À couteaux tirés ! Voilà la campagne présidentielle qu’on nous présente. On va avoir de la "castagne" à faire pâlir les "mémés" adeptes du coup de poing que chantait Claude Nougaro. Oh, cette bagarre n’aura pas le panache que lui donnait Jean-Paul Belmondo dans ses films ! Mais les amateurs de catch politique, devenu la spécialité des chaînes de télé tout-info, sont avisés, rassurés même : il y aura du sport et ça va cogner sec. Les vigies médiatiques, déjà sur le pont avant de connaître tous les concurrents de la course à l’ Élysée, nous promettent avec gourmandise une campagne "de folie" jusqu’au 24 avril 2022, date du second tour du scrutin présidentiel.
"Rien de nouveau sous le soleil", objectera-t-on. Le politique a toujours été un détonateur de passions dévastatrices et de haines recuites. La traque ininterrompue des réseaux sociaux sur les pas — les faux de préférence — de nos politiciens ne contribue guère à assagir le paysage. Pour autant, la situation du monde et de la société peut-elle se satisfaire de la réduction de l’élection présidentielle à une compétition entre egos prêts à tous les esclandres pour remporter le trophée ?
Aujourd’hui les catholiques sont multicolores sur l’échiquier politique.
Les catholiques qui se lamentent souvent d’être réduits comme peau de chagrin dans la société, ont sur ce sujet une occasion à ne pas manquer pour être utiles au renouveau de la politique. Pour deux raisons au moins. La première est qu’il y a des catholiques dans tous les partis. Voilà seulement cinquante ans que leur pluralisme politique a été légitimé par le magistère. Ce texte, s’il leur défend d’adhérer à un parti extrémiste prônant l’athéisme ou la violence, leur reconnaît le droit d’être de gauche, du centre ou de droite. Aujourd’hui les catholiques sont multicolores sur l’échiquier politique. Un parti à lui seul ne saurait plus revendiquer le label catholique. Ceci d’autant que la doctrine sociale de l’Église défend à quiconque d’assimiler à une idéologie unique les grands principes qu’elle énonce depuis Léon XIII par une batterie d’encycliques, relayées ensuite par des épiscopats nationaux.
Venons-en à la deuxième raison plaçant les catholiques en protagonistes d’un renouveau de la politique. De Pie XI à François, tous les papes ont martelé l’idée que "la politique est la forme la plus haute de la charité". Le pape actuel a surenchéri en encourageant les jeunes à "se salir les mains" pour diffuser une pratique différente et juste de la politique : en privilégiant la probité sur la corruption, le dialogue sur le débat, la recherche de solutions et de compromis sur l’art consommé de la division et de l’opposition systématique. Cette présence multipartite et cette mission réformatrice placent les catholiques en première ligne de la réhabilitation de l’action politique et les appellent à être exemplaires.
Est-ce naïf de penser cela ? Des politiciens catholiques marquants du XXe siècle en Europe témoignent qu’il est possible de convertir la politique en actes de charité pour le bien du plus grand nombre, et sans chercher à en retirer de gloire personnelle. Qu’aurait été la réconciliation franco-allemande sans l’engagement de l’Allemand Conrad Adenauer ? Qu’aurait été l’Union européenne sans la persévérance du Français Robert Schuman ? Qu’aurait été la paix dans le contexte de guerre froide sans l’action de l’Italien Giorgio La Pira ? Qu’aurait été la concorde civile en Belgique sans la sollicitude du roi Baudouin ? Tous ont été les champions d’un style politique qui ne se payait pas seulement de mots ou de postures, mais d’actes courageux. Tous aussi ils ont été témoins que la politique n’était pas une zone interdite à la sainteté.
Catholiques de tous les partis, prenons-en de la graine pour rénover et réhabiliter la politique !