Lors des dernières Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) à Lisbonne, la lumière qui tombait sur le Tage était zébrée de mille couleurs. Celles des innombrables drapeaux et bannières agités par les participants. Chaque groupe avait pris le soin de brandir qui son drapeau national, qui celui de sa province, qui celui de son groupe voire de sa troupe scoute. Un véritable défilé qui, visiblement, a enchanté le pape François ! "Drapeaux en pagaille et foule en liesse", titrait I.Media, l’agence de presse francophone spécialiste du Vatican.
Le drapeau est le premier moyen de communication qui existe dans le monde, car il permet immédiatement d’identifier celui qui l’arbore. Il n’est pas né d’aujourd’hui ce drapeau. Sans se référer au vexille des origines, ni aux aigles des troupes romaines, nous pouvons suivre son évolution depuis ce qu’on a appelé la chape de Saint-Martin jusqu’aux drapeaux nationaux. Si, contrairement à ce que l’on pense habituellement la chape de saint Martin n’a jamais été la bannière guerrière des rois de France, elle a au moins laissé un mot que nous utilisons couramment : chapelle, car c’était le lieu où l’on conservait la fameuse chape, mot qui désignait un manteau et que nous retrouvons encore parmi les vêtements liturgiques.
L’oriflamme de saint Denis
L’oriflamme de saint Denis, tissu précieux entreposé dans l’abbaye de Saint-Denis a rempli le rôle de bannière protectrice depuis que le roi Louis VI dit le Gros le leva en 1124, pour aller combattre l’empereur des Romains Henri V. On pense que cette oriflamme était en soie couleur vermeil, brodée de flammes d’or d’où son nom. Elle sera entourée d’une origine miraculeuse liée à Clovis lui-même. On la fit même descendre du ciel.
On l’aura compris, ce que l’on ne nomme pas encore drapeau, mais oriflamme, et improprement bannière, ne sera plus un bâton de commandement, mais un instrument politique, une enseigne de pouvoir. Elle eut le statut de bannière royale, peut-être jusqu’en 1465, lorsque dit-on — mais pas les historiens — Louis XI l’aurait levée. Toujours est-il qu’elle fut "levée" à Saint-Denis quarante-et-une fois et portée en mer à quatre croisades, le cri de guerre restant "Montjoie !"
Les bannières des croisés
On pourrait gloser sans cesse sur l’apparition du premier drapeau. Ce mot est assez récent. Il a émergé au tournant des XVIe-XVIIe siècles et fit son entrée dans notre vocabulaire par le vocable italien drapel. Nos ancêtres parlaient plus volontiers de bannière, de gonfalon, de penon, de pavillon ou d’étendard. "Ce nouveau terme est longtemps resté imprécis et se confondit jusque sous le règne de Charles IX avec celui d’enseigne", précise Luc Doublet. Il vient de l’italien drapello, signifiant vers le XIIe siècle, pièce de linge ou d’étoffe voire de chiffon.
Quelle serait la première étoffe qui aurait joué le rôle de ce que nous nommons aujourd’hui drapeau ? Il nous faut remonter en janvier 1188, lors de la préparation de la préparation de la troisième croisade, appelée "la croisade des rois". Henri et Philippe-Auguste décidèrent afin de se différencier selon leurs pays d'origine, d’adopter pour leur bannière les couleurs choisies peu de temps auparavant par le pape Grégoire VIII et l'empereur de Byzance : croix rouge sur fond blanc pour les Français ; croix blanche sur fond rouge pour les Anglais ; croix verte sur fond blanc pour les Flamands. On rapporte qu’au moment où l’archevêque de Tyr distribua des croix à ces princes, on vit au-dessus de l’orme qui les abritait, "une Croix admirable et d’éclatante lumière".
Le pavillon des Hospitaliers
Ces « bannières des croisés » furent imitées dans toute l’Europe et chaque monarque aura rapidement la sienne. Dès 1232, le duc Frédéric II de Babenberg (2010-46) s’attribua une bannière à trois bandes, rouge, blanche et rouge ; l’empereur germanique prendra ensuite la bannière de saint Georges. Le Dannebrog danois, rouge à croix blanche né en juin 1219, lors de la bataille de Lyndanisse, entre le roi du Danemark Valdemar le Victorieux et les Estoniens païens. À l'issue de cette bataille, la tunique blanche du roi Valdemar entièrement rougie du sang de ses adversaires, à l'exception de l'emplacement de sa ceinture et de son baudrier, l’aurait inspiré. On dit aussi qu’il serait apparu dans le ciel. Il se différencie du pavillon des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem qui peut être considéré comme le premier des pavillons nationaux car concédé par le pape Innocent III, en 1130, car la croix, dite de saint Olaf, est décalée du côté de la lance.
Croix blanche sur fond blanc
Si l’on considère le plus grand nombre des drapeaux des royaumes passés ou présents, la croix y domine largement. Même l’Union Jack composé de plusieurs croix superposées. Il est intéressant de voir que la croix rouge domine. Les Anglais, nos amis, utilisèrent à partir de 1277, la croix rouge de saint George comme emblème national, les Français choisirent alors la croix blanche sur fond blanc. Celui-là fut décliné sur fond bleu, semé de fleurs de lys, blanc sans marque. Souvenons-nous du panache blanc d’Henri IV à Ivry.
En 1638, une ordonnance règlementa le drapeau du régiment des Gardes françaises : entièrement blanc, la croix blanche sur ton, quartiers chargés de fleurs de lys d’or, chaque branche de la croix portait en outre une couronne d’or. Le pavillon blanc était réservé aux vaisseaux de guerre à voiles, celui du commerce était bleu à la croix blanche.
Puis l’on vit les drapeaux d’ordonnance des régiments, dont la croix était semée d’emblèmes qui leur était propre. Nous retrouvons aujourd’hui, cette même disposition sur non pas les drapeaux mais les étendards scouts.
Pratique