Le chrétien ne peut que rester étonné lorsqu’il apprend que le thème si connu du Déluge recouvrant de ses eaux la terre entière avec la célèbre arche de Noé et tous ses animaux était déjà familier des civilisations antérieures à la Bible. C’est en fait un vaste fonds culturel et mythologique du Proche-Orient dont ont hérité les Hébreux. Avant eux, les civilisations mésopotamiennes et même indiennes connurent ce thème étrange d’un renouvellement de la vie par l’anéantissement des eaux.
L’histoire la plus connue est celle de l’épopée de Gilgamesh à l’époque mésopotamienne au XVIIIe siècle av. J-C. Ce héros cherchait, en vain, à parvenir à l’immortalité, mais au terme de son parcours il apprit que les dieux avaient fustigé les hommes qui ne cessaient par leur vacarme continu de les déranger. La vengeance des dieux Anou et Enlil fut terrible puisqu’elle consista à recouvrir la terre des eaux. Seul un homme en réchappa, Utanapishtim, embarqué sur une arche avec tous les animaux de la terre.
Noé et le Déluge
Si l’archéologie a révélé des traces très anciennes de déluge et même de bitume recouvrant les fondations de palais mésopotamiens afin de les protéger des eaux, le récit biblique relaté au livre de la Genèse prend un tout autre sens symbolique que celui des civilisations du Proche-Orient. Cette catastrophe provoquée par le déchaînement des éléments et l’anéantissement des eaux sur toute la terre ne résulta pas, en effet, du caractère irascible et imprévisible des dieux mais bien de l’idée de punition des hommes ayant péché contre le Dieu unique :
L’eau prendra désormais dans le récit biblique un autre symbole à côté de celui de la vie. Elle sera également synonyme de punition et de purification avant la nouvelle alliance :
Ce symbole purificateur de l’eau conduira, en effet, à une alliance des hommes avec Dieu qui promit que plus jamais la destruction par l’eau ne surviendra :
La compassion infinie de Dieu
Le pape Benoît XVI est revenu, lors d’une homélie en 2009, sur cet épisode biblique du déluge et l’a rattaché à l’idée que l’homme est jugé par rapport au cœur de Dieu, une idée que l’on retrouve dans l'antienne du Magnificat : "Le Seigneur nous a accueillis dans son cœur - Suscepit nos Dominus in sinum et cor suum". C’est ce même cœur de Dieu qui dans l'Ancien Testament décide le déluge pour les péchés des hommes. « Mais il s'émeut ensuite face à la faiblesse humaine et pardonne », souligne le Pape dans cette même homélie. C’est ce pardon ou rédemption qui donne tout son sens à l’aspect toujours surprenant du Déluge. Dieu ne s’arrête pas à sa colère alors même que tous les hommes à l’exception de Noé s’étaient pervertis, mais renouvelle la vie par l’eau, préfiguration du thème si essentiel du baptême qui sera au cœur du Nouveau Testament et du christianisme.