La forteresse de Glatz se situait dans les montagnes de Sudètes en Silésie. On y enfermait de grands criminels. Et aucun d’eux ne réussit à s’en évader. Parmi les prisonniers, le colonel M. y croupissait depuis des années. Accusé de haute trahison et de lèse-majesté envers le roi Frédéric-Guillaume III, qu’il avait attaqué, il ne pouvait compter d’être libéré un jour. Tristes et répétitifs, les jours s’écoulaient, l’un après l’autre, l’un imitant l’autre à en devenir fou. Le seul livre autorisé était la Bible, mais il avait abandonné Dieu, alors bon, la Bible…
Toutefois, pour tuer le temps, il ouvrait parfois le livre. Une nuit d’orage terrible et d’insomnie, le colonel ne trouvait pas le sommeil et devait faire face à l’orage intérieur de sa vie. Sa vie gâchée et défilant devant lui, sans issue. Il reconnut soudainement que ses malheurs avaient commencé lorsqu’il avait abandonné Dieu. Et pour la première fois de sa vie, il le regrettait. Et tous les regrets remontèrent à le submerger. Ouvrant alors la Bible au hasard, il tomba sur le Psaume 50 : "Invoque-moi au jour de la détresse : je te délivrerai, et tu me glorifieras."
Cette même nuit, pris de douleurs intestinales, le roi ne trouvait pas non plus le sommeil. Suppliant Dieu de lui accorder une heure de sommeil réparateur, il est exaucé. Alors à son réveil, il dit à son épouse :
- Dieu m’a montré sa grâce cette nuit… Il fût bon envers moi… Je voudrais l’en remercier et témoigner de cette grâce à quelqu’un. A ton avis : qui m’a le plus offensé dans ma vie ?
- C’est le colonel M. qui vous a le plus gravement offensé. Et qui se trouve pour cela dans la forteresse de Glatz. A jamais.
- C’est juste. Je veux le gracier !
Sur l’heure, partit un courrier royal en direction de la Silésie et des montagnes de Sudètes. Son pli annonçait la libération du prisonnier colonel M…
D’après Alfred Kuen, 366 histoires vraies, Excelsis, 2021.