à peine élu

Le pontificat de Cornelius sera bref et sans action d’éclat. Arrêté à peine élu, il n’est pas exécuté mais envoyé en exil à Cività Vecchia, à 60 kilomètres de Rome, où il meurt en 353, dans son lit, de maladie, sans s’être mérité la palme du martyre que Cyprien obtiendra en 258. Consciente de ce qu’elle lui doit, l’Église unira le primat d’Afrique et le pape dans les mémoires. 

Ces saints qui étaient amis :

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