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[HOMÉLIE] En Jésus, nous entrons dans le réel

Clément Barré - publié le 03/08/24
Prêtre coopérateur de la paroisse Saint-Joseph-des-Jalles, dans le diocèse de Bordeaux, le père Clément Barré commente l’évangile du 18e dimanche du temps ordinaire. Jésus nous extrait du monde des signes pour nous faire entrer dans le réel : nous n’avons plus rien à attendre, tout nous a été donné.

Je dois confesser que, jusqu’à très récemment, je commettais une erreur dans la lecture de ce passage de l’Évangile de Jean, quand Jésus dit aux foules : "Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés" (Jn 6, 26). Je comprenais cette phrase comme un reproche adressé aux foules de s’occuper trop de leur ventre, de leur nourriture et de ne pas assez élever leur regard vers ce qui est vraiment important, vers les signes. Un Jésus qui voudrait tirer les foules de la médiocrité des préoccupations bassement matérielles, comme la nourriture, pour les ouvrir à ce qu’il y a de plus haut. 

Entrer dans le réel

À la relecture, je crois que c’est un contresens gravissime, qui tord complètement le sens du texte. Car tout le discours du Pain de vie, qu’ouvre cet échange, est fait pour conduire l’auditoire à une seule chose : manger le Pain, le seul vrai Pain, le Pain de vie. Ainsi le Christ ne reproche pas à la foules de s’attacher trop au pain et de ne pas voir les signes. Au contraire, il leur révèle que ce qui crie en eux, ce qui les a mis en mouvement ce n’est pas leur désir de voir des signes mais leur faim du Pain véritable. Le reproche que Jésus leur adresse est que leur désir de Dieu les fait se porter vers les images au lieu de se porter vers la chose, vers la préfiguration plutôt que vers l’accomplissement.

Le Pain qu’il donne n’est pas la figure d’un Dieu qui veut prendre soin de son peuple. C’est la réalité elle-même de Dieu qui se donne nourriture.

Jésus ne se situe pas comme les prophètes de l’ancien temps, comme Moïse, Élie ou Élisée, qui par des signes préfigurent et annonce ce qui doit encore s’accomplir. Il est l’accomplissement. Le Pain qu’il donne n’est pas la figure d’un Dieu qui veut prendre soin de son peuple. C’est la réalité elle-même de Dieu qui se donne nourriture. Jésus nous extrait du monde des signes et des figures pour nous faire entrer dans le réel. Le Christ clôt le temps des prophètes et des prophéties parce qu’il est l’accomplissement de toutes les prophéties, il clôt le temps de signes car il est ce que les signes annonçaient.

L’ordre nouveau

Il nous faut bien reconnaître que nous avons soif de signes, quelque chose en nous les demande, les espère, les attend. Ces signes qui montrent que notre réel est habité d’autre chose, que Dieu est véritablement à l’œuvre, que nous n’inventons pas notre foi. Des signes qui encourage notre foi, qui fortifient notre espérance. Il nous faut du merveilleux, du surnaturelle, des miracles, des guérisons inexpliqués, des possessions démoniaques et des repos dans l’Esprit ! Certain s’en font même une spécialité, hantant les lieux d’apparition, prêtant l’oreille à toutes les révélations privées même les plus absurdes, créant des soirées de guérison où l’on enjoint à Dieu de faire des signes (et s’il ne les faits pas alors nous les ferons nous-mêmes à sa place). 

Bien sûr, Dieu dans sa grande bonté, connaissant notre nature, peut donner des signes pour fortifier la foi des faibles et confirmer la mission de son Église dans le monde. Mais cela signifie-t-il pour autant que nous devons les désirer ? Car nous n’avons plus rien à attendre, en Jésus tout a été donné. Les signes de l’ancien temps sont accomplis. Jésus a institué un ordre nouveau qui n’est plus fait de signes que l’on doit décoder et interpréter, des signes complexes fait de miracles et de surnaturelle. L’ordre nouveau du Christ, c’est l’ordre des sacrements, des signes nouveaux donné pour un temps nouveau. Des signes qui ne préfigurent plus mais qui accomplissent. Non plus des images mais le réel. Non plus l’attente mais Dieu lui-même qui se donne.

Où le Christ nous attend

Ces signes d’un genre nouveau sont plus simples : de l’eau, du pain, de l’huile et du vin. Un geste de la main et une parole qui l’accompagne. Mais en eux il porte bien plus, car le Christ lui-même se donne en eux et ils sont les seuls qui peuvent nous rassasier. Ce qui nous nourrit véritablement, ce qui fait grandir notre foi, c’est le réel ordinaire dans lequel Dieu se donne : l’eucharistie, la confession, etc. Ne cherchons pas le Christ ailleurs puisque c’est là qu’il est présent, c’est là qu’il nous attend.

Lectures du 18e dimanche du temps ordinaire :

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