Ô Emmanuel, rex et legifer noster, exspectatio gentium, et Salvator earum : veni ad salvandum nos, Domine, Deus noster —
"Ô Emmanuel, notre roi et notre législateur, toi l’attendu des nations et leur Sauveur, viens nous sauver, Seigneur, notre Dieu."
La prophétie de l’alma
Le cycle des antiennes Ô s’achève par l’invocation du Christ sous le vocable d’"Emmanuel". Ce titre est à sa place au plus proche de la Nativité, puisqu’il signifie "Dieu-avec-nous". Et précisément, Noël, c’est Dieu-avec-nous ! Ce titre était d’ailleurs annoncé par les prophètes, qui avaient parlé d’une naissance miraculeuse par une vierge :
"C'est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel" (Is 7, 14).
La prophétie de l’alma (la vierge ou la jeune fille) s’accomplit donc dans l’enfant Jésus, né de la Vierge Marie. "Or tout ceci advint pour que s’accomplît cet oracle prophétique du Seigneur : Voici que la vierge concevra et enfantera un fils, et on l’appellera du nom d'Emmanuel, ce qui se traduit : “Dieu avec nous”" (Mt 1, 22-23). Il convenait qu’à un tel enfant, Dieu donne une mère doublement vierge, par la préservation du péché et par la préservation du contact charnel.
Avec l’Incarnation, Dieu se fait proche de nous, épousant notre condition humaine à l’exception du péché. Il n’est plus l’inconnaissable, le Dieu-caché, deus absconditus. Mais ce Dieu qui s’est révélé parfaitement en son Fils, né et livré pour notre salut. Les témoins de la venue du Verbe sur la terre ont pu le voir, le toucher, l’entendre :
"Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie — car la vie s’est manifestée : nous l’avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était tournée vers le Père, et qui nous est apparue — ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous soyez en communion avec nous" (1 Jn 1, 1-3).
Proximité avec Jésus et envoi en mission
Depuis l’Incarnation, Jésus se laisse toucher dans une proximité inouïe : des bras de la Vierge enserrant amoureusement le bébé de la Crèche au doigt soupçonneux de Thomas introduit dans ses plaies après sa Résurrection, de la tête de Jean posée avec confiance sur sa poitrine à la Cène jusqu’aux mains du prêtre qui l’élève à la Messe avant de le faire goûter aux fidèles... C’est toute la vie chrétienne qui devient un contact charnel avec le corps du Christ, sacrement visible du Dieu invisible.
En Jésus-Christ, Dieu est l’Emmanuel, Dieu-avec-nous, et cela pour toujours. "Et voici que je suis avec vous pour toujours, jusqu’à la fin du monde" (Mt 28, 20). Il est intéressant de constater que dans cette promesse du Ressuscité à ses disciples avant son Ascension, Jésus lie l’accomplissement de cette promesse à la mission des disciples :
"Allez donc, de toutes les nations, faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit" (Mt 28, 19-20).
C’est donc avant tout dans l’Église, communauté de foi, d’espérance et de charité, que Jésus est réellement présent, toujours avec nous jusqu’à la consommation des siècles. C’est la prière de Jésus, qui nous promet l’envoi du Saint-Esprit pour réaliser sa présence parmi nous après son départ :
"Je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il soit avec vous à jamais, l’Esprit de vérité, que le monde ne peut pas recevoir, parce qu’il ne le voit pas ni ne le reconnaît. Vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure auprès de vous et qu’il est en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins. Je viendrai vers vous." (Jn 14, 16-18)
Ainsi, Jésus peut dire en toute vérité :
"Que deux ou trois, en effet, soient réunis en mon nom : je suis là au milieu d’eux" (Mt 18, 20).
Pour nous sauver
Cette proximité visée par l’antienne est aussi celle d’un "roi et législateur" qui vient "pour nous sauver". Là encore, c’est l’accomplissement en perfection d’un oracle d’Isaïe :
"Car YHVH nous juge [dans la Vulgate : legifer] et YHVH nous régente, YHVH est notre roi, c’est lui notre sauveur" (Is 33, 22).
Mais le Christ est un roi issu de nous, et non pas un roi étranger comme Israël en a tant souffert. C’est un roi qui partage la condition de son peuple, et cela jusqu’à la mort. Et ce législateur n’inscrit pas sa loi sur des tables de pierre ou des parchemins, mais directement dans nos cœurs, par l’Esprit-Saint dont on disait à l’instant qu’Il était envoyé précisément pour permettre la présence définitive du Christ parmi nous. L’Emmanuel est donc Dieu-avec-nous par son Incarnation, par le don de la Loi nouvelle, par sa Passion, par sa Résurrection, par l’envoi de l’Esprit-Saint, et par l’Église qui est "le Christ continué", ou "le Christ répandu et communiqué". C’est de ce grand mystère que la fête de Noël veut nous faire vivre, et que le cycle des antiennes Ô désormais achevé entend nous faire préparer en nos âmes.
Pour en savoir plus : Angelicum.